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21/03/2013 | FRANCE | N°12DA00309

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 21 mars 2013, 12DA00309


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 22 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 24 février 2012, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par Me D. Gorand, avocat ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1003309-1102197 du 22 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M. A...D..., l'arrêté du 6 septembre 2010 par lequel l'adjoint au maire de la commune d'Aiz

ier leur a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire une maison d'h...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 22 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 24 février 2012, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par Me D. Gorand, avocat ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1003309-1102197 du 22 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M. A...D..., l'arrêté du 6 septembre 2010 par lequel l'adjoint au maire de la commune d'Aizier leur a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire une maison d'habitation ainsi que l'arrêté du 10 juin 2011 par lequel cette même autorité leur a délivré un permis de construire modificatif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M. D...;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- et les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme C...ont obtenu, par arrêté du 6 septembre 2010 délivré par le maire adjoint de la commune d'Aizier, la délivrance d'un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé dans cette commune, chemin rural n° 13, hameau Arsault ; qu'à la demande de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M.D..., le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a ordonné la suspension de l'exécution de cet arrêté au motif que les moyens, tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8, R. 431-10 et L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, faisaient naître un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ; qu'afin de procéder dans cette mesure à la régularisation de l'arrêté, M. et Mme C...ont demandé et obtenu un permis de construire, destiné à modifier le premier, délivré le 10 juin 2011 par la même autorité administrative ; que, par un jugement en date du 22 décembre 2011, le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande des mêmes requérants, ces deux arrêtés ; que M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. D...:

2. Considérant que, dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions ; qu'en revanche, les conclusions propres à chaque requérant ne sauraient être accueillies sans que les fins de non-recevoir qui leur sont opposées aient été écartées ;

3. Considérant que si M. D...et l'association " Entre Seine et Brotonne " ont présenté, dans une requête collective, des conclusions communes d'annulation dirigées contre le même permis de construire, ils ont également présenté des conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, il y a lieu de se prononcer distinctement sur la fin de non-recevoir opposée en appel à la demande de première instance en tant qu'elle émane de M.D... ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la construction envisagée est distante de la propriété la plus proche appartenant à M. D...d'environ 250 mètres ; qu'une route départementale sépare les deux propriétés, lesquelles, par ailleurs, ne présentent entre elles aucun vis-à-vis ; que, dans ces conditions, M. D...ne peut prétendre à la qualité de voisin du projet bien qu'il réside dans le même village ; que, par suite, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que M. D...ne disposait pas d'un intérêt propre lui donnant qualité à agir contre l'arrêté de permis de construire attaqué du 6 septembre 2010 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 septembre 2010 :

5. Considérant que, pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif de Rouen a retenu trois motifs tirés, pour le premier, de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, pour le deuxième, de la violation de l'article R. 431-10 du même code et pour le dernier, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-1-2 de ce code ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national. Les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de la saisine de la commission ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application " ;

7. Considérant que, pour critiquer les motifs du jugement, M. et Mme C...soutiennent, tout d'abord, que les vices dont est entaché le permis de construire du 6 septembre 2010 qui a été pris en retenant que le projet se situait en partie urbanisée de la commune, ont été purgés par l'arrêté de permis de construire qui leur a été délivré le 10 juin 2011 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce nouvel arrêté, fondé cette fois sur le 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme et donc sur la possibilité de construire en partie non actuellement urbanisée de la commune, ne repose pas sur le même fondement légal que le précédent et ne peut être regardé comme ayant été pris pour le modifier mais doit être regardé comme un permis distinct ; que, par suite, ce premier moyen doit être écarté ;

8. Considérant qu'ils soutiennent, ensuite, qu'en tout état de cause, le projet se situe dans une partie actuellement urbanisée de la commune ; que l'arrêté attaqué de permis de construire en date du 6 septembre 2010 prévoit la construction d'une maison d'habitation présentée comme étant implantée dans une zone urbanisée de la commune ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, si la construction projetée doit être implantée à proximité d'un secteur d'habitat dispersé, elle ne se situe pas pour autant dans son prolongement immédiat ; qu'elle s'inscrit au contraire dans un espace boisé constitutif d'un compartiment distinct vierge de tout bâtiment ; que, par suite, la parcelle d'assiette du projet ne se situe pas dans une partie actuellement urbanisée de la commune au sens et pour l'application de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, alors même que le raccordement aux différents réseaux publics serait possible et que la parcelle en cause serait desservie par une voie d'accès suffisante ; qu'en outre, il est constant que la construction n'entre pas dans l'une des catégories de construction autorisées dans cette partie du territoire communal en application des 1° à 3° du même article ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que leur permis de construire a été annulé comme ayant été pris en violation de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

