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02/10/2012 | FRANCE | N°11DA00714

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 02 octobre 2012, 11DA00714


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par Me Denecker, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906408 du 16 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme totale de 206 978,62 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement ;

2°) de prononcer la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme de 206 978,

62 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Arras à lui verser la...

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par Me Denecker, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906408 du 16 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme totale de 206 978,62 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement ;

2°) de prononcer la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme de 206 978,62 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Rabier, avocat, substituant Me Brazier, avocat, pour le centre hospitalier d'Arras ;

Considérant que, par contrat signé le 8 août 2008, M. A a été engagé en qualité d'assistant spécialiste associé par le centre hospitalier d'Arras à compter du 18 août 2008 et affecté au service de neurologie de cet établissement ; que, par une réclamation du 18 mai 2009, M. A a indiqué au centre hospitalier qu'il était fondé à demander la résiliation de son contrat d'engagement aux torts exclusifs de l'établissement public et l'indemnisation des préjudices résultant du suivi de sa situation administrative ; que le centre hospitalier d'Arras a répondu, par lettre du 12 juin 2009, qu'il interrompait le versement du traitement de M. A à compter du 30 juin 2009 au motif qu'il lui apparaissait que ce dernier avait pris l'initiative de la rupture de la relation de travail ; que M. A fait appel du jugement du 16 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arras à lui verser la somme totale de 206 978,62 euros en réparation des préjudices résultant de cette rupture qu'il qualifie de licenciement ;

