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30/06/2011 | FRANCE | N°09DA01149

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 30 juin 2011, 09DA01149


Vu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 22 avril 2010, lu le 15 juin 2010 ordonnant, avant dire droit, une expertise afin d'apprécier l'impact sur le fonctionnement du radar météo d'Abbeville du projet de la société Recherches et Développements Eoliens, aux droits de laquelle est venue la société Nuevas Energias de Occidente Galia, de construire six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Citernes ;

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Vu les autres pièces du do

ssier ;

Vu le code des postes et télécommunications électroniques ;

Vu...

Vu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 22 avril 2010, lu le 15 juin 2010 ordonnant, avant dire droit, une expertise afin d'apprécier l'impact sur le fonctionnement du radar météo d'Abbeville du projet de la société Recherches et Développements Eoliens, aux droits de laquelle est venue la société Nuevas Energias de Occidente Galia, de construire six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Citernes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des postes et télécommunications électroniques ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Guinot, pour la société EDP Renewables France ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER relève appel du jugement n° 0701005 du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé, à la demande de la société Recherches et Développements Eoliens, aux droits de laquelle est venue la société Nuevas Energias de Occidente Galia, devenue la société EDP Renewables France, l'arrêté du préfet de la Somme du 27 octobre 2006 refusant de délivrer un permis de construire six aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Citernes, ensemble la décision rejetant son recours gracieux du 22 décembre 2006 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 27 octobre 2006 et de la décision implicite de rejet :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ;

Considérant que, suite à l'avis défavorable émis par Météo France le 7 avril 2006, le préfet de la Somme a, en application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, refusé les permis de construire sollicités par la société Recherches et Développements Eoliens en se fondant sur la nécessité d'assurer la surveillance météorologique et sur la circonstance que le projet ne peut coexister, ni avec les autres parcs existants, ni avec les autres projets acceptés car sa zone d'impact sur le radar Doppler est situé à moins de 10 km de ces parcs ; que les premiers juges ont toutefois estimé que le préfet avait ainsi entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le parc projeté, comprenant six éoliennes avec chacune trois pales de 44 m de long et une nacelle à 65 m au-dessus du sol, doit se situer à environ 18 km au sud du radar météorologique d'Abbeville dépendant de l'établissement public Météo France ; que selon le rapport de la commission consultative de la compatibilité électromagnétique de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) en date du 19 septembre 2005, dit rapport CCE5 n°1 , l'implantation d'éoliennes dans un rayon de 20 km autour d'un radar météorologique fonctionnant, à l'instar de celui d'Abbeville, en fréquence bande C , est susceptible de perturber le fonctionnement de ce dernier par le blocage de son faisceau, par des échos fixes ou par la création en raison de la rotation des pales de zones d'échos parasites au sein desquelles les données recueillies par mode Doppler sont inexploitables ; qu'afin d'éviter une perturbation majeure de ces fonctions, l'Agence recommande en particulier de n'implanter aucune éolienne à moins de 5 km d'un tel radar et de subordonner leur installation, dans un rayon d'éloignement de 5 à 20 km, dite distance de coordination, à des conditions relatives à leurs caractéristiques techniques, et notamment leur surface équivalent radar (SER), à leur visibilité avec le radar, ainsi qu'à leur nombre et leur disposition ; que, s'agissant des risques de création d'échos parasites affectant les données recueillies par mode Doppler, ces conditions sont destinées, selon le guide sur la problématique de la perturbation du fonctionnement des radars par les éoliennes élaboré par la même commission consultative de la compatibilité électromagnétique le 3 juillet 2007, à ce que l'exploitant du radar puisse s'assurer que la taille de la zone de perturbation engendrée par les éoliennes ne soit pas supérieure, dans sa plus grande dimension, à 10 km, ou qu'elle ne se situe pas à moins de 10 km d'une autre zone de perturbation ;

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert diligenté par la Cour que le modèle créé par l'ANFR, s'il est approximatif , est avant tout exagérément optimiste en ce qu'il conduit à sous-estimer l'effet des projets éoliens sur la qualité de l'exploitation des radars météo s'agissant tant des mesures en réflectivité, destinées à estimer les précipitations, que du mode Doppler , destiné à évaluer la vitesse du vent ; qu'en effet, l'expert a relevé, d'une part, que le modèle prend en compte des éoliennes plus petites que celles comprises dans le projet et un radar dont la puissance utile est la moitié de la puissance réelle utilisable et, d'autre part, qu'il minimise la part des pales dans la SER totale en ce qui concerne le mode Doppler et sous-estime la perte de sensibilité provoquée par les éoliennes en surestimant le seuil de détection d'un radar en ce qui concerne la réflectivité ; qu'il a par ailleurs évalué la SER totale du parc à 2 900 m² pour les brouillages en réflectivité et à 15 000 m² pour les brouillages Doppler, soit des grandeurs beaucoup plus élevées que celles alléguées par l'ANFR ; qu'en outre, l'expert a pu indiquer que l'étude de l'ANFR avait conduit à des résultats particulièrement risqués en induisant l'Etat à fixer à 20 km le rayon de la zone dans laquelle les projets éoliens doivent être coordonnés alors que, selon lui, cette distance devrait être portée à 30 km compte tenu de la taille des éoliennes en cause ; que l'expert conclut ainsi que le projet était de nature à perturber les mesures Doppler à 7,5 km de part et d'autre du champ éolien en retenant une zone de risque d'une largeur totale de 16 km supérieure à celle théorique de 12 km ayant conduit au refus de permis de construire litigieux, laquelle était pourtant considérée comme étant déjà supérieure à la zone de risque effectif ; qu'il relève, au total, un affaiblissement de la précision et de la fiabilité des estimations des précipitations à partir des mesures en réflectivité, d'une part, et, surtout, une dégradation de l'évaluation de la vitesse du vent par mode Doppler, d'autre part ;

