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11/12/2013 | FRANCE | N°12DA01071

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 11 décembre 2013, 12DA01071


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par la SELARL Antoine Mary et Caroline Inquimbert ;

Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002547 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2010 du président du conseil général du département de la Seine-Maritime ayant rejeté son recours préalable contre les décisions de la caisse d'allocations familiales du Havre des 10 et 17 avril 2010 portant retrait de son droit au

bénéfice du revenu de solidarité active et lui demandant le remboursement d...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par la SELARL Antoine Mary et Caroline Inquimbert ;

Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002547 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2010 du président du conseil général du département de la Seine-Maritime ayant rejeté son recours préalable contre les décisions de la caisse d'allocations familiales du Havre des 10 et 17 avril 2010 portant retrait de son droit au bénéfice du revenu de solidarité active et lui demandant le remboursement de la somme de 528,49 euros déjà perçue, d'une part, et de ces décisions des 10 et 17 avril 2010, d'autre part ;

2°) de lui accorder le bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 30 mars 2010, avec intérêts au taux légal sur cette somme ;

3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de la SELARL Mary et Inquimbert ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la charte sociale européenne (révisée) et son annexe ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Agnès Eliot, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante azerbaïdjanaise alors titulaire d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " d'un an valable à compter du 30 juin 2009, a sollicité le bénéfice du revenu de solidarité active ; que, par une décision du 10 avril 2010, la caisse d'allocations familiales du Havre a rejeté sa demande et, par une décision du 17 avril suivant, lui a demandé le remboursement de la somme de 528,49 euros déjà perçue à ce titre ; que, par une décision du 31 mai 2010, le président du conseil général du département de la Seine-Maritime a rejeté le recours formé contre ces deux décisions par l'intéressée au motif que celle-ci n'était pas titulaire depuis cinq ans d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ; que Mme B... relève appel du jugement du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à l'octroi du bénéfice du revenu de solidarité active ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l'article 14 de cette convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 262-4 du même code : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / 1° Être âgé de plus de vingt-cinq ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître ; / 2° Être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n'est pas applicable : / a) Aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents. / (...) " ;

4. Considérant que l'allocation de revenu de solidarité active a le caractère d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette prestation a pour principal objet d'inciter à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle ; que le législateur a estimé que la stabilité de la présence sur le territoire national était une des conditions essentielles à l'insertion professionnelle ; que cette condition de stabilité est, en principe, regardée comme remplie lorsque le demandeur est de nationalité française ; qu'en réservant le bénéfice du revenu de solidarité active à ceux qui, parmi les étrangers, sont titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour les autorisant à travailler, ou sont titulaires d'une carte de résident ou d'un titre équivalent, le législateur a institué entre les Français et les étrangers, d'une part, et entre les étrangers, d'autre part, selon qu'ils ont ou non une résidence stable en France, une distinction qui repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles énonçant cette condition méconnaîtraient le principe de non-discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

5. Considérant qu'eu égard à l'objet de l'allocation de revenu de solidarité active, les dispositions de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles ne portent pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale et ne sont pas incompatibles, de ce fait, avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen de Mme B...tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;

6. Considérant qu'eu égard à l'ensemble du régime de protection des mineurs applicables en France et à la finalité poursuivie par l'attribution du revenu de solidarité active, le refus d'attribuer le bénéfice du revenu de solidarité active n'est pas, par lui-même, de nature à porter atteinte à l'intérêt supérieur des enfants mineurs du demandeur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

7. Considérant que selon l'article 13 de la charte sociale européenne révisée, les parties s'engagent à prendre des mesures appropriées en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à l'assistance sociale et médicale ; que ces stipulations, qui ne produisent pas d'effets directs à l'égard des particuliers, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en raison de l'incompatibilité de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles sur lequel elle se fonde ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les droits énoncés par la charte sociale européenne révisée ne seraient pas garantis dans le respect du principe de non-discrimination prévu par l'article E de la partie V de la charte, est inopérant ;

8. Considérant que les stipulations des articles 2, paragraphe 1, et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ne sont invocables que par les personnes qui soutiennent qu'elles sont victimes d'une discrimination au regard de l'un des droits civils et politiques reconnus par le pacte ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles méconnaîtraient les articles 2 et 26 du pacte est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement au département de la Seine-Maritime d'une somme au titre des frais de même nature exposés par lui ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Seine-Maritime présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au département de la Seine-Maritime et à la SELARL Mary et Inquimbert.

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N°12DA01071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA01071
Date de la décision : 11/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: Mme Eliot
Avocat(s) : SELARL MARY INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-12-11;12da01071 ?
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