La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2013 | FRANCE | N°13DA00434

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 11 décembre 2013, 13DA00434


Vu la décision du 20 mars 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme A...E..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2010 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme A...E..., demeurant..., par la SCP Bignon, Lebray et associés ;

M. et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703196 du 26 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rouen a

rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2007 du ma...

Vu la décision du 20 mars 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme A...E..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2010 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme A...E..., demeurant..., par la SCP Bignon, Lebray et associés ;

M. et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703196 du 26 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville accordant à M. D...B...un permis de construire un bâtiment à usage de bureaux et d'ateliers ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Goderville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agnès Eliot, rapporteur public,

- et les observations de Me F...C..., substituant Me Alain Vamour, avocat de M. et MmeE..., et de Me Cindy Ozanne, avocat de la commune de Goderville et de M.B... ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que si le tribunal administratif de Rouen a omis de mentionner, dans les visas de la minute signée de son jugement, les mémoires des 7 novembre 2008, 3 avril et 23 septembre 2009 produits par M. et MmeE..., une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que ces écritures auraient apporté un élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs ; que, par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué aurait méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville :

En ce qui concerne la composition du dossier de demande de permis de construire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme applicable : " A. Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : / (...) / 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; / (...) / 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier joint à la demande de permis de construire comprenait, notamment, deux photographies dans la partie " état actuel " du plan de masse, deux photographies dans la partie " plantations " et une photographie dans la partie " perspective et insertion ", ainsi que cela ressort notamment du timbre de la direction départementale de l'équipement de la Seine-Maritime avec la date du 16 juillet 2007 apposée sur ces documents selon les copies produites par la commune de Goderville et M. B...devant la cour ; que ces prises de vue, effectuées depuis la route départementale n° 925, permettaient de manière suffisante de situer le terrain dans l'ensemble du paysage et d'apprécier la place qu'il y occupe ; que le dossier comportait également une notice d'insertion mentionnant l'intégration du projet dans son environnement qu'elle décrivait de manière suffisante en l'espèce comme étant une zone d'activités à la sortie de la commune ; que si aucun document ne concernait précisément l'environnement situé de l'autre côté de la route départementale, l'administration, qui disposait de l'ensemble des pièces du volet paysager mentionnées à l'article R. 421-2, était, dans les circonstances de l'espèce, en mesure d'apprécier l'insertion du futur bâtiment dans son environnement proche et lointain, ainsi que son impact visuel ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions des 5° et 7° de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne les contradictions dans le dossier de demande de permis de construire :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le plan de masse fasse apparaître les places de stationnement prévues dans le formulaire de demande de permis de construire ; que, dès lors et en tout état de cause, la circonstance que les huit places de stationnement, prévues à l'intérieur du bâtiment et mentionnées dans le formulaire, ne soient pas matérialisées sur le plan de masse, ne révèle pas de contradiction qui aurait dû justifier le rejet de la demande de permis de construire ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si le plan de coupe longitudinale mentionnait une hauteur du bâtiment projeté de 7,25 mètres, les indications convergentes du formulaire de demande et du plan de coupe verticale mentionnant tous deux une hauteur de 7,10 mètres ont permis de résoudre aisément cette contradiction qui n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à induire en erreur l'administration sur le projet ;

6. Considérant, en dernier lieu, que le formulaire de demande comportait deux indications contradictoires concernant la surface hors oeuvre nette totale, l'une de 680 mètres carrés et l'autre 800 mètres carrés ; que, toutefois, l'administration qui a pu reprendre les calculs au vu des plans fournis, a établi, sans que son calcul soit contesté, que la surface hors oeuvre nette réelle était en fait de 940 mètres carrés ; qu'elle n'a pas été, par suite, induite en erreur par les mentions erronées précitées ;

En ce qui concerne la méconnaissance de la servitude T 1 :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles du terrain d'assiette du projet, cadastrées section A n° 1381, A n° 1383 et B n° 719, bordent une voie de chemin de fer ; qu'à ce titre, elles entrent dans le périmètre de la servitude d'utilité publique T 1 instituée en application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer et annexée au plan d'occupation des sols de la commune de Goderville interdisant au 1° du B de son III l'implantation, d'une part, d'un dépôt de matières inflammables à moins de 20 mètres du chemin de fer et, d'autre part, les plantations à moins de 6 mètres de celui-ci ; que si ces parcelles ont fait l'objet d'une décision de déclassement du domaine public ferroviaire par une décision du 25 avril 2006 du président du conseil d'administration de Réseau Ferré de France en vue de leur cession à M.B..., en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué, qu'en tout état de cause, le terrain d'assiette de la voie de chemin de fer aurait lui-même fait l'objet d'un tel déclassement ; que la double circonstance que le service public ferroviaire, consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire, ait donné un avis favorable au projet de M. B...et que la desserte ferroviaire de Goderville ne soit plus assurée depuis les années 1970, des traverses et des rails de la voie de chemin de fer ayant même été recouvertes ou déposées à certains endroits, n'est pas par elle-même de nature à entraîner l'extinction de la servitude réglementaire instituée ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la remise en service de la desserte ferroviaire de Goderville n'est pas exclue conformément au projet d'aménagement et de développement durables du schéma de cohérence territoriale du pays des hautes falaises ; qu'il ressort du dossier de demande de permis de construire, et il n'est pas contesté, que le projet de M. B...comporte des arbres à moins de 6 mètres et un local de stockage de peinture, constituant un dépôt de matières inflammables, nécessaire à son activité, à moins de 20 mètres de la voie de chemin de fer au sens de la servitude T 1 ; que, dans ces conditions, en accordant le permis de construire sollicité, le maire de la commune de Goderville a méconnu la servitude T 1 ;

