Vu, I, sous le n° 12DA01093, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 20 juillet 2012 et confirmée par production de l'original le 24 juillet 2012, présentée pour Mlle Monica A, domiciliée, ..., par Me N. Clément, avocat ; Mlle A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200891 du 23 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 28 septembre 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant la Roumanie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les deux décisions contenues dans cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu, II, sous le n° 12DA00844, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 9 juin 2012 et confirmée par la production de l'original le 14 juin 2012, présentée pour Mlle Monica A, domiciliée, ..., par Me N. Clément, avocat ; Mlle A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 15 novembre 2011 ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE et 93/96/CEE ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Larue, premier conseiller ;
1. Considérant que la requête n° 12DA01093 est dirigée contre un jugement statuant sur la légalité de l'arrêté du préfet du Nord du 28 septembre 2011 ayant obligé Mlle A à quitter le territoire français à destination de la Roumanie ; que la requête n° 12DA00844 est dirigée contre un jugement ayant rejeté la demande de cette dernière afin que soit annulé l'arrêté du préfet du Nord du 15 novembre 2011 ayant, sur le fondement de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, procédé à la mise en rétention de Mlle A ; qu'ainsi, ces deux requêtes sont relatives à la situation administrative de Mlle A, ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions similaires ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision plaçant l'intéressée en rétention :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Les citoyens de l'Union ont le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une période allant jusqu'à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité " ; que l'article 35 de cette même directive dispose que : " Les Etats membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d'abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. Toute mesure de cette nature est proportionnée et soumise aux garanties procédurales prévues aux articles 30 et 31 " ;
3. Considérant que, sans méconnaître les objectifs de cette directive, le législateur a, par l'article 39 de la loi du 16 juin 2011, applicable à la date de la décision attaquée et codifié ensuite à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévu que : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) / 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale (...) " ;
4. Considérant que, pour prononcer à l'encontre de Mlle A, de nationalité roumaine, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet du Nord a relevé que l'intéressée a effectué de fréquents allers et retours entre la France et la Roumanie ; que si Mlle A a elle-même évoqué avoir effectué de " fréquents allers-retours " lors de son audition du 28 septembre 2011, il ressort toutefois du procès-verbal de cette audition ainsi que des affirmations répétées de l'intéressée qu'elle a séjourné moins de deux mois en France au cours de l'année 2009, qu'elle y est à nouveau entrée en juillet 2010 pour en repartir en décembre de la même année et qu'elle séjournait depuis un mois et demi sur le sol français à la date de la décision querellée ; que ces allers et retours entre la France et la Roumanie ne sont pas de nature à établir que Mlle A a organisé ses courts séjours et ses déplacements afin de parvenir à se maintenir illégalement sur le territoire français sans que les conditions d'un séjour de plus de trois mois fussent remplies ; que si l'autorité administrative souligne également, dans sa décision, que Mlle A n'exerce pas d'activité professionnelle et n'apporte pas la preuve qu'elle dispose de revenus propres, ces autres circonstances ne sont pas davantage, en l'espèce, de nature à établir que le séjour contesté de l'appelante en France est motivé par le souhait de bénéficier du système d'assistance sociale national ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord, en prenant l'arrêté attaqué, a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, l'arrêté du préfet du Nord du 15 novembre 2011, ordonnant le placement en rétention de Mlle A, en application des dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être annulé ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'ensemble des moyens de sa requête, Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et que les arrêtés préfectoraux querellés des 28 septembre et 15 novembre 2011 doivent être annulés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ; que, dès lors, Mlle A est fondée à solliciter qu'il soit enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ;
Sur les conclusions à fin d'octroi à son conseil d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Considérant que Mlle A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me N. Clément d'une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions pour la première instance et l'appel, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du 18 novembre 2011 et du 23 mai 2012 du tribunal administratif de Lille ainsi que les arrêtés des 28 septembre et 15 novembre 2011 du préfet du Nord concernant Mlle A sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de Mlle A et de la munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Clément une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mlle A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Monica A, au ministre de l'intérieur, à Me Norbert Clément et au préfet du Nord.
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N°12DA01093,12DA00844