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05/11/2013 | FRANCE | N°12DA01880

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 05 novembre 2013, 12DA01880


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, présentée pour la SOCIETE LILLOISE D'INVESTISSEMENT HOTELIER (SLIH), dont le siège est 5 rue Jean Roisin à Lille (59000), par la SCP Dablemont et Me D...; la SLIH demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102957 du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, confirmant la décision du 28 décembre 2010 de l'inspecteur du travail déclarant Mlle A...apte à un poste de chef de

rang au sein de l'établissement " L'Hermitage Gantois " ;

2°) d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, présentée pour la SOCIETE LILLOISE D'INVESTISSEMENT HOTELIER (SLIH), dont le siège est 5 rue Jean Roisin à Lille (59000), par la SCP Dablemont et Me D...; la SLIH demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102957 du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, confirmant la décision du 28 décembre 2010 de l'inspecteur du travail déclarant Mlle A...apte à un poste de chef de rang au sein de l'établissement " L'Hermitage Gantois " ;

2°) d'annuler ces décisions ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me C...B..., substituant la SCP Soland, avocat de la SLIH ;

1. Considérant que la SOCIETE LILLOISE D'INVESTISSEMENT HOTELIER (SLIH) relève appel du jugement du 7 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, confirmant la décision du 28 décembre 2010 de l'inspecteur du travail déclarant Mlle A...apte à un poste de chef de rang au sein de l'établissement " L'Hermitage Gantois " ; que la société SLIH doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et de celle du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Sur la décision de l'inspecteur du travail :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la contestation, présentée par le salarié devant l'inspecteur du travail, sur le fondement de l'article L. 4624-1 du code du travail, de l'avis émis par le médecin du travail sur son aptitude à occuper son emploi doive être introduite avant que le licenciement du salarié déclaré inapte ait pris effet ;

3. Considérant que pour contester l'absence de délai imposé au salarié pour présenter cette contestation, la société SLIH ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne sont applicables qu'aux procédures juridictionnelles ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ; qu'en se bornant à faire état d'un risque économique non choisi portant atteinte à des droits patrimoniaux, la société SLIH n'identifie pas le bien auquel il serait porté atteinte par l'absence de délai accordé au salarié pour contester une décision relative à son aptitude à un emploi, et n'est, par suite, pas fondée à invoquer les stipulations précitées ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux : " 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 51 de la même charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que l'article L. 4624-1 du code du travail ne mettant pas en oeuvre le droit de l'Union européenne, la société SLIH ne peut utilement invoquer les stipulations précitées de l'article 17 de cette charte ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'alors même que cette absence de délai imposé au salarié pour présenter cette contestation introduirait pour la société SLIH une insécurité juridique, l'inspecteur du travail a pu à bon droit estimer que la contestation de Mlle A... de l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 19 juillet 2009 n'était pas tardive ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du code du travail imposent à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est conduit à décider, en cas de difficulté ou de désaccord, de l'aptitude professionnelle d'un salarié, d'indiquer, dans le respect du secret médical, les considérations de fait sur lesquelles il se fonde pour déclarer apte ou inapte un salarié ; qu'en l'espèce, en retenant que l'environnement de travail a évolué au sein de l'établissement, notamment par le départ de plusieurs encadrants de Mlle A...et que l'état de santé de l'intéressée a évolué positivement, ses troubles ayant disparu, l'inspecteur du travail a suffisamment motivé sa décision ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail qu'en cas de désaccord sur l'avis formulé par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis ; que pour se prononcer sur l'aptitude du salarié, l'inspecteur du travail doit tenir compte des circonstances de droit et de fait prévalant à la date à laquelle il prend sa propre décision ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 19 juillet 2010, le médecin du travail a estimé que Mlle A...était inapte à son poste et à tout poste dans l'établissement " L'Hermitage Gantois ", tout en précisant qu'elle restait apte au poste de serveuse en restauration, chef de rang dans un environnement différent ; que constatant, d'une part, l'évolution de l'environnement de travail, trois cadres, dont celui que l'intéressée accusait de harcèlement sexuel, ayant quitté l'établissement, et, d'autre part, l'amélioration de son état de santé, l'inspecteur du travail a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prendre en considération des éléments postérieurs à l'avis d'inaptitude du médecin du travail et déclarer Mlle A...apte à son poste de chef de rang au sein de " L'Hermitage Gantois " ;

Sur la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

10. Considérant que lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur l'avis du médecin du travail pris en application de l'article L. 4624-1 du code du travail, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire ; que par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi, les moyens présentés par la SLIH à l'encontre de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant son recours hiérarchique sont inopérants ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SLIH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SLIH est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LILLOISE D'INVESTISSEMENT HOTELIER et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie sera adressée à MlleA....

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N°12DA01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 12DA01880
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-04 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe (AC) Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP DABLEMONT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-11-05;12da01880 ?
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