La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/08/2012 | FRANCE | N°11DA01741

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 13 août 2012, 11DA01741


Vu la décision n° 334096 en date du 26 octobre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure, a, par son article 1er, annulé l'arrêt nos 08DA00632-08DA00832 du 17 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, annulé, à la demande de la COMMUNE DE PINTERVILLE, de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, de M. Johan A, de M. et Mme Jean E, de Mme C, de M. Yves F, de M. Marcel B et de M. et Mme D, le jugement n° 0503031 du 7 f

vrier 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen...

Vu la décision n° 334096 en date du 26 octobre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure, a, par son article 1er, annulé l'arrêt nos 08DA00632-08DA00832 du 17 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, annulé, à la demande de la COMMUNE DE PINTERVILLE, de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, de M. Johan A, de M. et Mme Jean E, de Mme C, de M. Yves F, de M. Marcel B et de M. et Mme D, le jugement n° 0503031 du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la COMMUNE DE PINTERVILLE tendant à l'annulation de la délibération en date du 25 septembre 2005 portant révision du plan d'occupation des sols de la commune de Louviers et le jugement n° 0603121 du 20 mars 2008 par lequel le même tribunal a rejeté la demande de la COMMUNE DE PINTERVILLE et autres tendant à l'annulation de la décision en date du 4 septembre 2006 par laquelle le maire de la commune de Louviers a délivré à la communauté d'agglomération Seine-Eure un permis de construire afin de réaliser une aire d'accueil des gens du voyage située rue Jules Verne à Louviers et, d'autre part, a annulé les deux décisions du 25 septembre 2005 et du 4 septembre 2006 précitées, et a, par son article 2, renvoyé cette affaire à la présente cour ;

Vu, I, sous le n° 08DA00632, la requête enregistrée par télécopie le 11 avril 2008 et régularisée par la production de l'original le 14 avril 2008 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE PINTERVILLE, représentée par son maire en exercice, par la Selarl Gorand, Thouroude, avocat ; la COMMUNE DE PINTERVILLE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503031 du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 25 septembre 2005 portant révision du plan d'occupation des sols de la commune de Louviers ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Louviers en date du 25 septembre 2005 portant révision simplifiée du plan d'occupation des sols communal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Louviers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu, II, sous le n° 08DA00832, la requête enregistrée par télécopie le 24 mai 2008 et régularisée par la production de l'original le 26 mai 2008 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE PINTERVILLE, représentée par son maire en exercice, pour l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 25 rue du Docteur Schweitzer à Pinterville (27400), pour M. Johan A, demeurant ..., pour M. et Mme Jean E, demeurant ..., pour Mme C, demeurant ..., pour M. Yves F, demeurant ..., pour M. Marcel B, demeurant 1..., et pour M. et Mme D, demeurant ..., par la Selarl Gorand, Thouroude, avocat ; la COMMUNE DE PINTERVILLE et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603121 du 20 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 septembre 2006 par laquelle le maire de la commune de Louviers a délivré à la communauté d'agglomération Seine-Eure un permis de construire une aire d'accueil des gens du voyage rue Jules Verne à Louviers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2006 du maire de la commune de Louviers délivrant à la communauté d'agglomération Seine-Eure un permis de construire une aire d'accueil des gens du voyage ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Louviers une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 13 juillet 2012 et confirmée par la production de l'original le 18 juillet 2012, présentée pour la communauté d'agglomération Seine-Eure ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2012 et confirmée par la production de l'original le 17 juillet 2012, présentée pour la commune de Louviers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,

- et les observations de Me S. Thoinet, avocat de la communauté d'agglomération Seine-Eure, et de Me Th. Charat, avocat de la commune de Louviers ;

Considérant que, par délibération du 15 décembre 2003, le conseil municipal de Louviers a manifesté son intention de créer une aire d'accueil des gens du voyage sur un terrain situé rue Jules Verne ; qu'à la suite de l'enquête publique, le conseil municipal de Louviers par une délibération en date du 25 septembre 2005 a adopté une révision simplifiée du plan d'occupation des sols de Louviers en classant la zone d'implantation de l'aire d'accueil en zone UG, " zone urbaine diffuse aux caractéristiques homogènes " ; que, par un arrêté du 4 septembre 2006, le maire de la commune de Louviers a délivré à la communauté d'agglomération Seine-Eure le permis de construire autorisant la réalisation de l'aire d'accueil des gens du voyage à la communauté d'agglomération Seine-Eure ;

