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07/02/2013 | FRANCE | N°11DA00319

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 07 février 2013, 11DA00319


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 28 février 2011, présentée pour la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE, dont le siège social est situé à Petit Fayt (59244), par Me Chevallier, avocat ; la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807269 du 29 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 octobre 2008 du directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) la

constituant débitrice de la somme de 3 940,86 euros et lui ordonnant ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 28 février 2011, présentée pour la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE, dont le siège social est situé à Petit Fayt (59244), par Me Chevallier, avocat ; la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807269 du 29 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 octobre 2008 du directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) la constituant débitrice de la somme de 3 940,86 euros et lui ordonnant de régler cette somme dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 fixant les modalités communes d'application du régime des garanties pour les produits agricoles ;

Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- les observations de Me Alibert, avocat, pour FRANCEAGRIMER ;

1. Considérant que la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE a participé au cours de l'année 2003, à une procédure d'adjudication particulière organisée par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) en vue de l'octroi de l'aide communautaire, dite au " beurre pâtissier ", pour la fabrication de " beurre tracé " destiné à être incorporé dans des produits de pâtisserie, glaces et autres produits alimentaires dans les conditions fixées par le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ; qu'en garantie de son engagement d'incorporer le beurre tracé ou de le faire incorporer dans les " produits finaux " énumérés par ce règlement, la société requérante a constitué une garantie de transformation, en contrepartie de laquelle elle a bénéficié du versement par avance de l'aide communautaire ; que par une décision en date du 6 octobre 2008, le directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP), venant aux droits de l'ONILAIT, a demandé à la société de lui verser la somme correspondant au montant de la garantie de transformation constituée par elle, aux motifs que, d'une part, une partie du "beurre tracé" n'avait pas été incorporé dans un produit final éligible et, d'autre part, l'Office n'avait pas reçu, dans le délai prévu par les dispositions de l'article 18, paragraphe 3, du règlement n° 2571/97, les déclarations de ses entreprises clientes justifiant de l'incorporation dans des produits finaux éligibles du beurre tracé que ces entreprises avaient acquis auprès de la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE ; que la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE relève appel du jugement du 29 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2008 du directeur de l'ONIEP ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant, en premier lieu, que le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 susvisé a institué une aide financière à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ; qu'aux termes de l'article 11 du même règlement : " Les produits sont utilisés et incorporés dans les produits finaux de la communauté dans un délai de quatre mois suivant le mois d'expiration du délai pour la présentation des offres relatives à l'adjudication " ; qu'aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 2. La garantie de transformation est destinée à assurer l'exécution des exigences principales concernant : a) soit, s'agissant du beurre provenant de l'intervention : i) la transformation du beurre en beurre concentré conformément à l'article 5 et l'addition éventuelle des traceurs ou l'addition au beurre des traceurs et ii) l'incorporation du beurre ou du beurre concentré additionnés ou non des traceurs dans les produits finaux ; b) soit, s'agissant des produits visés à l'article 1er paragraphe 2 et en cas d'application de l'article 3 point a), l'incorporation dans les produits finaux. " ; qu'en application du paragraphe 3 de l'article 18 dudit règlement, les preuves nécessaires pour obtenir la libération des garanties de transformation doivent être présentées dans un délai de douze mois à compter de la date limite d'utilisation du beurre ; qu'aux termes de l'article 27 du même règlement : " Le règlement (CEE) n° 2220/85 s'applique, sauf disposition contraire explicite.(...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du règlement CEE 2220/85 du 22 juillet 1985 susvisé : " 1. Une garantie est acquise en totalité pour la quantité pour laquelle une exigence principale n'a pas été respectée, à moins qu'un cas de force majeure ait rendu impossible ce respect. / 2. Une exigence principale est considérée comme n'ayant pas été respectée si la preuve correspondante n'est pas produite dans le délai imparti pour la production de la preuve (...). 3. Si la preuve du respect de la ou des exigence(s) principale(s) est apportée dans les dix-huit mois qui suivent le délai visé au paragraphe 2, 85 % du montant acquis est remboursé (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Lorsque l'autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie en totalité ou en partie, elle demande sans tarder à l'intéressé le paiement du montant de la garantie acquise,(...) " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, (...), soit par une dépense indue. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / (...) La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. Les cas d'interruption et de suspension sont réglés par les dispositions pertinentes du droit national (...) 3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : (...) / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée (...) lors de la perception d'une avance. (...) 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. " ; qu'enfin aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 17 juin 2008 susvisée : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans " ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la non-production, dans le délai de douze mois à compter de la date limite d'incorporation du " beurre tracé " dans les " produits finaux ", prévu par les dispositions précitées du paragraphe 3 de l'article 18 du règlement de la Commission du 15 décembre 1997 susvisé, des documents permettant d'apporter la preuve de cette incorporation, alors que l'aide communautaire y afférente a été perçue, constitue une violation de celles précitées des articles 11, 12 et 18 de ce règlement ; que cette violation a pour effet de provoquer une " dépense indue ", au sens du 2 de l'article 1er du règlement du Conseil du 18 décembre 1995 susvisé, dès lors que les exigences principales ouvrant droit au bénéfice de cette aide communautaire n'ont pas été respectées ; qu'elle est ainsi constitutive d'une irrégularité au sens de ces dernières dispositions permettant à l'organisme d'intervention de demander le paiement de la garantie constituée par la société adjudicatrice ; que le délai de prescription des poursuites court à compter de la réalisation de cette irrégularité, soit à l'expiration du délai de douze mois susindiqué ; que sont sans incidence sur le point de départ de ce délai les dispositions du paragraphe 3 de l'article 22 du règlement de la Commission du 22 juillet 1985 susvisé lesquelles n'ont pour objet que d'ouvrir droit au remboursement partiel de la garantie acquise " si la preuve du respect de la ou des exigence(s) principale(s) est apportée dans les dix-huit mois qui suivent le délai " imparti pour la production de la preuve du respect de cette exigence ;

5. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas (affaires jointes C-201/10 et C-202/10), s'agissant des restitutions à l'exportation, si les Etats membres ont la possibilité, en application de l'article 3, paragraphe 3, du règlement du Conseil du 18 décembre 1995 susvisé, de fixer un délai de prescription plus long que le délai communautaire de quatre ans, le principe de proportionnalité s'oppose à une prescription d'une durée de trente ans s'agissant des procédures relatives aux remboursements de fonds indûment perçus ; que la Cour a dit pour droit dans le même arrêt que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un délai de prescription " plus long " au sens de l'article 3, paragraphe 3, de ce même règlement puisse résulter d'un délai de prescription de droit commun trentenaire réduit par la voie jurisprudentielle pour que ce dernier satisfasse dans son application au principe de proportionnalité ; que dans ces conditions, à défaut d'une réglementation nationale spécifique légalement applicable aux faits de la cause, soit à la date à laquelle la garantie de transformation est acquise à l'organisme d'intervention, et prévoyant un délai de prescription satisfaisant à la condition de proportionnalité et plus long que le délai de quatre ans prévu par l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2988/95, ce dernier délai a vocation à s'appliquer aux actions des organismes d'intervention agricole lorsqu'ils appréhendent une garantie, compte tenu du non-respect de ses obligations par un opérateur économique ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que par une décision en date du 6 octobre 2008, le directeur de l'ONIEP a demandé à la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT de lui verser une somme correspondant au montant de la garantie de transformation constituée par cette société faute pour elle d'avoir exécuté, pour partie son engagement, et, pour le surplus, d'en avoir apporté la preuve dans le délai prévu par les dispositions de l'article 18, paragraphe 3, du règlement n° 2571/97 ; qu'à la date de cette décision, le délai de prescription des poursuites de quatre ans, dont la société requérante peut se prévaloir ainsi qu'elle l'avait fait en première instance alors même qu'elle y renonçait dans sa requête d'appel et qui courait, en l'espèce, à compter du 1er juin 2004, était expiré ;

7. Considérant, d'autre part, que si aux termes de l'article 2224 du code civil, tel que modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ", l'article 2222 du même code précise que " la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur " ; que ces dispositions n'ont donc pu relever l'action de l'Office de la prescription, dès lors que celle-ci était acquise avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer), venant aux droits de l'ONIEP, d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgrimer le versement à la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE de la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais de même nature exposés par elle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 décembre 2010 du tribunal administratif de Lille et la décision en date du 6 octobre 2008 du directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions sont annulés.

Article 2 : L'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) versera à la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CANELIA PETIT FAYT BEURRE, à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

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N°11DA00319

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N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA00319
Date de la décision : 07/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture - chasse et pêche - Produits agricoles - Élevage et produits de l'élevage - Produits laitiers.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d'aides communautaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-02-07;11da00319 ?
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