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15/10/2013 | FRANCE | N°13DA00824

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 15 octobre 2013, 13DA00824


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée par le préfet du Nord ; le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207216 du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 27 juin 2012 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit

jugement, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit o...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée par le préfet du Nord ; le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207216 du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 27 juin 2012 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée et, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande de MmeB... ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Antoine Berthe, avocat de MmeB... ;

1. Considérant que le préfet du Nord relève appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 27 juin 2012 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., ressortissante bosniaque née le 7 novembre 1974, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d' un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

3. Considérant que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 dudit code, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en 2005 accompagnée de ses cinq enfants et s'est maintenue sur le territoire ; que ses demandes d'asile ont été rejetées en 2005, 2006 et 2007 ; qu'elle a donné naissance à un sixième enfant le 7 juin 2006, avant de faire l'objet, le 24 août 2007, d'un arrêté de reconduite à la frontière ; qu'à la suite de la naissance, le 30 mars 2010, de son septième enfant, Alcapone, Mme B...a sollicité du préfet du Nord la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité, le 27 avril 2010, par un ressortissant français, M. C...D...; que Mme B...a ultérieurement donné naissance, le 12 mars 2012, à un huitième enfant, Adel ; que Mme B...reconnaît qu'elle ne sait pas, avec certitude, qui est le père d'Alcapone ; qu'il résulte, en outre, des pièces versées au dossier par le préfet du Nord que M. D...a expressément déclaré qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant Alcapone et qu'il avait frauduleusement reconnu la paternité de cet enfant dans le seul but de rendre service à Mme B... pour qu'elle obtienne un titre de séjour, laquelle reconnaît l'avoir sollicité ;

5. Considérant qu'au regard de ces éléments, et alors que Mme B... se borne à soutenir que M. D...a reconnu l'enfant et que le caractère certain de la fraude n'est pas démontré, le préfet du Nord doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D...à l'égard de l'enfant Alcapone avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet du Nord, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeB..., alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 pour annuler son arrêté du 27 juin 2012 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour ;

7. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2011259-0001 du 16 septembre 2011 publié le 19 septembre 2011 au recueil spécial n° 132 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné à M. Eric Azoulay, secrétaire général adjoint, délégation pour signer " tous arrêtés (...) décisions, relevant des attributions de la direction de la règlementation et des libertés publiques, de la direction de l'immigration et de l'intégration " ; que, par cette délégation, M. Eric Azoulay était compétent pour prendre l'arrêté attaqué ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, eu égard au motif qui le fonde, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de Mme B...une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par le préfet du Nord et n'a donc pas méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant, enfin, que la consultation de la commission du titre de séjour n'était pas requise dans la mesure où Mme B...n'entrait pas dans un cas ou elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 juin 2012 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de Mme B..., ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1207216 du tribunal administratif de Lille du 16 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00824
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-10-15;13da00824 ?
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