Considérant que la COMMUNE DE PINTERVILLE a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Louviers du 25 septembre 2005 ; que la COMMUNE DE PINTERVILLE, l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, M. Johan A, M. et Mme Jean E, Mme C, M. Yves F, M. Marcel B et M. et Mme D ont également demandé au même tribunal l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2006 ; que ces demandes ayant été rejetées par le tribunal administratif de Rouen par des jugements en date des 7 février 2008 et 20 mars 2008, les requérants ont relevé appel de ces jugements ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 17 septembre 2009 qui s'est prononcé sur ces requêtes a été cassé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 26 octobre 2011 ; qu'en application de cette décision, ces affaires ont été renvoyées à la cour ;

Considérant qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt les requêtes enregistrées sous le n°08DA00632 et le n°08DA00832 devant la cour qui présentent à juger des questions semblables et concernent un même projet de création d'une aire d'accueil des gens du voyage sur le territoire de la commune de Louviers ;

Sur la délibération du 25 septembre 2005 par laquelle le conseil municipal de la commune de Louviers a approuvé la révision simplifiée du plan d'occupation des sols communal :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la commune de Louviers aux conclusions de la COMMUNE DE PINTERVILLE :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE DE PINTERVILLE, immédiatement limitrophe du site retenu, est directement concernée par cette implantation qui va occasionner une augmentation significative du trafic de véhicules dans la rue Jules Verne, actuellement peu fréquentée, et dont elle assure la gestion avec la commune de Louviers; que, par suite, la COMMUNE DE PINTERVILLE avait intérêt à agir à l'encontre de la délibération du 25 septembre 2005 de révision du plan d'occupation des sols ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Louviers doit être écartée ;

Considérant que le maire de la COMMUNE DE PINTERVILLE a été autorisé par la délibération du 24 novembre 2005 du conseil municipal de Pinterville à " ester en justice " dans la présente affaire et, par là même, à saisir le tribunal administratif ; qu'en outre, par une nouvelle délibération en date du 1er avril 2008, le conseil municipal, réuni à l'issue des élections municipales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008, a de nouveau autorisé le maire de la commune à ester en appel dans la présente instance ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Louviers, cette délibération du 1er avril 2008 autorisant le maire à ester en justice, transmise au contrôle de légalité et publiée le 8 avril suivant, était donc exécutoire ; que, par suite, le maire de la COMMUNE DE PINTERVILLE avait qualité pour agir tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Louviers doivent être écartées ;

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à l'enquête publique par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent dans les formes prévues par les articles 7 à 21 du décret modifié n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement. Toutefois, le maire ou le président de l'établissement public exerce les compétences attribuées au préfet par les articles 7, 8, 11, 12, 16 et 18 à 21 de ce décret. / (...) / Le dossier est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-1 et des avis émis par les collectivités ou organismes associés ou consultés. Il peut être complété par tout ou partie des documents mentionnés à l'article R. 121-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-1 du même code dans sa version alors applicable : " Le plan local d'urbanisme comprend un rapport de présentation, le projet d'aménagement et de développement durable de la commune et un règlement ainsi que des documents graphiques. Il peut comporter en outre des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs, assorties le cas échéant de documents graphiques. (...) " ; qu'enfin l'article R. 123-2 du même code dans sa version alors applicable dispose que : " Le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au premier alinéa de l'article L. 123-1 ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement ; / 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur. / En cas de modification ou de révision, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés " ;

Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'un dossier d'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise après la réalisation de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du rapport de présentation figurant au dossier d'enquête publique que l'analyse du niveau de pollution du terrain faisait l'objet d'études en cours dont la commune attendait qu'elles confirment le caractère limité de cette pollution et " l'innocuité en vue de l'usage de l'aire d'accueil " ; que les conclusions de ces études dites " évaluation détaillée du risque " ont été établies en mars 2005 pour " la ressource en eau " et en juin 2005 pour le volet " santé " ; qu'elles n'ont pas été intégrées dans les documents soumis à enquête public et n'ont été communiquées que le 6 juillet 2005 au commissaire enquêteur, soit le dernier jour de l'enquête publique qui avait débuté le 6 juin précédant ; que si la première étude conclut à l'absence de risque de pollution de la nappe alluviale, en revanche, la seconde étude constate que la " mise à jour de l'évaluation détaillée des risques pour la santé a permis de constater que la concentration moyenne mesurée sur le site en PCB [polychlorobiphényles] présente un risque non acceptable pour la santé humaine " avant de formuler trois préconisations ; que ces conclusions étaient donc en partie contraires aux attentes exprimées dans le rapport de présentation ; que ce rapport renvoyant à ces études " en cours ", elles devaient figurer ou tout du moins leurs conclusions dans le dossier soumis à enquête publique ; que, compte tenu de la nature et de l'importance des conclusions de la seconde étude d'évaluation détaillée du risque santé, qui ne confirmaient pas l'analyse initiale du rapport de présentation, ce document présentait un caractère substantiel pour l'information objective du public ; que le rapport du commissaire enquêteur, défavorable au projet, souligne d'ailleurs que l'absence de ces éléments a nui à l'information complète du public concernant une opération de révision simplifiée qui portait exclusivement sur le classement d'une parcelle destinée à la réalisation d'une aire d'accueil des gens du voyage ; que, dans ces conditions, ces lacunes ont vicié la procédure d'enquête publique et, par voie de conséquence, entaché d'illégalité la délibération attaquée portant révision simplifiée du plan d'occupation des sols de la commune de Louviers ;

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude dite " évaluation détaillée des risques santé " , que les risques pour la santé ne pourront être maîtrisés qu'en respectant les préconisations prévues à savoir, en premier lieu, une analyse des PCB et du plomb pour toute terre décaissée avant réutilisation sur site ou la détermination d'une filière d'élimination pour une évacuation des terres contaminées, en deuxième lieu, au droit de toute zone non recouverte comportant des concentrations élevées en PCB, un isolement des terres en place par l'apport de terres sur au moins trente centimètres ou l'utilisation d'une membrane afin d'éviter tout risque de contact entre les terres et l'homme et, en dernier lieu, une servitude visant à interdire tous travaux de terrassement dans ces zones sans autorisation préalable ; qu'en dépit de ces préconisations, la délibération attaquée portant révision simplifiée du plan d'occupation des sols, se borne à relever que le risque pour la santé est confiné à une partie du terrain et que les études préconisent l'institution d'une servitude ; que le règlement de plan d'occupation des sols révisé se limite à interdire dans la zone les " dépôts et installations sommaires, l'ouverture de carrière et les constructions à usage d'activités commerciales, libérales, artisanales et industrielles ", sans toutefois se référer aux deux premières préconisations de l'étude et sans prévoir de servitudes particulières en matière de travaux de terrassement ;

Considérant, d'autre part, que le plan de prévention des risques d'inondation " Eure-Aval " a classé en zone soumise à un aléa de remontée de nappe phréatique la parcelle litigieuse ; que la commune de Louviers fait valoir que cette parcelle a fait l'objet d'un remblaiement et se trouve ainsi hors niveau des crues ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier, alors qu'il n'est pas contesté que la rue Jules Verne qui constitue la seule voie d'accès à la future parcelle aménagée en zone d'accueil des gens du voyage, n'a bénéficié sur ce point d'aucune protection et reste inondable, que ces mesures ne s'avéreront pas suffisantes pour assurer la sécurité des habitants en cas d'inondations ;