Sur l'appel principal formé par M. A :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-538 du code de la santé publique : " Peuvent être recrutés comme assistants généralistes ou assistants spécialistes associés les praticiens qui, ne remplissant pas les conditions indiquées à l'article R. 6152-503, ont achevé leurs études médicales (...) et qui, en outre, remplissent les conditions de diplôme, de titre et de formation fixées par arrêté conjoint des ministres de la santé et de l'enseignement supérieur. Les assistants associés exercent leurs fonctions sous la responsabilité directe du chef de service ou du responsable de la structure dans laquelle ils sont affectés ou, en cas d'empêchement de celui-ci, de l'un de ses collaborateurs médecin (...). Ils sont associés à la continuité des soins (...) mais ne sont pas autorisés à effectuer des remplacements. " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-539 du même code : " Les dispositions des articles (...) R. 6152-508 à R. 6152-513 (...) sont applicables aux assistants associés. " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-510 du même code : " Les assistants sont recrutés par contrat écrit passé avec le directeur de l'établissement public de santé, sur proposition du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou de toute autre structure interne, après avis du président de la commission médicale d'établissement et du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; l'avis de celui-ci est formulé dans le délai de trente jours suivant la transmission du projet de contrat et du dossier de l'intéressé. " ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 6152-541 du même code : " Le dossier d'un assistant associé, mentionné à l'article R. 6152-510, comprend notamment les documents justifiant que l'intéressé a une bonne connaissance de la langue française et se trouve en situation régulière (...) Le directeur régional des affaires sanitaires et sociales vérifie, pour chaque recrutement, la validité des diplômes et titres présentés. " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, titulaire d'un diplôme permettant l'exercice de la médecine obtenu dans un Etat étranger, a été recruté par contrat signé le 8 août 2008, postérieurement à l'avis de la commission médicale d'établissement mais avant l'avis du directeur régional des affaires sanitaires et sociales du Nord/Pas-de-Calais ; que cette autorité a émis, le 27 octobre 2008, un avis défavorable au recrutement du requérant au motif qu'il ne justifiait pas avoir exercé des fonctions rémunérées dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ; que, quelle que soit la portée de cet avis défavorable que le directeur régional des affaires sanitaires et sociales a confirmé par la suite, le centre hospitalier d'Arras qui n'en conteste pas la validité ni le bien-fondé, a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 6152-510 du code de la santé publique qui lui imposaient de recueillir l'avis préalable de ce service de l'Etat et a procédé au recrutement d'un assistant spécialiste associé sans vérifier s'il remplissait toutes les conditions pour être engagé en cette qualité ; que, contrairement à ce que fait valoir l'établissement de santé intimé, ce manquement aux règles de recrutement, qui a conduit à l'interruption du contrat avant son terme, présente la nature d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient M. A, le centre hospitalier, qui ne l'a pas laissé dans l'ignorance des difficultés relatives à sa situation administrative, n'a pas commis de faute en poursuivant la relation de travail jusqu'à la fin du mois de juin 2009 ; qu'enfin, il n'est pas établi que les tâches confiées à M. A au sein du service de neurologie du centre hospitalier d'Arras l'exposaient à des poursuites pour exercice illégal de la médecine et pour travail dissimulé, au seul motif que les conditions de son recrutement comme assistant associé n'ont pas été scrupuleusement vérifiées par l'hôpital ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable que les personnes ayant obtenu un diplôme dans un pays étranger peuvent, à la condition de se soumettre à des épreuves anonymes de vérification des connaissances, ouvertes pour un nombre déterminé de candidats fixé par arrêté ministériel, être autorisées individuellement à exercer en France après avis d'une commission comprenant, notamment, des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées ; que le nombre maximum mentionné par l'article L. 4111-2 du code de la santé publique n'était pas opposable, en vertu de l'article 83 de la loi susmentionnée du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, aux praticiens justifiant, notamment, de fonctions rémunérées en France, au cours de la période du 22 décembre 2004 au 22 décembre 2006, date de publication de cette loi ; que M. A, qui n'a pas été en mesure de justifier d'une activité rémunérée en France au cours de cette période, ne tirait donc aucun droit à être recruté en qualité d'assistant associé ; que, toutefois, titulaire d'un diplôme interuniversitaire de spécialité en neurologie délivré par l'université catholique de Lille ne pouvant lui permettre d'exercer comme neurologue, M. A a été invité à soumettre son dossier au centre national de qualification afin que ce diplôme soit validé moyennant l'éventuelle obligation de se soumettre à un stage complémentaire ; que le Pr B, chef du service de neurologie du centre hospitalier régional universitaire de Lille, membre du comité de qualification, avait accepté de présenter la demande de M. A et le Pr C, du même service, se déclarait prêt à l'accueillir, ainsi qu'il résulte de la lettre du 25 mars 2009 adressée par ce professeur au conseil de l'ordre des médecins du Pas-de-Calais et au directeur régional des affaires sanitaires et sociales, dont le requérant a reçu la copie ; que M. A, qui n'a pas entrepris les démarches utiles à une régularisation de sa situation administrative qu'il aurait eu de sérieuses raisons d'obtenir s'il les avait engagées, et pour lesquelles le centre hospitalier d'Arras lui a d'ailleurs consenti des facilités d'horaires, ne s'est plus présenté à son poste au cours du mois de mai 2009 ; qu'en raison de son attitude, le requérant, qui a été rémunéré jusqu'au 30 juin 2009, ne justifie pas du caractère indemnisable du préjudice résultant de la rupture de son contrat ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des correspondances échangées entre le centre hospitalier d'Arras et M. A préalablement à son recrutement en août 2008, que ce dernier, qui demeurait alors au Cameroun, s'est spontanément porté candidat aux fonctions d'assistant associé, sans être contraint de venir rapidement en France ; qu'il avait par ailleurs indiqué dans ses correspondances que sa famille le précèderait de plusieurs mois en France ; que, par suite, le préjudice financier représenté par les frais de déplacement de la famille de l'appelant n'est pas en lien avec la faute commise dans l'instruction de son dossier de recrutement, ni avec la rupture de son contrat ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient avoir dû se séparer du matériel médical qu'il a investi au Cameroun, dans la mesure où son engagement en France l'a contraint à fermer le centre de neurologie qu'il avait fondé à Douala, il n'établit pas la réalité du préjudice financier qu'il invoque à ce titre ;

Considérant, en dernier lieu, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que le requérant, qui ne remplissait pas les conditions de diplôme et d'exercice professionnel lui permettant d'être recruté en qualité d'assistant associé, n'a pas donné suite aux propositions qui lui ont été faites de régulariser sa situation, alors qu'il a été maintenu dans cette perspective dans une position acceptable au sein du centre hospitalier d'Arras ; que, par suite, M. A ne justifie pas de l'existence du préjudice moral qu'il invoque, ni des troubles dans les conditions d'existence résultant de ce qu'il a quitté le Cameroun pour se retrouver dans une situation précaire en France ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier d'Arras, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur l'appel incident formé par le centre hospitalier d'Arras :

Considérant que des conclusions d'appel ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué et non pas à la réformation de ses motifs ; que, par suite, les conclusions présentées par le centre hospitalier intimé tendant à ce que la cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il a reconnu l'existence d'une faute sont irrecevables, dès lors que cet établissement n'a pas été condamné à indemniser M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. A à payer au centre hospitalier d'Arras une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A est condamné à verser au centre hospitalier d'Arras une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier d'Arras est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pascal A et au centre hospitalier d'Arras.

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N°11DA00714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00714
Date de la décision : 02/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers. Personnel médical. Personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COCHET DENECKER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-02;11da00714 ?
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