Vu l'arrêt, en date du 16 juin 2011, par lequel la cour de céans a annulé le jugement n° 0503144 du 22 décembre 2008 rendu par le tribunal administratif d'Amiens et, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme A dirigées contre le centre hospitalier de Senlis, a ordonné une nouvelle expertise aux fins de déterminer si des fautes ont été commises dans la prise en charge de l'accouchement de Mme A le 6 mars 2003 ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 juillet 2012 et régularisé par la production de l'original le 17 juillet 2012, présenté pour le centre hospitalier de Senlis ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes motifs ;
Il soutient, en outre :
- que l'expert désigné par la cour a conclu de façon catégorique à l'absence de faute à proposer un accouchement par les voies naturelles, et à réaliser la réparation du périnée et du sphincter sous anesthésie locale plutôt que péridurale ;
- qu'il a également relevé que la rupture des points de suture est sans aucun lien avec le mode d'anesthésie employé ;
- qu'il a enfin relevé qu'aucune faute médicale n'avait été commise dans la prise en charge de Mme A avant, pendant et après son accouchement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Simon-Gillet, avocate, pour M. et Mme A ;
1. Considérant que Mme A, alors âgée de 40 ans, a été admise le 6 mars 2003 au centre hospitalier de Senlis afin d'accoucher de son premier enfant ; qu'elle a été victime, à cette occasion, d'une déchirure périnéale et sphinctérienne, qui a été immédiatement réparée sous anesthésie locale ; que la suture sphinctérienne a dû être reprise après lâchage ; que Mme A a conservé des séquelles importantes, sous forme d'une incontinence anale sévère ; que M. et Mme A ont alors saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à ce que le centre hospitalier de Senlis soit déclaré responsable de leurs préjudices respectifs résultant de ces séquelles ; que le tribunal, après avoir désigné un expert, a par un jugement du 20 décembre 2007, estimé que la responsabilité de l'établissement n'était pas engagée du fait de l'absence de consultation pré-anesthésique, ni en raison du défaut d'information des risques d'un accouchement par voie basse sans péridurale, et a ordonné une seconde expertise médicale portant sur l'intervention consécutive à l'accouchement ; que, par un jugement en date du 22 décembre 2008, le même tribunal a estimé que le personnel du centre hospitalier de Senlis n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement à l'occasion de cette intervention et a donc rejeté l'ensemble des demandes ; que M. et Mme A ayant relevé appel de ces jugements, la cour de céans, par arrêt du 16 juin 2011, a annulé le jugement du 22 décembre 2008 rendu par le tribunal administratif d'Amiens et, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme A dirigées contre le centre hospitalier de Senlis, a ordonné une nouvelle expertise aux fins de déterminer si des fautes avaient été commises dans la prise en charge de l'accouchement de Mme A le 6 mars 2003 ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Senlis :
En ce qui concerne le défaut d'information :
2. Considérant que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que, toutefois, un accouchement par voie basse, lequel n'était pas contre-indiqué dans la situation de Mme A, ne constitue pas un acte médical dont les risques devraient être portés préalablement à la connaissance de la future accouchée, en l'absence de risques particuliers liés à l'état de la parturiente ou de son enfant rendant prévisible l'exécution d'actes médicaux et justifiant notamment qu'un accouchement par césarienne soit envisagé ; que, dès lors, en l'absence, au cas d'espèce, de tout risque particulier tenant à l'état de santé de Mme A ou de l'enfant à naître, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le centre hospitalier de Senlis a commis une faute en ne les informant pas des risques de déchirement du sphincter inhérents à un accouchement par voie basse ;
3. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction, éclairée notamment par les conclusions du troisième expert, que la mise en place d'une anesthésie péridurale, au demeurant expressément refusée par Mme A, n'a pas pour effet de faire diminuer le risque inhérent à tout accouchement par voie basse, d'une déchirure du sphincter ; que, dans ces conditions, la circonstance que Mme A n'ait pas bénéficié de la consultation pré-anesthésique prévue pour les futures parturientes ne présente aucun lien de causalité avec les préjudices dont elle demande, avec son époux, la réparation, et qui sont constitués par les conséquences dommageables de l'incontinence dont elle est atteinte depuis son accouchement ;
En ce qui concerne les fautes médicales :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, plus spécialement éclairée par le rapport de l'expert désigné par la cour de céans, que l'incontinence anale sévère dont Mme A demeure atteinte à la suite de son accouchement a pour cause exclusive, non pas la déchirure de son sphincter, dont la réparation a été acquise après la seconde opération chirurgicale, mais un étirement distal irréversible du nerf pudendal sans lien avec la première réparation chirurgicale de son sphincter, réalisée au centre hospitalier de Senlis dans les suites immédiates de son accouchement ;
5. Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute aurait été commise dans la réalisation de cette réparation chirurgicale du sphincter, nonobstant sa réalisation sous anesthésie locale et le lâchage d'un point de suture qui, à lui seul, ne saurait établir l'existence d'une telle faute alors même que l'expert désigné par la cour a relevé, après audition du chirurgien, que la méthode de suture employée était conforme aux règles de l'art ; que M. et Mme A, dont les conclusions sont au demeurant nouvelles en appel sur ce point, ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le centre hospitalier de Senlis aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison des préjudices résultant, pour eux, de la nécessité de subir une seconde intervention de réparation chirurgicale du sphincter ;
6. Considérant, enfin, que les requérants soutiennent que " l'expression utérine " réalisée lors de l'accouchement de Mme A, pour accélérer la délivrance, constitue une pratique prohibée et donc fautive, et a eu pour conséquence la rupture de son sphincter ; qu'il ne résulte toutefois de l'instruction ni que la réalisation de cette manoeuvre, qui n'est pas interdite mais seulement déconseillée dans un certain nombre de cas, ait présenté un caractère fautif dans le cas de l'accouchement de Mme A, ni qu'elle présente un lien de causalité avec la déchirure de son sphincter et avec les lésions neurologiques dont elle demeure atteinte ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;
Sur les frais de l'expertise :
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
9. Considérant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Senlis les frais de l'expertise ordonnée par la cour de céans, tels que taxés et liquidés, par ordonnance en date du 30 janvier 2012, à la somme de 1 650 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A doivent, dès lors, être rejetées ;
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du centre hospitalier de Senlis ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du 30 janvier 2012 pour un montant de 1 650 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Senlis.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Senlis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Luc et Mme Solange A, au centre hospitalier de Senlis, à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
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N°09DA00238