Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 28 juillet 2012 et régularisée par le dépôt de l'original le 1er août 2012, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me A.D..., avocat ; M. C...demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201746 du 27 juin 2012 par laquelle le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2012 du préfet de l'Oise rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions contenues dans cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, sous les mêmes conditions d'astreinte et de délai, à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention contre les tortures et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptés à New York le 10 décembre 1984 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur ;
1. Considérant que M.C..., ressortissant russe né le 3 février 1973, est entré en France, selon ses dires, en janvier 2010, accompagné de son épouse, de ses quatre enfants, et de sa mère ; que, par une demande formée le 21 décembre 2010, il a sollicité auprès du préfet de l'Oise son accès au séjour au titre de l'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande le 15 février 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 février 2012 ; que M. C...relève appel de l'ordonnance du 27 juin 2012 par laquelle le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2012 du préfet de l'Oise rejetant sa demande de délivrance de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit en cas d'exécution d'office ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Considérant que l'article 26 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose notamment que : " Pour les affaires relevant d'un tribunal administratif ou d'une juridiction administrative statuant en premier ressort, le bureau comportant une section spécialisée pour le tribunal administratif dans le ressort duquel demeure le demandeur / (...) / Dans tous les cas, la demande d'aide juridictionnelle peut être portée devant le bureau établi au siège du tribunal de grande instance du domicile du demandeur. Le bureau ainsi saisi transmet, s'il y a lieu, le dossier, après avoir vérifié qu'il contenait les pièces exigées par la loi, au bureau compétent pour statuer sur la demande " ; qu'aux termes de l'article 32 du même décret : " le bureau ou la section de bureau qui se déclare incompétent renvoie la demande par décision motivée devant le bureau ou la section de bureau qu'il désigne. / La décision de renvoi s'impose au sein d'un même ordre de juridiction, à moins que le bureau ou la section désigné ne soit d'un niveau supérieur (...) " ; qu'en outre, l'article 38 du même texte dispose que : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné " ; qu'il résulte de ces dispositions que la saisine, avant l'expiration du délai de recours contentieux, d'un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, proroge ce délai, qui recommence à courir à la date de la décision adoptée par le bureau d'aide juridictionnelle saisi sur renvoi ;
3. Considérant qu'il est constant que la décision du préfet de l'Oise du 21 mars 2012, qui comportait l'indication des voies et délais de recours, a été notifiée à M. C...le 28 mars 2012 ; que le délai de recours contentieux contre cette décision expirait donc le lundi 30 avril 2012 à minuit ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant cette date, M. C... avait saisi le bureau d'aide juridictionnelle établi auprès du tribunal de grande instance de Beauvais d'une demande d'aide juridictionnelle ; que cette saisine d'un bureau d'aide juridictionnelle incompétent a prorogé le délai de recours contentieux dont disposait l'intéressé contre l'arrêté du 21 mars 2012 ; que le bureau d'aide juridictionnelle établi auprès du tribunal de grande instance d'Amiens, saisi sur renvoi, a admis M. C...à l'aide juridictionnelle totale le 16 mai 2012 ; qu'en l'absence de toute preuve de notification de cette dernière décision, le délai de recours contentieux n'a pas recommencé à courir à la date de cette décision ; qu'il suit de là que M. C...est fondé à soutenir que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 20 juin 2012, ne pouvait être regardée comme tardive ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Sur le refus de titre de séjour :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que si M. C...soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît son droit à un recours effectif, dès lors qu'il a formé une demande de réexamen de sa demande d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la demande d'asile de M. C... avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, et aucune demande de réexamen n'avait été déposée ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...n'a formé qu'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile ; que, dès lors, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et du défaut de l'examen personnel de sa situation, d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 de la convention contre la torture et les peines et traitements inhumains et dégradants, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de la méconnaissance de ses droits économiques et sociaux, et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle, sont inopérants et doivent être écartés ;
7. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de refus d'admission au séjour qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant que si M. C...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, il ressort de cette décision que celle-ci comporte tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que si M. C...soutient que cette décision ne mentionne pas les éléments relatifs au réexamen de sa demande d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, il n'avait déposé aucune demande en ce sens ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté ;
9. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention contre la torture et les peines et traitements inhumains et dégradants sont inopérants à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;
10. Considérant que M. C...soutient que, par la décision attaquée, le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de ses quatre enfants mineurs, en violation du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que si M. C...fait valoir que ses enfants, âgés respectivement de 3, 6, 8 et 14 ans à la date de la décision attaquée, sont scolarisés en France, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que M. C... n'apporte aucun élément tendant à établir que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine, la Russie, l'épouse du requérant faisant également l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'établit pas davantage que leurs enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine où l'aînée de la fratrie a déjà été scolarisée ; qu'ainsi, le préfet, par sa décision obligeant M. C...à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...était présent sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée ; que son épouse ainsi que sa mère, présentes sur le territoire français, font toutes deux l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans, et où réside encore au moins son beau-frère ; que, dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet n'a pas, par la décision attaquée, porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans ses conséquences sur la situation personnelle de M.C... ;
12. Considérant que M. C...ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait ses droits économiques et sociaux ; qu'en tout état de cause, s'il soutient que cette décision l'empêcherait de bénéficier des aides d'Etat accordées aux demandeurs d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la demande d'asile de M. C...avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, et qu'aucune demande de réexamen n'avait été déposée ;
Sur le pays de destination :
13. Considérant que si M. C...soutient que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, il ressort de cette décision que celle-ci comporte tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ;
14. Considérant que M. C...soutient qu'il est susceptible d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants et des persécutions en raison de son engagement politique ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'à l'appui de son moyen, il produit plusieurs témoignages de voisins, d'amis et de membres de sa famille, ainsi que des coupures de presse et de rapports d'organisations non gouvernementales faisant état de la situation en Tchétchénie ; que, cependant, aucun des éléments produits par le requérant ne permet d'établir qu'il serait personnellement susceptible d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants et à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que s'il produit un certificat médical indiquant qu'il a des cicatrices " pouvant être compatibles avec la trajectoire d'une balle ", celui-ci est insuffisamment circonstancié ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas, par la décision attaquée, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3 de la convention contre la torture et les peines et traitements inhumains et dégradants ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions de la requête à fin de sursis à exécution, que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit en cas d'exécution d'office ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er L'ordonnance n° 1201746 du 27 juin 2012 du tribunal administratif d'Amiens est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie sera adressée pour information au préfet de l'Oise.
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N°12DA01150