Considérant qu'il ressort suffisamment des pièces du dossier, et notamment de ce rapport d'expertise comme d'une note établie par Météo France le 1er mars 2011, que les dysfonctionnements induits par les éoliennes sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu'elles entraînent sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effets ; que la société EDP Renewables France, qui a produit des dires tout au long de l'expertise, ne peut être regardée comme remettant en cause sérieusement, par les éléments qu'elle apporte en appel, la pertinence scientifique de la méthode, des travaux ou des conclusions du rapport alors même que selon des mesures réalisées par Météo France le 2 mai 2007 le parc éolien de Saint-Maxent-Tilloloy, dont l'installation avait été d'ores et déjà autorisée à la date de l'arrêté du 27 octobre 2006, est à l'origine d'une zone de perturbation qui est située à moins de 10 km de la zone analogue susceptible d'être engendrée par son projet ; que la société ne saurait utilement soutenir que les radars utilisés pourraient être adaptés afin de permettre la réalisation de son projet ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Somme a pu refuser de délivrer les permis de construire les installations litigieuses, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison des risques pour la sécurité publique induits par les éoliennes projetées sans que des prescriptions spéciales ne suffisent à y remédier ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société EDP Renewables France ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux comporte les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 et 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, une décision individuelle qui retire une décision créatrice de droits ne peut intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Si le dossier est complet, l'autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur, dans les quinze jours de la réception de la demande en mairie, par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal, le numéro d'enregistrement de ladite demande et la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d'instruction, la décision devra lui être notifiée. Le délai d'instruction part de la date de la décharge ou de l'avis de réception postal prévus à l'article R. 421-9. (...) L'autorité compétente pour statuer avise en outre le demandeur que si aucune décision ne lui a été adressée avant la date mentionnée au premier alinéa ou avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la date de clôture de l'enquête publique lorsqu'il s'agit d'une demande de permis de construire concernant une installation classée soumise à autorisation, la lettre de notification des délais d'instruction vaudra permis de construire et les travaux pourront être entrepris conformément au projet déposé, sous réserve du retrait, dans le délai du recours contentieux, du permis tacite au cas où il serait entaché d'illégalité. (...) Toutefois, lorsque le projet se trouve dans l'un des cas prévus à l'article R. 421-19, le demandeur est informé qu'il ne pourra bénéficier d'un permis tacite. ; que l'article R. 421-19 du même code, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : Le constructeur ne peut bénéficier d'un permis de construire tacite dans les cas ci-après énumérés : ( ...) g) Lorsque la construction fait partie des catégories d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux soumis à enquête publique en application des articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement (...) ; qu'il résulte du 34° de l'annexe I à cet article R. 123-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-629 du 30 mai 2006, que sont soumis à enquête publique les travaux d'installation des ouvrages de production d'énergie éolienne dont la hauteur de mât dépasse 50 m ;

Considérant que le projet d'implantation d'un parc éolien présenté par la société Recherches et Développements Eoliens a fait l'objet d'une enquête publique du 3 septembre au 4 octobre 2005 conformément aux prescriptions non du 21° concernant certains permis de construire, contrairement à ce que fait valoir la société EDP Renewables France, mais du 34° de l'annexe I à l'article R. 123-1 du code de l'environnement ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme, que la société ne pouvait bénéficier de permis de construire tacite à l'expiration du délai d'instruction, dont l'administration avait fixé l'échéance au 26 octobre 2005, ainsi que le lui avait indiqué le service instructeur le 6 juin 2005 ; qu'il s'ensuit que l'arrêté attaqué du 27 octobre 2006 n'a pu avoir pour effet de procéder au retrait d'un tel permis ; que, dans ces conditions, la société requérante ne saurait utilement soutenir ni que l'arrêté aurait été pris postérieurement à l'expiration d'un délai de retrait de trois ou quatre mois, ni de ce qu'il n'aurait pas à être précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet d'engager la procédure dite de coordination recommandée par l'ANFR ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure pour ne pas l'avoir mise en oeuvre doit, en toute hypothèse, être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que le préfet de la Somme consulte Météo France avant de prendre l'arrêté litigieux ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de ce dernier, que le préfet se serait senti lié par cet avis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de la Somme du 27 octobre 2006 refusant de délivrer à la société Recherches et Développements Eoliens un permis de construire six aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Citernes, ensemble la décision rejetant son recours gracieux du 22 décembre 2006 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que la société EDP Renewables France demande qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Somme de lui délivrer l'attestation prévue par les dispositions de l'article R. 421-31 du code de l'urbanisme, en vigueur jusqu'au 1er octobre 2007 dès lors qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite à la date du 26 octobre 2005 ; que, néanmoins, compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment, et en tout état de cause, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, de mettre les frais d'expertise de M. A, liquidés et taxés à la somme de 12 388,61 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance du 8 mars 2001 du président de la Cour administrative d'appel de Douai, à la charge de société EDP Renewables France ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme de 4 000 euros demandée par la société EDP Renewables France soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 19 mai 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Recherches et Développements Eoliens aux droits de laquelle est venue la société Nuevas Energias de Occidente Galia, devenue la société EDP Renewables France, devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise de M. A liquidés et taxés à la somme de 12 388,61 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance du 8 mars 2011 du président de la Cour administrative d'appel de Douai sont mis à la charge de la société EDP Renewables France.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société EDP Renewables France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et à la société EDP Renewables France.

Copie sera transmise au préfet de la Somme.

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N°09DA01149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01149
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : VINCENT GUINOT AYMERIC HOURCABIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-06-30;09da01149 ?
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