9. Considérant qu'ils soutiennent enfin que le dossier de permis de construire initial comportait un photomontage de qualité permettant aisément au service instructeur d'appréhender l'impact visuel de la nouvelle construction au sein de l'environnement existant et que le dossier du permis de construire n'aurait pas méconnu l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme qui dispose que : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse " ; que, cependant et contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que les photographies produites ne sont pas de nature à appréhender l'impact visuel de la construction litigieuse, dans son environnement proche et lointain, au sein de ce secteur boisé et vierge de construction dans lequel elle doit s'implanter et qui sera par ailleurs visible depuis l'autre rive de la Seine ;

10. Considérant que M. et Mme C...ne contestent pas le motif retenu par le tribunal administratif tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté litigieux du 6 septembre 2010 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juin 2011 :

12. Considérant que, pour prononcer l'annulation du permis du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Rouen, après avoir écarté le moyen - déjà analysé au point 7 du présent arrêt - selon lequel il devrait être considéré comme un permis modificatif de celui du 6 septembre 2010, s'est fondé ensuite sur la violation des dispositions du 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions du 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme citées au point 6 que, lorsque la commune s'est fondée, pour estimer par délibération motivée du conseil municipal qu'un intérêt communal justifiait l'octroi d'un permis de construire en application de ces dispositions, sur la nécessité d'éviter une diminution de sa population, il appartient au juge de vérifier, au vu de l'ensemble des données démographiques produites, que l'existence d'une perspective de diminution de cette population est établie ;

14. Considérant que, par une délibération en date du 14 avril 2011, le conseil municipal de la commune d'Aizier a décidé, en application de ces dispositions, de recourir à la possibilité de faire exception à l'interdiction de construire hors des parties actuellement urbanisées d'une commune dépourvue de document d'urbanisme afin d'éviter une diminution de la population communale ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des résultats du recensement de la population réalisé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qu'en dépit des variations de sa démographie constatées depuis 20 à 30 ans et du pic enregistré en 1999 aux alentours de 127 habitants, la commune d'Aizier ne connaît pas une baisse structurelle de sa population, même dans les années plus récentes, mais une relative stabilité de celle-ci autour de 115 habitants en moyenne sur la longue durée et que cette population n'est pas davantage atteinte par un phénomène de vieillissement important de ses habitants ; que, dès lors, le motif tiré de ce que le projet de construire délivré à un couple bien implanté sur le territoire communal aurait pour motif de lutter contre la diminution de la population n'est pas établi ; que la circonstance que le projet de construction permettrait d'augmenter les recettes communales par le biais des taxes locales, lesquelles sont induites par tout projet d'urbanisme, ne peut davantage établir l'existence d'un intérêt communal au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le maire adjoint de la commune d'Aizier ne pouvait légalement délivrer à M. et MmeC..., au titre de l'exception prévue par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, le permis de construire en litige sur un terrain situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté de permis de construire en date du 10 juin 2011 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association " Entre Seine et Brotonne " et de M. D...qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

18. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, M. D...n'a pas d'intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire attaqué du 6 septembre 2010 ; qu'il n'est donc pas recevable à présenter des conclusions propres à l'encontre des appelants au titre des frais non compris dans les dépens qu'il aurait exposés ; que, par suite, ses conclusions, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

19. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. et Mme C...le versement à l'association " Entre Seine et Brotonne " d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions précitées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C...verseront à l'association " Entre Seine et Brotonne " une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C..., à l'association " Entre Seine et Brotonne, à M. A...D...et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Copie sera transmise pour information au préfet de l'Eure et à la commune d'Aizier.

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N°12DA00309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00309
Date de la décision : 21/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Moreau
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-03-21;12da00309 ?
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