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18/09/2012 | FRANCE | N°12DA00105

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 18 septembre 2012, 12DA00105


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 janvier 2012 et régularisée par la production de l'original les 27 mars et 25 avril 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Christian A, demeurant ..., par Me Melois, avocate ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105595 du 5 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2011 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français,

refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays d...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 janvier 2012 et régularisée par la production de l'original les 27 mars et 25 avril 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Christian A, demeurant ..., par Me Melois, avocate ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105595 du 5 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2011 du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, ainsi que de la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative, à ce que le tribunal enjoigne au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification du jugement, à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision du 30 septembre 2011 du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur ;

Considérant que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo né le 27 juillet 1966, a fait l'objet le 30 septembre 2011 d'un arrêté du préfet de l'Oise l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination, lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative ; que M. A relève appel du jugement, en date du 5 octobre 2011, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que Mme B, signataire de l'acte attaqué avait reçu délégation de signature du préfet de l'Oise par arrêté du 6 septembre 2011 modifié, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Oise ; que, dés lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " (...) Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 511-1 II 3° précité, L. 511-1, L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui relate que M. A s'est soustrait à l'exécution d'un arrêté du préfet de l'Essonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, prononcé à son encontre le 16 septembre 2009 et qu'il se maintient depuis irrégulièrement sur le territoire français, qui fait état de ce que le requérant ne justifie pas être dans une situation lui ouvrant un plein droit au séjour, ni entrer dans une catégorie prévue à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui précise en quoi il n'est pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, comporte l'ensemble des considérations de droit et de faits sur lesquelles elle se fonde, et est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A déclare, sans pouvoir le démontrer, être entré en France le 5 janvier 1990 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet, le 15 mars 1999, d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de l'Essonne, décision confirmée par jugement du 23 mars 1999 du tribunal administratif de Versailles ; que la délivrance d'un titre de séjour lui a été refusée le 16 septembre 2009 par le préfet de l'Essonne, décision également confirmée par jugement du tribunal administratif de Versailles du 11 mars 2010 ; que, depuis le 15 mars 1999, il s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire français ; qu'aucune pièce du dossier ne montre un changement de la situation de M. A depuis le jugement susmentionné du tribunal administratif de Versailles ; qu'il ne démontre pas vivre en concubinage stable avec une ressortissante congolaise, alors que sa soeur déclare l'héberger depuis son arrivée en France ; que, si M. A fait état d'une procédure de procréation médicalement assistée qu'il a engagée en 2007, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette procédure était toujours en cours à la date de la décision attaquée ; qu'enfin, il n'établit pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il a au moins vécu jusqu'à l'âge de 24 ans ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de M. A en France, la décision l'obligeant à quitter le territoire ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, alors même qu'il serait en capacité de travailler et impliqué dans le milieu associatif, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Oise a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la gravité des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Sur l'absence de délai de départ volontaire :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision de ne pas accorder de départ volontaire, contenue dans l'arrêté attaqué qui vise les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 précité, et prise aux motifs que M. A s'est soustrait à l'exécution d'un arrêté du préfet de l'Essonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, prononcé à son encontre le 16 septembre 2009 et qu'il se maintient depuis irrégulièrement sur le territoire français, est, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ; que la directive 2008/115/CE susvisée prévoit au 4 de son article 7 relatif au départ volontaire que : " s'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que la même directive prévoit au 7 de son article 3 qu'il faut entendre par risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ;

Considérant que les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles le risque de fuite d'un étranger est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les six cas mentionnés, fixent des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ou le principe de proportionnalité ;

Considérant, enfin, ainsi qu'il a été dit que M. A s'est soustrait à l'exécution d'un arrêté du préfet de l'Essonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, prononcé à son encontre le 16 septembre 2009 et qu'il se maintient depuis irrégulièrement sur le territoire français ; que le préfet pouvait ainsi décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, sur le fondement des dispositions du d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en ne lui accordant pas de délai, le préfet de l'Oise, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que si M. A fait valoir qu'il a toujours indiqué la même adresse, une telle circonstance ne suffit pas à démontrer que le préfet de l'Oise aurait fait une appréciation erronée des faits de l'espèce ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de délégation précité donnait compétence à Mme B pour signer la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, qu'après avoir rappelé que M. A ne justifiait pas être dans une situation lui ouvrant un plein droit au séjour ni entrer dans une catégorie prévue à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en quoi il n'est pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, le préfet n'a pas insuffisamment motivé sa décision en mentionnant que le requérant n'indiquait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation de la situation personnelle du requérant ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des motifs qui précèdent que M. A n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire du préfet de l'Oise à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Christian A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord et au préfet de l'Oise.

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N°12DA00105 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00105
Date de la décision : 18/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : MELOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-09-18;12da00105 ?
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