En ce qui concerne l'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

9. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. B...comporterait des cavités souterraines, lesquelles ont été répertoriées sur le territoire de la commune en 1995 ; que la circonstance que des cavités soient présentes à proximité n'est pas de nature, en l'espèce, à établir l'existence d'un risque pour la sécurité publique ; qu'en l'absence de cavités souterraines sous le terrain d'assiette et de risque sérieux de découverte d'une telle cavité compte tenu de l'inventaire réalisé, M. B...n'était pas tenu de procéder à une vérification spécifique de la portance et de l'aptitude des sols en application des dispositions de l'article UY 2 du règlement du plan d'occupation des sols ;

10. Considérant, d'autre part, que les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que le projet, compte tenu des nuisances sonores qu'il engendrerait par l'activité de peinture et de menuiserie accueillie, serait de nature à porter atteinte à la salubrité publique ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

En ce qui concerne l'atteinte aux lieux avoisinants :

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date du permis litigieux : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; que l'article UY 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Goderville, relatif à l'aspect extérieur des constructions, dispose que : " Les constructions de quelque nature qu'elles soient doivent respecter le cadre créé par les immeubles avoisinants et par le site, sans exclure les architectures contemporaines de qualité " ; que ces dernières dispositions ont le même objet que celles, précitées, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent, eu égard aux caractéristiques de la zone à laquelle elles s'appliquent, des exigences qui ne sont pas moindres ; que, dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que la cour doit apprécier la légalité de la décision attaquée, en opérant un plein contrôle du respect, par le projet de construction, du caractère de son environnement ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d'huissier et des photographies produites, que la construction projetée, consistant en un bâtiment à usage de bureaux et d'ateliers, se trouve dans une zone d'activités tertiaires, commerciales et industrielles, ainsi que le prévoit d'ailleurs le règlement du plan d'occupation des sols ; que cette zone est marquée, notamment, par la présence d'une fabrique de bougies et de silos de taille importante réalisés en tôle et visibles à 200 mètres environ depuis la construction litigieuse et la parcelle des requérants ; que si le projet de M. B...est dans le voisinage immédiat de l'ancienne gare et de l'ancienne école et se situe non loin de certains autres bâtiments anciens en brique, en particulier de la villa de l'ancienne briqueterie, son environnement pris dans son ensemble ne constitue pas un cadre homogène auquel il porterait atteinte ; que, par suite, c'est sans erreur d'appréciation que le maire de la commune de Goderville a pu accorder le permis de construire en litige ;

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif peut procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable d'un projet de construction et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet ; que le juge peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation partiellement annulée ;

15. Considérant que le vice affectant l'implantation des arbres et la localisation de la partie du bâtiment destinée au stockage de la peinture au regard de la servitude T 1, constaté au point 7, affecte une partie identifiable du projet de construction qui est susceptible d'être régularisée par un permis de construire modificatif sans que ne soient remises en cause la conception générale ou l'implantation des constructions ; qu'il n'y a donc lieu d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville qu'en tant qu'il autorise l'implantation d'arbres et d'un local de stockage de peinture à une distance méconnaissant les dispositions de la servitude T 1 ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville accordant à M. B...un permis de construire un bâtiment à usage de bureaux et d'ateliers en tant qu'il autorise l'implantation d'arbres et d'un local de stockage de peinture à une distance méconnaissant les dispositions de la servitude T 1 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Goderville et de M.B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que M. et Mme E...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E...le versement à la commune de Goderville et à M. B...d'une somme globale de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par eux ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 novembre 2009 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. et Mme E...tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville en ce qu'il autorise l'implantation d'arbres et d'un local de stockage de peinture à une distance méconnaissant les dispositions de la servitude T 1.

Article 2 : L'arrêté du 6 septembre 2007 du maire de la commune de Goderville est annulé en ce qu'il autorise l'implantation d'arbres et d'un local de stockage de peinture à une distance méconnaissant les dispositions de la servitude T 1.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E...est rejeté.

Article 4 : M. et Mme E...verseront à la commune de Goderville une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : M. et Mme E...verseront à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...E..., à la commune de Goderville et à M. D...B....

''

''

''

''

2

N°13DA00434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00434
Date de la décision : 11/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: Mme Eliot
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-12-11;13da00434 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award