Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 février 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, régularisée le 25 février 2011 par la production de l'original, présentée pour Mme Annick A, demeurant ..., par Me Croenen, avocate ; Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803270 du 15 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 255 622,52 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 7 janvier 2008, en réparation des préjudices résultant des fautes commises dans la gestion de sa carrière d'assistante de service social ;
2°) de prononcer la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 255 622,52 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 7 janvier 2008 ;
3°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de Me Bavay, avocate, pour le centre hospitalier régional universitaire de Lille ;
Considérant que Mme A a été titularisée en qualité de commis, à compter du 1er novembre 1976, par une décision du directeur du centre hospitalier régional universitaire de Lille du 17 novembre 1976 ; qu'elle a été placée en disponibilité pour une année, sur sa demande et pour effectuer des études, à compter du 8 septembre 1981, par une décision du 2 septembre 1981 ; que cette disponibilité d'une durée d'un an a été renouvelée deux fois, sur demande, jusqu'au 8 septembre 1984 ; qu'avant cette date, le 13 juillet 1984, Mme A, qui avait obtenu la qualification d'assistante en service social, a sollicité sa réintégration en qualité de commis ou d'assistante sociale ; que, par une lettre du 26 juillet 1984, le directeur du centre hospitalier régional universitaire de Lille lui a fait savoir qu'aucun poste n'était vacant et l'a placée, par décision du même jour, en position de disponibilité d'office jusqu'à la première vacance d'un poste de commis ou d'assistante sociale ; qu'ayant renouvelé, par lettre du 3 juillet 1985, sa demande de réintégration, Mme A a été laissée en position de disponibilité d'office ; qu'après avoir présenté une réclamation indemnitaire par lettre du 3 janvier 2008, elle a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices financiers, matériels et moral résultant des fautes commises par cet établissement de santé dans le traitement de sa situation administrative ; qu'elle fait appel du jugement du 15 décembre 2010 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle relative à la fonction publique hospitalière, dont relève Mme A, n'imposait au centre hospitalier régional universitaire de Lille de transmettre son dossier au centre national de la fonction publique territoriale ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier intimé aurait commis une faute en s'abstenant de procéder à cette transmission ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fonctionnaire a droit à être nommé dans un emploi vacant de son grade ; que le fonctionnaire titulaire régulièrement placé, sur sa demande, en position de disponibilité n'a pas rompu le lien qui l'unit à son corps et a droit, à l'issue de cette disponibilité, à y être réintégré et pourvu d'un emploi par des mesures qui, lorsque les modalités n'en sont pas définies par les dispositions statutaires qui lui sont applicables, doivent intervenir dans un délai raisonnable ; qu'aux termes de l'article L. 878 du code de la santé publique, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers : " L'agent mis en disponibilité sur sa demande, qui n'a pas sollicité le renouvellement de sa mise en disponibilité deux mois au moins avant l'expiration de la période en cours, est rayé des cadres par licenciement, à moins qu'il n'ait, dans le même délai, demandé sa réintégration. La réintégration est de droit à la première vacance si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années. " ; qu'aux termes de l'article 37 de ce décret : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité. Sous réserve des dispositions des troisième et quatrième alinéas ci-dessous, la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans. Le fonctionnaire qui refuse l'emploi proposé est maintenu en disponibilité. Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés. (...) " ;
Considérant, en l'espèce, qu'à la date de la première décision de refus opposée aux demandes de réintégration de Mme A, le 26 juillet 1984, la disponibilité de l'intéressée n'avait pas excédé trois ans ; que sa réintégration était donc de droit à la première vacance d'emploi correspondant à son grade ; qu'en ayant indiqué à nouveau à l'appelante, par sa seconde décision du 14 août 1985, qu'aucun poste n'était vacant sans jamais lui en avoir proposé par la suite, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un poste de commis ou d'assistante sociale que Mme A aurait eu vocation à occuper n'ait pas été vacant pendant plus de vingt ans au sein d'un établissement de l'importance du centre hospitalier régional universitaire de Lille, ce dernier ne peut être regardé comme ayant pourvu à l'emploi auquel son agent en disponibilité avait droit dans un délai raisonnable ; que le refus de réintégration opposé par le centre hospitalier présente donc le caractère d'une décision illégale, constituant une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, toutefois, si Mme A était en droit de recevoir dans un délai raisonnable une proposition d'emploi correspondant à son grade, il lui appartenait également, compte tenu de la durée de la période pendant laquelle elle a été maintenue en position de disponibilité d'office, d'entreprendre des démarches plus insistantes que la lettre de demande de réintégration du 13 juillet 1984, renouvelée le 3 juillet 1985, consécutive à l'expiration de sa disponibilité pour études accordée sur sa demande ; qu'en s'étant abstenue d'effectuer toute démarche auprès de son administration avant l'envoi de sa réclamation indemnitaire du 3 janvier 2008, soit pendant près de 23 ans, la requérante a, par son attitude, concouru à la réalisation de son préjudice dans une proportion qui doit conduire à exonérer totalement le centre hospitalier régional universitaire de Lille de sa responsabilité ;
Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient l'établissement de santé en défense, le fonctionnaire qui s'est vu refuser sa réintégration faute de poste vacant correspondant à son grade, placé en disponibilité d'office, doit être regardé comme involontairement privé d'emploi au sens des dispositions des articles L. 351-1 et L. 351-12 du code du travail alors applicable ; que, par suite, Mme A est fondée à soutenir qu'en lui ayant refusé le versement d'allocations de chômage, son employeur, qui a méconnu son droit à percevoir ce revenu de remplacement, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Sur le préjudice :
Considérant que Mme A n'a pas demandé devant le tribunal administratif la réparation du préjudice, notamment financier, résultant du manquement fautif du centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser des allocations de chômage ; qu'en se bornant, devant le tribunal administratif, puis devant la cour, à demander le versement d'une indemnité destinée à couvrir ses pertes de salaires et à réparer le préjudice financier subi au titre de la perte de carrière et de retraite ainsi qu'un remboursement de cotisations auprès de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la requérante ne justifie pas de préjudices en lien avec la seule faute retenue par le présent arrêt, susceptible d'ouvrir droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense par le centre hospitalier régional universitaire de Lille, que Mme A n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, sa demande a été rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du centre hospitalier régional universitaire de Lille ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Lille présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Annick A et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.
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N°11DA00298