Vu la décision du Conseil d'Etat n° 321362 en date du 26 novembre 2010, statuant sur le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai n° 07DA00599 du 24 juillet 2008 et renvoyant l'affaire à la cour ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 18 avril 2007, présentée pour la SELARL LABORATOIRE D'ISLE, dont le siège est 69 rue de la Raffinerie à Saint-Quentin (02100), par Me Bacquet, avocat ; la SELARL LABORATOIRE D'ISLE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0401342 du 8 février 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000 et 2001 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; / b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'en vertu de ces dispositions, l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant que, pour rehausser le résultat imposable de la SELARL LABORATOIRE D'ISLE d'une somme de 3 000 000 francs (457 347 euros) au titre de l'exercice clos en 2000, l'administration a estimé, non pas que la délibération du 3 novembre 2000 par laquelle l'assemblée générale de cette société a décidé de consentir un abandon de créance à la SELARL Laboratoire A serait fictive ou n'aurait été adoptée que dans le but d'éluder l'impôt, mais que cet abandon de créance avait en majeure partie pour contrepartie l'acquisition d'une clientèle et qu'il y avait lieu d'en tirer les conséquences fiscales ; que ce faisant, l'administration s'est bornée à faire application de la règle, découlant du 2 de l'article 38 et de l'article 39 du code général des impôts, selon laquelle ne constitue pas une charge déductible une dépense ayant, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise ; que, dès lors, la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait eu recours de manière implicite à la procédure de répression d'un abus de droit sans respecter les garanties prévues pour sa mise en oeuvre ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sous réserve, le cas échéant, de la faculté de pratiquer des amortissements, ne constituent pas des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1995, la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE, qui exploite un laboratoire d'analyses de biologie médicale à Saint-Quentin (Aisne), a acquis 49,9 % du capital de la SELARL Laboratoire A, qui exerçait la même activité dans la même localité ; que M. A avait fait apport à la société Laboratoire A du droit de présentation de la clientèle qu'il détenait dans la société civile professionnelle unipersonnelle A pour une valeur estimée à 3 000 000 francs (457 347 euros), pour laquelle ce droit a été inscrit à l'actif du bilan de la société Laboratoire A ; qu'en raison de la cessation d'activité de la société Laboratoire A le 31 décembre 1996, la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE, dont M. A a été le préposé pendant deux ans à compter de janvier 1997, a pris en charge l'apurement du passif de la société Laboratoire A ; qu'à la clôture de l'exercice 2000, elle lui a consenti un abandon de créance d'un montant de 3 290 486 francs (501 631,36 euros), qu'elle a déduit pour la détermination de son résultat imposable de cet exercice ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de cet abandon de créance, la société Laboratoire A a comptabilisé et déclaré comme constituant un profit exceptionnel une somme de 290 486 francs (44 284,30 euros) ; que par ailleurs, elle a porté au débit du compte courant d'associé de la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE ouvert dans ses écritures une somme de 3 000 000 francs (457 347 euros) par le crédit du compte d'immobilisation correspondant au droit de présentation de la clientèle dont lui avait fait apport M. A ; qu'ainsi, cette société a constaté l'existence à son égard d'une dette de la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE correspondant à la valeur de ce droit de présentation ; que ce faisant, et alors qu'il résulte de l'instruction qu'après la cessation d'activité de la société Laboratoire A en 1996, M. A n'avait effectué aucune recherche pour céder sa clientèle, l'administration établit que l'abandon de créance consenti en 2000 par la société requérante à la société Laboratoire A a eu, en fait et à hauteur de la somme de 3 000 000 francs (457 347 euros), pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé de l'entreprise, élément constitué par le droit de présentation d'une clientèle antérieurement inscrit à l'actif du bilan de la société Laboratoire A ; que la société requérante n'établit pas la réalité d'une prétendue erreur comptable ; que, dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées des articles 38 et 39 du code général des impôts que l'administration a rapporté au résultat imposable de l'exercice clos en 2000 la valeur de ce nouvel élément de l'actif immobilisé de la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE ;
Considérant, d'autre part, que si la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE conteste la valorisation à 3 000 000 francs (457 347 euros) de cet actif et soutient qu'elle ne saurait excéder 1 200 000 " euros ", il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la valeur de 3 000 000 francs (457 347 euros) est celle-là même qui avait été retenue pour son inscription à l'actif du bilan de la société Laboratoire A et qui, en 2000, a été retenue lors du paiement par la société requérante du prix de cet actif ; que cette dernière n'apporte aucun élément propre à justifier d'une dépréciation de cette valeur entre le 31 décembre 1996 et le 31 décembre 2000 ; qu'ainsi, l'administration justifie suffisamment de la valeur de l'actif acquis par la société requérante en 2000 ;
Sur les pénalités :
Considérant que le comptable des deux sociétés étant le même, la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE ne pouvait ignorer que l'abandon par elle d'une créance de 3 000 000 francs (457 347 euros) au profit de la société Laboratoire A était regardé et comptabilisé par cette dernière comme constituant le paiement du prix d'acquisition par la première du droit de présentation de la clientèle inscrit à l'actif du bilan de la seconde ; que, par suite, la société requérante ne pouvait ignorer le défaut d'inscription de ce droit à l'actif de son propre bilan ; que dans ces conditions, l'administration établit qu'en déclarant cette somme comme constituant l'abandon d'une créance, la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE a délibérément éludé l'impôt ; qu'ainsi, elle a pu légalement assortir les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés de la majoration de 40 % prévue au 1° de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE LABORATOIRE D'ISLE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL LABORATOIRE D'ISLE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°11DA00052