Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 mars 2011 et régularisée par la production de l'original le 22 mars 2011, présentée pour M. et Mme Darwiche A, demeurant ..., par la Selarl Enguéléguélé ; M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802843 du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2008 du maire de la commune d'Abbeville accordant à la Société immobilière picarde (SIP) un permis de construire un immeuble comprenant 18 logements, situé 18 rue Jean Jaurès à Abbeville (80100) ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Abbeville une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité instituant la communauté européenne ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A relèvent appel du jugement du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2008 du maire de la commune d'Abbeville accordant à la Société immobilière picarde (SIP) un permis de construire un immeuble comprenant 18 logements, situé 18 rue Jean Jaurès à Abbeville (80100) ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ; qu'aux termes de l'article R. 431-10 du même code : Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain (...) ; que le document n° 02 intitulé FACADES, photographies du terrain et perspectives annexé au dossier de demande de permis de construire permettait d'apprécier de manière suffisante l'impact visuel de la construction projetée et son implantation dans son environnement ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le maire n'aurait pas été mis à même d'apprécier l'impact visuel du projet doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ayant fait l'objet d'un périmètre de protection délimité dans les conditions fixées aux deuxième ou troisième alinéas de l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. ; qu'aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. Le permis de construire tient lieu de l'autorisation précédente s'il est revêtu du visa de l'architecte des Bâtiments de France. / La même autorisation est nécessaire lorsque l'immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ne comportant pas d'édifice, si le périmètre de protection de ce parc ou de ce jardin a été délimité dans les conditions fixées aux deuxième ou troisième alinéas de l'article L. 621-30-1. ; qu'aux termes de l'article L. 621-30-1 du même code : Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres. / Lorsqu'un immeuble non protégé au titre des monuments historiques fait l'objet d'une procédure d'inscription ou de classement ou d'une instance de classement, l'architecte des Bâtiments de France peut proposer, en fonction de la nature de l'immeuble et de son environnement, un périmètre de protection adapté. La distance de 500 mètres peut être dépassée avec l'accord de la commune ou des communes intéressées. Ce périmètre est créé par l'autorité administrative après enquête publique. (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis favorable émis le 18 juillet 2008 par l'architecte des Bâtiments de France, que le projet se situe dans le périmètre de protection de cinq cents mètres de l'église Saint-Vulfran et de la gare de chemin de fer, classée ou inscrite au titre des monuments historiques, auxquelles M. et Mme A soutiennent qu'il serait porté atteinte ; qu'il consiste, après la démolition de l'établissement existant sur le terrain d'assiette, en la réalisation d'un immeuble comportant des parkings en fond de parcelle pour une surface hors oeuvre brute de 1 458 mètres carrés et nette de 1 196 mètres carrés et d'une hauteur totale d'un peu plus de 16 mètres ; que s'il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies produites, que l'église, distante de 430 mètres et présentant une hauteur de 55 mètres, est partiellement visible avec le projet, il en va différemment de la gare bien que distante de 270 mètres ; qu'eu égard à son volume, à sa hauteur et à sa situation adossée à un immeuble de hauteur comparable dans un secteur densément construit et hétérogène d'un point de vue architectural, le projet n'est pas de nature à porter une atteinte à l'aspect et au caractère de l'église Saint-Vulfran ou d'autres monuments ou parcs et jardins bénéficiant d'un périmètre de protection classés ou inscrits, seuls à devoir être pris en compte à ce titre ; que, par suite, l'avis favorable émis le 18 juillet 2008 par l'architecte des Bâtiments de France, avec des réserves reprises par le maire d'Abbeville dans son arrêté, n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; qu'en estimant, au vu de l'autorisation ainsi délivrée, que la construction projetée ne portait pas atteinte aux monuments concernés, le maire de la commune d'Abbeville n'a pas davantage méconnu les dispositions relatives à la protection des monuments historiques ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article UA 1 du règlement du plan d'occupation des sols prévoit au titre des rappels, objet de son V, que les nouvelles constructions à usage d'habitation (...) exposées aux bruits des différentes voies de type I ou II, ainsi qu'à ceux de la voie ferrée - ligne Longueau - Boulogne - (voie type II), peuvent être soumises à des normes d'isolement acoustique, conformément aux dispositions de l'arrêté du 6 octobre 1978 relatif à l'isolement acoustique des bâtiments à usage d'habitation contre le bruit ; que s'il incombe au constructeur de respecter les règles générales de construction prescrites pour l'application de l'article R. 111-14 du code de la construction et de l'habitation dont l'arrêté du 6 octobre 1978 constitue une mesure d'application, ces règles ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à l'administration d'assurer le respect lors de la délivrance d'un permis de construire quand bien même il s'agit de normes de prescriptions acoustiques dans les secteurs situés au voisinage d'infrastructures de transport terrestre rappelées dans un document d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du règlement du plan d'occupation des sols est inopérant ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article UA 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune applicable au secteur UAa et dans le sous secteur UAar : (...) la hauteur de toute construction ne doit pas excéder 15 mètres à l'égout de toiture. / Dans la limite de ces 15 m à l'égout de toiture, les constructions à usage d'habitation ne doivent pas excéder 4 étages droits sur rez-de-chaussée, les combles étant aménageables sur 1 niveau ; que ces dispositions autorisent la réalisation de quatre étages droits en plus du rez-de-chaussée ; que le projet litigieux comporte un rez-de-chaussée et trois étages droits dans la limite d'une hauteur à l'égout de toiture de 11,60 mètres ; qu'il comporte, en outre, un comble aménagé sous la toiture qui ne peut être regardé comme un étage droit au sens de ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 10 doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, qui n'est relatif qu'au contenu des plan locaux d'urbanisme et n'est pas invoqué à l'appui d'un moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune d'Abbeville, est inopérant ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ; que s'il est constant que le projet de construction est exposé à un risque d'inondation, il est également constant que celui-ci est très faible ; qu'au demeurant, le terrain d'assiette du projet était classé en zone de type 4 d'aléa très faible autorisant tout type de construction, sauf les structures hospitalières, au plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Somme et de ses affluents, annulé par la cour de céans dans un arrêt devenu définitif en date du 10 décembre 2009 ; que dans ces conditions, le maire d'Abbeville n'a entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation ni au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ni au regard de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ou, en tout état de cause, de l'article 174 du Traité instituant la communauté européenne dans sa rédaction alors applicable ;
Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme reprenant, à compter du 1er octobre 2007, l'article R. 111-3-2 du même code : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 3 juin 2004 susvisé : Les opérations d'aménagement, de construction d'ouvrages ou de travaux qui, en raison de leur localisation, de leur nature ou de leur importance, affectent ou sont susceptibles d'affecter des éléments du patrimoine archéologique ne peuvent être entreprises que dans le respect des mesures de détection et, le cas échéant, de conservation et de sauvegarde par l'étude scientifique ainsi que des demandes de modification de la consistance des opérations ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 dudit décret : Les mesures mentionnées à l'article 1er sont prescrites par le préfet de région ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : Entrent dans le champ de l'article 1er : / 1° Lorsqu'ils sont réalisés dans les zones prévues à l'article 5 et portent, le cas échéant, sur des emprises au sol supérieures à un seuil défini par l'arrêté de zonage, les travaux dont la réalisation est subordonnée : / a) A un permis de construire en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (...) ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : Sont présumés faire l'objet de prescriptions archéologiques préalablement à leur réalisation les projets d'aménagements affectant le sous-sol qui sont réalisés dans les zones définies dans le cadre de l'établissement de la carte archéologique nationale, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 522-5 du code du patrimoine, par arrêté du préfet de région pris après avis de la commission interrégionale de la recherche archéologique, en fonction des informations scientifiques conduisant à envisager la présence d'éléments du patrimoine archéologique. / L'arrêté du préfet de région est adressé au préfet du département ou des départements intéressés par le zonage aux fins de publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, ainsi qu'aux maires des communes intéressées. Il fait l'objet d'un affichage en mairie pendant un mois à compter du jour où il a été reçu. Il est tenu à la disposition du public dans les préfectures et dans les mairies ; que l'article 7 du décret dispose : En dehors des cas prévus au 1° de l'article 4, les autorités compétentes pour autoriser les aménagements, ouvrages ou travaux mentionnés au même article ou pour recevoir la déclaration mentionnée au dernier alinéa de l'article 6 peuvent décider de saisir le préfet de région en se fondant sur les éléments de localisation du patrimoine archéologique dont elles ont connaissance ; que le premier alinéa de son article 17 prévoit que : Lorsque des prescriptions archéologiques ont été formulées ou que le préfet a fait connaître son intention d'en formuler, les autorités compétentes pour délivrer les autorisations mentionnées à l'article 4 les assortissent d'une mention précisant que l'exécution de ces prescriptions est un préalable à la réalisation des travaux ;
Considérant que par un avis du 10 juin 2008, le conservateur régional de l'archéologie, agissant par délégation du préfet de région, a informé le maire de la commune d'Abbeville que le projet n'était pas susceptible, selon les informations dont il disposait, d'affecter des éléments du patrimoine archéologique et qu'en conséquence, il n'appelait aucune des mesures de détection, de conservation ou de sauvegarde par l'étude scientifique définies par le livre V du code du patrimoine ; que si M. et Mme A soutiennent que des fouilles étaient nécessaires et auraient dû faire l'objet de prescriptions dans le permis de construire délivré à la SIP, compte tenu de ce que le terrain d'assiette était situé dans un périmètre de protection des sites archéologiques de niveau 4 que cet avis n'a pas pris en compte, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'aux termes du 3) de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Abbeville relatif à l'aspect extérieur des façades des constructions : Il doit être recherché un traitement harmonieux de toutes les façades (...). / (...) Les maçonneries en briques apparentes doivent être constituées de briques rouges de pays, de teinte unifiée (...) / Les couleurs des matériaux apparents, des enduits et des peintures de ravalement doivent s'harmoniser avec le bâti environnant (...) ;
Considérant que M. et Mme A soutiennent que le projet méconnaît ces dispositions dans la mesure où il n'est pas en harmonie avec le bâti ancien existant uniquement composé de briques ; qu'il ressort de la notice de présentation du projet jointe au dossier de permis de construire que le soubassement sur la hauteur du rez-de-chaussée est traité en brique avec joint en creux clairs , lesquelles briques sont de couleur rouge selon les photomontages également joints ; que, selon la notice, les parois de maçonnerie sont traitées sable avec grains , les éléments de clins sont traités en couleur bois , les balcons en enduits blancs lisses et les grilles au rez-de-chaussée et garde-corps de balcon en blanc ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'immeuble projeté est d'une hauteur comparable à celui auquel il est adossé et se situe dans un secteur densément construit ne présentant aucun caractère ou intérêt particulier, marqué notamment par la présence en face du terrain d'assiette d'une grande surface comportant un parc de stationnement ; qu'en particulier, si certaines des constructions proches comportent des briques, l'ensemble du bâti environnant n'en est pas composé majoritairement et le projet lui-même en prévoit ; que, dans ces conditions, le maire d'Abbeville n'a entaché son arrêté ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, ni d'erreur d'appréciation au regard de celles de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Abbeville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A le versement à la commune d'Abbeville, d'une part, et à la société SIP, d'autre part, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par elles ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A verseront respectivement à la commune d'Abbeville et à la société SIP une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Darwiche A, à la commune d'Abbeville et à la Société immobilière picarde.
''
''
''
''
2
N°11DA00454