Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mody A, demeurant ..., par Me Mouchabac, avocat ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901126 du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice financier et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, ces sommes étant majorées des intérêts de droit à compter de la date de sa réclamation préalable et capitalisées, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice financier et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, ces sommes étant majorées des intérêts de droit à compter de la date de sa réclamation préalable et capitalisées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Considérant que M. Mody A relève appel du jugement du Tribunal administratif de Rouen du 3 mars 2011, par lequel ce dernier a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat français à l'indemniser des préjudices qu'il aurait subis du fait du décret du 17 novembre 1987 portant libération de l'allégeance française de l'intéressé, de la décision de refus de titre de séjour du 25 octobre 2005 et de l'arrêté de reconduite à la frontière du 22 mars 2006 ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que la perte de la nationalité française de M. A résulte du décret du 17 novembre 1987 qui l'a libéré de son allégeance à l'égard de la France ; que, toutefois, pour contester la légalité de ce décret, l'intéressé se borne à alléguer que son père n'aurait jamais souhaité être libéré des liens d'allégeance avec la France et que la perte de la nationalité du père ne pouvait être opposée à ses enfants ; que, par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces du dossier que c'est à tort que M. A s'est vu retirer sa nationalité française ; que, dès lors, en l'absence de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une éventuelle décision administrative ou de l'autorité judiciaire sur une question préjudicielle ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conditions dans lesquelles il a perdu la nationalité française n'étaient pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, en second lieu, que, par l'arrêté du 25 octobre 2005, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A, le préfet de l'Eure s'est fondé sur ce que l'intéressé avait perdu la nationalité française et, qu'au regard de sa situation personnelle et familiale, notamment de la durée et des conditions de son séjour en France ainsi que de la présence de ses parents et de ses frères et soeurs dans son pays d'origine, il ne remplissait pas les conditions pour justifier de la délivrance d'un titre de séjour ; que, ni la circonstance que M. A ait accompli un stage financé par la région Ile-de-France entre le 19 avril et le 22 décembre 2004, ni même la convocation en date du 26 août 2004, qui lui a été adressée pour l'inviter à participer à la journée d'appel de préparation à la défense, ne sont de nature à établir que le préfet était tenu de lui délivrer un titre de séjour ; que le jugement du Tribunal administratif de Rouen, en date du 13 février 2007, n'a pas annulé l'arrêté du 25 octobre 2005 susmentionné mais a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le recours formé contre cet arrêté du fait de la réintégration de M. A dans la nationalité française le 7 septembre 2006 ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 25 octobre 2005 susmentionné était illégal et de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, en revanche, que l'arrêté du 22 mars 2006 a été annulé par le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen, par décision du 30 juin 2006, au motif qu'il était entaché d'une erreur de fait ; que cette illégalité, qui ne résulte pas d'une simple erreur de procédure, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à invoquer l'illégalité de l'arrêté du 22 mars 2006 du préfet de l'Eure ordonnant sa reconduite à la frontière pour demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de sa perte de nationalité et du refus de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur le préjudice :
Considérant, que l'arrêté du 22 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, a été annulé par décision du 30 juin 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, durant cette période, M. A aurait perdu, du fait de cette décision, un emploi qu'il occupait ou aurait été privé de la possibilité d'en trouver un autre, ou encore aurait subi un préjudice du fait d'une restriction à sa liberté d'aller et de venir ; que, par suite, il ne justifie pas d'un préjudice financier ou moral qui serait en lien direct avec l'arrêté susmentionné du 22 mars 2006 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat français à l'indemniser des préjudices dont il demande réparation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mody A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°11DA00650