Considérant, enfin, que la parcelle faisant l'objet de la révision du plan d'occupation des sols sera desservie par une seule voie d'accès d'une largeur de 3,50 mètres qui ne permettra pas le croisement notamment d'un véhicule et d'un attelage de caravane ; qu'il ressort du plan de masse que les véhicules devront emprunter la voie Jules Verne sur une distance significative ; qu'il ressort des termes du rapport de présentation que la commune de Louviers se borne à envisager une " surlargeur " et une aire de retournement à l'extrémité de la voie alors que l'aire d'accueil est destinée à accueillir plus de 200 personnes sur 24 emplacements (soit 48 places) ;

Considérant que, eu égard, d'une part, aux risques pour la santé humaine, aux risques d'inondation de l'unique voie de desserte et aux difficultés de circulation dans cette voie d'accès à l'aire d'accueil, et, d'autre part, aux dispositions prévues par le plan d'occupation des sols révisé pour obvier à ces risques, les auteurs du projet de révision simplifiée, lequel ne portait que sur le classement d'une parcelle en zone UG en vue de son aménagement en aire d'accueil des gens du voyage, ont, dans les circonstances de l'espèce, entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'en l'état du dossier, aucun autre moyen ne peut être regardé comme susceptible de fonder également l'annulation de la délibération du conseil municipal de Louviers en date du 25 septembre 2005 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE PINTERVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 février 2008, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Louviers en date du 25 septembre 2005 portant révision simplifiée de son plan d'occupation des sols ;

Sur l'arrêté du maire de la commune de Louviers du 4 septembre 2006 délivrant le permis de construire l'aire d'accueil des gens du voyage au profit de la communauté d'agglomération Seine-Eure :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure aux conclusions de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " ; qu'il ressort des pièces du dossier, que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, créée en février 2004, s'était initialement fixée pour objet de " défendre tout ce qui touche à l'environnement dans la commune " de Pinterville, lequel, compte tenu de son caractère trop général, ne lui donnait pas d'intérêt à agir contre le permis de construire contesté ; que, si le 30 octobre 2006, l'association a modifié ses statuts pour lui conférer comme objet " de faire respecter les règles d'urbanisme en vigueur sur l'ensemble de la rue Jules Verne à la fois située sur le territoire de la commune de Louviers et de la commune de Pinterville ", cette modification est intervenue après l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire et la délivrance du permis de construire litigieux le 4 septembre 2006 ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article L. 600-1-1 précité du code de l'urbanisme, l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE n'est pas recevable à demander au juge d'annuler ce permis de construire et ses conclusions présentées tant en première instance qu'en appel contre ledit arrêté sont irrecevables ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la délivrance du permis de construire aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique, l'autorité ou le service chargé de l'instruction de la demande consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon spécifique les conditions d'accès à ladite voie " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de permis de construire, que le projet contesté de construction de l'aire d'accueil des gens du voyage, prévoit des aménagements sur la rue Jules Verne, qui desservira la parcelle en cause ; que ces travaux qui consistent en une reprise de la voirie porteront sur les deux côtés de celle-ci, lesquels appartiennent au domaine public respectif de la commune de Louviers et de la COMMUNE DE PINTERVILLE qui en ont chacune pour ce qui la concerne la gestion ; que, dans ces conditions, la modification de cette voie entraînait l'obligation pour la commune de Louviers de saisir, pour avis, la COMMUNE DE PINTERVILLE ; qu'il est constant que cette dernière n'a pas été consultée ; que l'avis formulé par cette commune dans le cadre de la procédure de révision simplifiée du plan d'occupation des sols ne répondant pas au même objet, ne pouvait suppléer l'absence de consultation prévue par les dispositions de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme ; que ce vice de procédure substantiel, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'il n'aurait pas eu d'influence sur la décision attaquée, entache d'irrégularité la procédure et d'illégalité l'arrêté de permis de construire contesté ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :

Considérant, en premier lieu, que, si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l'annulation d'un permis de construire ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l'article L. 125-5 devenu L. 121-8 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'un permis de construire a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du même code à la condition que le requérant fasse, en outre, valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ;

