Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 mai 2011 et confirmée par la production de l'original le 20 mai 2011, présentée pour M. Nicolas A et pour Mme Claude B épouse A, demeurant ..., par la Selarl Cabinet Patrick Barret et associés, avocat ;
M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0807633 du 17 mars 2011 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il n'a indemnisé que le préjudice moral subi à hauteur de 3 000 euros et a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à une réparation intégrale de leur préjudice né du fait du refus illégal de leur délivrer un permis de construire et évalué à la somme totale de 483 530 euros ;
2°) de condamner la commune de Bondues à leur verser une somme totale de 360 000 euros correspondant à une réparation intégrale de leur préjudice, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de leur réclamation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bondues une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur,
- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,
- les observations de Me J. Trudelle, avocat de M. et Mme A, et de Me J. Robillard, avocat de la commune de Bondues ;
Considérant que M. et Mme A ont demandé, en première instance, la condamnation de la commune de Bondues à leur payer les sommes de 478 530 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant du refus de leur délivrer le permis de construire qu'ils avaient sollicité ; que, par un jugement n° 0807633 du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Lille a condamné cette collectivité à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que les requérants relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande et demandent que la commune soit condamnée à leur réparer l'intégralité de leurs préjudices à hauteur respectivement des sommes de 355 000 et 5 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la commune conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser les requérants ;
Sur la faute de la commune de Bondues :
Considérant que les époux A recherchent la responsabilité de la commune de Bondues sur le fondement de la faute résultant tant du refus de leur avoir délivré un permis de construire le 22 octobre 2002 que de l'attitude de la commune qui, en s'obstinant dans le refus de leur délivrer un permis de construire, a manifesté une " résistance abusive " ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté du 22 octobre 2002 par lequel le maire de Bondues avait rejeté la demande de M. et Mme A déposée le 31 juillet 2002 tendant à la délivrance d'un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain dont ils étaient alors propriétaires et sur lequel ils exploitaient un élevage de chevaux, a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lille du 21 juillet 2005 ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 août 2006 qui est devenu irrévocable après que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 21 janvier 2008, rejeté le pourvoi formé par la commune à l'encontre de cet arrêt ; que, dans ces conditions, l'illégalité qui a entaché le refus de permis de construire du 22 octobre 2002, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bondues à l'égard de M. et Mme A ;
Considérant que, d'autre part, il est constant que le maire de la commune de Bondues a pris l'initiative d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 juillet 2005 qui lui avait enjoint de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire des époux A ; qu'il s'est prononcé sur cette demande dès le 23 septembre 2005, par un premier arrêté de refus, et, par un second arrêté de refus, le 29 décembre 2006, pris à la suite du dépôt d'une demande concurrente des époux C sur le même terrain ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces deux nouveaux refus, qui n'ont pas été contestés au contentieux, se fondaient sur des circonstances de fait ou de droit nouvelles ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le maire aurait manifesté une " résistance abusive " en procédant comme il l'a fait pour refuser de leur délivrer le permis de construire sollicité ; que la circonstance que le maire de Bondues a décidé d'accorder aux époux C, également éleveurs de chevaux, le 21 juin 2008, un permis de construire sur les mêmes parcelles qu'ils avaient acquises des époux A en 2007, ne suffit pas à révéler, en l'espèce, un agissement fautif du maire à l'encontre des époux A ;
Sur les préjudices :
Considérant que la faute commise par la commune de Bondues n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où les requérants justifient d'un préjudice direct et certain imputable à cette illégalité fautive ;
Considérant que M. et Mme A soutiennent que l'illégalité du refus de permis de construire du 22 octobre 2002 et l'obstination du maire à leur opposer deux nouveaux refus en 2005 et 2006, les ont contraints à renoncer à leur projet de construction sur le lieu de leur exploitation à Bondues et obligés à rejoindre une exploitation d'élevage de chevaux qu'ils possédaient en Anjou ; qu'il résulte cependant de l'instruction que leur décision de s'installer à titre principal et définitif dans le Maine-et-Loire et d'y transférer leur activité professionnelle s'est concrétisée par la vente d'une partie des parcelles dont ils étaient propriétaires à Bondues dès 2002, puis, en janvier 2004, par une inscription au registre de la mutualité sociale agricole de Maine-et-Loire, enfin, par la réalisation d'une construction sur leur nouvelle propriété en Anjou et la vente consécutive des parcelles de Bondues, objet du litige, à titre définitif en 2007 aux époux C ; que ces choix de gestion trouvent leur cause ni directement, ni exclusivement, dans le refus du 22 octobre 2002, ni même dans les refus ultérieurs de 2005 et 2006, mais résultent principalement du départ de leurs cinq enfants du foyer, de difficultés financières rencontrées dans la gestion de leur exploitation et dans leur volonté d'établir leur activité d'élevage dans un domaine plus vaste dans le Maine-et-Loire après avoir diminué leur implantation dans le Nord ;
Considérant, d'une part, qu'il suit de ce qui précède que le préjudice moral qui procède selon eux d'un éloignement de leur famille installée pour l'essentiel dans le Nord ne trouve pas sa cause dans la faute commise par la commune de Bondues en 2002 ; que, par suite, la commune de Bondues est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les frais d'architecte auraient été exposés en pure perte si les époux A avaient maintenu leur projet ; que la perte de chance d'accroître leur patrimoine en construisant eux-mêmes à Bondues une nouvelle maison d'habitation ne trouve pas davantage sa cause dans le seul refus de 2002 mais dans leur désengagement progressif de leur projet initial ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la perte de chance de vendre en 2006/2007 au meilleur prix leur terrain aux époux C, par un acte de vente réitéré devant notaire le 23 septembre 2007, résulterait de la décision de refus du permis de construire d'octobre 2002 ; qu'en effet, il est constant que l'annulation de ce refus, le 21 juillet 2005, pour un motif de fond, par le jugement du tribunal administratif de Lille avait été confirmée dès le 3 août 2006 par la cour administrative d'appel de Douai, et que les autres refus du maire n'ont pas été contestés par les époux A ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande de réparation de leurs préjudices matériels ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bondues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme A de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Bondues au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 17 mars 2011 sont annulés.
Article 3 : M. et Mme A verseront à la commune de Bondues une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Nicolas A et à la commune de Bondues.
Copie sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°11DA00781