Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sylviane A, demeurant ..., par Me Delerue ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804130, en date du 8 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2006, ainsi que la décision du 7 mai 2008 rejetant sa réclamation ;
2°) de prononcer le dégrèvement des impositions contestées ;
3°) de condamner l'administration à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que Mme A relève appel du jugement, en date du 8 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge ou la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2006 à raison de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de diverses sommes détournées au préjudice de la société qui l'employait en qualité de comptable ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant, en premier lieu, que, par une décision en date du 18 août 2010, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord a renoncé à défendre la régularité de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre à l'encontre de Mme A au titre de l'année 2006 et a substitué, pour cette même année, une majoration de 10 % à la majoration de 80 % initialement appliquée à la contribuable ; qu'il a, en conséquence, accordé à l'intéressée le dégrèvement, à concurrence des sommes respectives de 75 475 euros et 18 256 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de cette année, en laissant à sa charge les impositions correspondant à la taxation des sommes qu'elle reconnaît avoir détournées au cours de ladite année ;
Considérant, en deuxième lieu, que, par la même décision, le directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord, ayant constaté que le service avait établi les impositions en litige en intervertissant, pour les années 2004 et 2005, les montants des sommes détournées par Mme A tels qu'ils lui avaient été notifiés, a corrigé cette erreur et, après substitution d'une majoration de 40 % à la majoration de 80 % initialement appliquée, a accordé à la contribuable le dégrèvement, à concurrence des sommes respectives de 27 869 euros et 6 863 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ;
Considérant, en troisième lieu, que le directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord a également tiré les conséquences, pour les années 2002, 2003 et 2005, de la substitution d'une majoration de 40 % aux pénalités de 80 % initialement appliquées, et accordé à Mme A le dégrèvement, à concurrence des sommes respectives de 12 568 euros, 17 187 euros et 21 261 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de ces années, ainsi que le dégrèvement, à concurrence des sommes respectives de 2 948 euros, 4 066 euros et 5 344 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de ces mêmes années ;
Considérant qu'à concurrence des dégrèvements ainsi accordés, les conclusions de la requête de Mme A sont devenues sans objet ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu d'imposition ; qu'aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration (...) ; qu'en application de ces dispositions, un requérant n'est recevable à contester un impôt qui le concerne que dans la limite du quantum de sa réclamation préalable devant l'administration ;
Considérant que si, dans sa réclamation préalable du 29 février 2008, Mme A a expressément soutenu ne pas relever de la procédure de taxation d'office, elle a toutefois indiqué admettre la quotité des redressements à concurrence de 25 500 euros pour 2002, 19 800 euros en 2003, 17 000 euros en 2004, 19 700 euros en 2005 et 13 600 euros en 2006 et s'est bornée à demander la réduction des impositions contestées dans la proportion de ce qui a été reconnu ; que, par suite, ses conclusions à fin de décharge des impositions contestées ne sont recevables que dans la limite des dégrèvements sollicités devant le directeur ; qu'il suit de là qu'elle ne peut prétendre au dégrèvement total des impositions dues au titre de l'année 2006, alors même que son moyen d'appel, tiré de l'irrégularité de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office pour cette année, serait de nature à justifier un tel dégrèvement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, à cet égard, que le dégrèvement précité qui lui a été accordé à ce titre le 18 août 2010 aurait été inexactement calculé ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ; que Mme A, qui ne conteste plus en appel avoir été régulièrement taxée d'office pour les années 2002 à 2005, supporte, en conséquence, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par le service ;
Considérant, en premier lieu, que si les propositions de rectification en date du 30 juillet 2007, pour déterminer le montant des sommes détournées par Mme A à imposer dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, font état des résultats d'un audit commandé par l'ancien employeur de l'intéressée, il ressort de ces mêmes propositions que l'administration fiscale s'est en réalité fondée sur la pièce de procédure pénale côtée D 91, reprenant les éléments d'évaluation dudit audit et retenue par le Tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe pour déterminer, dans le jugement rendu le 7 octobre 2008, le montant du préjudice subi par les parties civiles ; qu'il résulte de l'instruction que les montants des redressements notifiés à Mme A concordent, contrairement à ce qu'elle soutient, avec le montant du préjudice évalué par la juridiction répressive dans le jugement précité ; que la requérante n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que, pour déterminer ses bases d'imposition des années 2002 à 2005, l'administration fiscale se serait uniquement fondée sur les résultats d'un audit qui ne lui aurait pas été communiqué et dont les évaluations auraient été invalidées par le juge pénal ;
Considérant, en second lieu, que si Mme A soutient que ses bases d'imposition devraient être limitées aux sommes de 25 500 euros pour 2002, 19 800 euros pour 2003, 17 000 euros pour 2004 et 19 700 euros pour 2005, correspondant aux versements en espèces effectués sur ses comptes bancaires, il ressort des propres déclarations sous serment de l'intéressée, reprises dans les propositions de rectification précitées du 30 juillet 2007 auxquelles se sont implicitement référés les premiers juges pour fonder leur conviction sans méconnaître le principe du contradictoire, qu'elle dépensait pour l'essentiel les fonds détournés chez des commerçants et n'en encaissait qu'une partie sur ses comptes bancaires ; qu'elle ne fournit, par ailleurs, aucun élément probant de nature à établir que les sommes qu'elle a effectivement détournées seraient inférieures aux montants retenus par l'administration ; qu'elle n'établit pas, ainsi, l'exagération de ses bases d'imposition pour les années 2002 à 2005 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2002 à 2005 : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100 (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction applicable à l'année 2006 : 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ;
Considérant que, par la décision de dégrèvement partiel mentionnée ci-avant, en date du 18 août 2010, l'administration a, sur la base de faits identiques à ceux retenus pour justifier la mise en oeuvre au titre des années 2002 à 2005 de la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales, substitué aux pénalités de 80 % initialement appliquées en raison du caractère occulte de l'activité de Mme A, les pénalités de 40 % applicables aux contribuables ne donnant pas suite à des mises en demeure de déposer leurs déclarations de revenus ; que le service a, en outre, ramené de 80 % à 10 % les pénalités dont sont assortis les suppléments d'impôt laissés à la charge de Mme A au titre de l'année 2006 au cours de laquelle elle s'est abstenue, en l'absence de mise en demeure, de déclarer ses bénéfices non commerciaux ; que ces substitutions privent d'objet la contestation de Mme A quant à la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a maintenu à sa charge les majorations de 80 % pour activité occulte ; que, par ailleurs, la requérante, à laquelle cette décision et le mémoire en défense présenté par le ministre ont été communiqués, ne soulève aucune contestation propre à l'application à son encontre des pénalités de 40 % et 10 % ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes de 12 568 euros, 17 187 euros, 27 869 euros, 21 261 euros et 75 475 euros, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006, et des sommes de 2 948 euros, 4 066 euros, 6 863 euros, 5 344 euros, et 18 256 euros, en ce qui concerne les suppléments de contributions sociales afférents respectivement à ces mêmes années, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylviane A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°10DA00359 2