Considérant que l'illégalité de la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Louviers approuvée le 25 septembre 2005 a pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur à savoir, le plan d'occupation des sols approuvé le 29 janvier 2001 et révisé une première fois le 18 février 2002 ; qu'aux termes du chapitre IX du règlement, la zone NDi est définie comme une " zone constituée d'espaces naturels (fond de vallée de l'Eure, forêt de Bord, coteaux calcicoles des Monts) où les possibilités d'utilisation du sol sont limitées en raison de la qualité des paysages ou des éléments naturels qui la composent (...) Un secteur " i" désigne les zones soumises au risque d'inondation " ; qu'il est constant que la parcelle litigieuse, objet du permis de construire contesté, était classée en zone NDi ; que ce classement ne permet pas d'installation de type aire d'accueil des gens du voyage ; que, par suite, la COMMUNE DE PINTERVILLE et autres sont fondés à exciper de l'illégalité de la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Louviers et à soutenir que l'arrêté du 4 septembre 2006 délivrant le permis de construire l'aire d'accueil des gens du voyage à la communauté d'agglomération Seine-Eure méconnaît les dispositions NDi du plan d'occupation des sols antérieur, remis en vigueur ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme aux termes duquel, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; qu'aux termes de l'article R. 111-4, alors applicable : " Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de nature et de l'intensité du trafic (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le permis de construire contesté prévoit, en réponse à la pollution constatée des sols, par ses articles 7 et 8, de respecter l'ensemble des prescriptions émises par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et de la direction départementale régionale de l'industrie et de la recherche dans leurs avis en date des 11 juillet 2006 et 23 août 2006, lesquels reprenaient intégralement les préconisations de l'étude réalisée en matière de prévention de la santé ; qu'il n'est donc pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'en revanche, cet arrêté ne prévoit aucun aménagement de nature à maîtriser les risques liés au caractère inondable de la voie d'accès à l'aire d'accueil ; qu'en outre, compte tenu de l'étroitesse et de la longueur de la voie d'accès et du nombre limité d'aménagements destinés à faciliter le croisement de véhicules et l'accès des véhicules de secours dans des conditions satisfaisantes, le permis de construire est, dans les circonstances de l'espèce, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'en l'état du dossier, aucun autre moyen ne peut être regardé comme susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Louviers en date du 4 septembre 2006 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE PINTERVILLE, M. A, M. B, M. et Mme D, M. et Mme E, M. F et Mme C sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 mars 2008, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire contesté ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Louviers la somme de 280 euros à verser, chacun, à la COMMUNE DE PINTERVILLE, à M. A, à M. B, à M. et Mme D, à M. et Mme E, à M. F et enfin à Mme C au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font, en revanche, obstacle à ce que soit mises à la charge de ces derniers, qui ne sont pas parties perdantes en l'espèce, les sommes que demandent la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure au titre des frais de même nature exposés par elles ; que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE étant partie perdante, ses conclusions présentées au même titre doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge les sommes demandées par la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 0503031 et n° 0603121 du tribunal administratif de Rouen en date des 7 février 2008 et 20 mars 2008 sont annulés.

Article 2 : La délibération du 25 septembre 2005 par laquelle le conseil municipal de Louviers a approuvé la révision simplifiée du plan d'occupation des sols communal est annulée.

Article 3 : L'arrêté du 4 septembre 2006 du maire de la commune de Louviers accordant un permis de construire une aire d'accueil des gens du voyage à la communauté d'agglomération Seine-Eure est annulé.

Article 4 : La commune de Louviers versera à la COMMUNE DE PINTERVILLE la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Louviers versera à M. A la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La commune de Louviers versera à M. B la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La commune de Louviers versera à M. et Mme D la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La commune de Louviers versera à M. et Mme E la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : La commune de Louviers versera à M. F la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : La commune de Louviers versera à Mme C la somme de 280 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : Les conclusions présentées par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, la commune de Louviers et la communauté d'agglomération Seine-Eure, sont rejetées.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE PINTERVILLE, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DE PINTERVILLE, à M. Johan A, à M. Marcel B, à M. et Mme D, à M. et Mme Jean E, à M. Yves F, à Mme C, à la commune de Louviers et à la communauté d'agglomération Seine-Eure.

Copie sera transmise pour information au préfet de l'Eure et, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evreux.

''

''

''

''

2

N°11DA01741


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award