Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL LE POULAILLER, dont le siège social est situé 39 Grand Place à Béthune (62400), par Me Veniel Gobbers, avocate ; la SARL LE POULAILLER demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000880 du 13 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Béthune à lui payer, d'une part, la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les travaux publics réalisés sur la Grand Place de Béthune et, d'autre part, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la commune de Béthune au paiement de la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des travaux publics réalisés sur la Grand Place de Béthune ;
3°) de condamner la commune de Béthune au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Daniel Mortelecq, président de chambre,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de Me Robilliart, avocat, pour la commune de Béthune ;
Considérant que la SARL LE POULAILLER a exploité un restaurant, situé au 39 Grand Place à Béthune, à compter du 1er janvier 2004 ; que cette place a fait l'objet de travaux d'aménagement et de rénovation, dont la maîtrise d'ouvrage était assurée par la commune de Béthune, pour y construire un parking souterrain et pour en changer le revêtement, du 26 septembre 2005 au 28 juillet 2007 ; que la SARL LE POULAILLER soutient que son chiffre d'affaires a subi une baisse continue, ayant entraîné sa cessation d'activité en novembre 2008, du fait de ces travaux ; que la SARL LE POULAILLER demande l'annulation du jugement, en date du 13 décembre 2011, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Béthune à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis à raison des travaux publics réalisés sur la Grand Place de Béthune ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que les riverains des voies publiques ont la qualité de tiers par rapport aux travaux publics d'aménagement ou de réfection de ces voies ; que, s'ils subissent un dommage à cette occasion, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, même en l'absence de toute faute de sa part, d'en assurer l'indemnisation à la condition que le demandeur établisse le caractère anormal et spécial du préjudice qu'il invoque ainsi que le lien de causalité directe entre le dommage allégué et les travaux publics litigieux ;
Considérant que, pour rechercher la responsabilité de la commune de Béthune, la SARL LE POULAILLER, qui exploitait un restaurant sur la Grand Place de Béthune, fait valoir qu'elle aurait subi un préjudice financier anormal et spécial du fait de la diminution de la clientèle de son restaurant consécutive aux travaux d'aménagement et de rénovation réalisés, sur la Grand Place entre le 26 septembre 2005 et le 28 juillet 2007, pour le compte de la commune de Béthune, lesquels auraient rendu difficile l'accès de sa clientèle au restaurant et auraient entraîné de multiples gênes et nuisances ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que l'accès au restaurant exploité par la SARL LE POULAILLER, s'il s'est révélé parfois difficile, notamment en raison de l'impossibilité pour les véhicules de circuler aux abords de la Grand Place, a toujours été possible pour les piétons pendant toute la durée des travaux en cause, du mois de septembre 2005 au mois de juillet 2007 ; qu'il n'est pas établi que les palissades dressées pendant le chantier auraient rendu invisible l'enseigne ou qu'elles auraient empêché la clientèle de pénétrer dans le restaurant ; que, dans ces conditions, les perturbations liées aux bruits et poussières générés par les travaux n'ont pas excédé les sujétions normales que doivent supporter, sans indemnité, les riverains des voies publiques en travaux ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que d'autres commerces, situés sur la Grand Place et les rues alentours, auraient été indemnisés par la commune de Béthune d'une perte significative de revenus en lien avec le chantier de construction du parc de stationnement souterrain de la Grand Place n'est pas, par elle-même, de nature à conférer à la SARL LE POULAILLER un droit à indemnisation ;
Considérant au surplus, en troisième lieu, que, pour établir le lien de causalité entre les travaux publics et le préjudice commercial qui en résulterait, la requérante produit des documents comptables et des attestations de son expert comptable mentionnant des chiffres d'affaires hors taxes diffèrents selon les documents produits ; que les chiffres d'affaires mensuels hors taxes figurant sur l'attestation de l'expert comptable, en date du 6 avril 2006, différents de ceux mentionnés dans le dossier de demande d'indemnisation, complété à la date du 20 octobre 2009 à l'attention de la commune de Béthune ; que l'ensemble des documents produits font état d'une baisse du chiffre d'affaires du restaurant exploité par la requérante respectivement de l'ordre de 22 % et de 41 % pour les années 2005 et 2006 ; que le chiffre d'affaires réalisé entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2007 est inférieur de 24 % à celui de l'exercice précédent, portant sur la période comprise entre 1er octobre 2005 et le 30 septembre 2006 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, que le chiffre d'affaires de la SARL LE POULAILLER était déjà en baisse constante avant le début des travaux, fin septembre 2005 ; qu'ainsi sur les neuf premiers mois de l'année 2005, période précédant l'exécution des travaux, le chiffre d'affaires de la requérante avait diminué de 19,4 % par rapport à la même période de 2004 ; que, par ailleurs, le chiffre d'affaires n'a que très faiblement augmenté après les travaux, progressant de 5 % entre l'exercice couvrant la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 et l'exercice suivant, couvrant la période du 1er octobre 2007 au 21 novembre 2008 ; que le chiffre d'affaires hors taxe réalisé entre le 1er octobre 2007 et le 21 novembre 2008, postérieurement aux travaux publics litigieux, qui s'élève à 94 408 euros, est inférieur à celui réalisé entre le 1er octobre 2005 et 30 septembre 2006, pendant les travaux, qui s'élève à 118 449 euros ; que le résultat d'exploitation de la SARL LE POULAILLER est resté déficitaire sur la totalité de la période d'exploitation du restaurant, que ce soit avant travaux, pendant ceux-ci ou après travaux ; qu'ainsi, en tout état de cause, le lien de causalité entre l'exécution des travaux litigieux et le préjudice commercial allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LE POULAILLER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions relatives aux dépens :
Considérant qu'aucun dépens n'a été engagé par la commune de Béthune dans le cadre de la présente instance ; que, dès lors, les conclusions présentées à cet égard par la commune de Béthune sont dépourvues d'objet et, par suite, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL LE POULAILLER doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Béthune ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL LE POULAILLER est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Béthune sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LE POULAILLER et à la commune de Béthune.
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N°12DA00068 2