Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA BIGBEN INTERACTIVE, dont le siège social est situé CRT 2, 4 rue la Voyette à Lesquin (59818), par Me Wemaere ; la SA BIGBEN INTERACTIVE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0701650-0701651-0701652, en date du 16 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la réduction, d'une part, des rappels de TVA à laquelle a été assujettie la SAS Vox Diffusion au titre de la période du 1er mars 1997 au 31 mars 2000, d'autre part, à celle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à cette même société au titre des exercices clos en 1998 et 1999 et, enfin, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2000 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Wemaere, pour la SA BIGBEN INTERACTIVE ;
Considérant, qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS Vox Diffusion portant sur la période du 1er mars 1997 au 31 mars 2000, l'administration des finances publiques a notamment remis en cause la déduction, en tant que charges, de sommes facturées à cette société par sa société mère, la SA BIGBEN INTERACTIVE, au titre de sa quote-part des provisions pour dépréciation du stock géré par cette dernière société ; que les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de ce contrôle ont été mis à la charge de la société Vox Diffusion en ce qui concerne les exercices 1998 et 1999 et de la SA BIGBEN INTERACTIVE en ce qui concerne l'exercice clos le 31 mars 2000, au titre duquel cette société avait opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu à l'article 223 A du code général des impôts ; que l'administration a, en outre, rappelé la TVA ayant notamment grevé les dépenses évoquées ci-dessus, au motif qu'elles ne portaient pas sur des biens et services nécessaires à l'exploitation ; que la SA BIGBEN INTERACTIVE, qui a absorbé par voie de fusion sa filiale le 17 septembre 2002, relève appel du jugement, en date du 16 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions susmentionnées en tant qu'elles procèdent de la remise en cause de la participation de la SAS Vox Diffusion à la provision pour dépréciation du stock géré par sa société mère ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ; que la déduction des frais généraux de toute nature n'est admise que s'ils constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS Vox Diffusion, qui exerçait une activité d'achat et revente de consoles de jeux vidéo, de jeux vidéo, d'accessoires pour consoles de jeu et d'objets électroniques, a conclu le 2 juin 1997 avec sa société mère, la SA BIGBEN INTERACTIVE, une convention de prestations de services et de logistique visant à transférer à cette dernière la gestion de ses achats et de son stock ; que l'économie de cette convention reposait notamment sur la constitution, par la société mère et à ses frais, d'un stock de jeux vidéo utilisé en commun avec la SAS Vox Diffusion pour satisfaire, dans la limite des stocks disponibles, les commandes de la clientèle de cette dernière ; que cette convention permettait en outre à la SAS Vox Diffusion de conseiller l'achat de jeux vidéo en vue d'alimenter ce stock commun, et l'invitait à en opérer une gestion directe , par l'intermédiaire d'une liaison télématique lui permettant de connaître le stock permanent afin d'en assurer la gestion dans un but d'efficacité aux deux sociétés bénéficiaires de la prestation ; qu'à titre de rémunération des prestations fournies à sa filiale, la SA BIGBEN INTERACTIVE conservait, en vertu de l'article 4 de la convention précitée, 50 % de la marge brute dégagée par chacune des ventes facturées aux clients de la société Vox Diffusion ; que l'article 7 de la même convention stipulait, en outre, que dans l'hypothèse de l'existence, à la fin de l'exercice de BIG BEN d'une nécessité de provisionner pour dépréciation de la valeur des stocks de jeux, pour non vente ou parce que devenu obsolète commercialement, BIG BEN devra aviser Vox Diffusion en vue du calcul du montant de cette provision et qu' afin de ne pas léser BIG BEN sur cette dépréciation alors que ce stock était aussi à la disposition de Vox Diffusion pour ses ventes, il est ici convenu de façon irrévocable, qu'une quote-part annuelle sera restituée à BIG BEN, au prorata des chiffres d'affaires réalisé se rapportant à ces jeux , et indiquait encore que Vox Diffusion n'ayant plus de stock personnel, cette compensation est justifiée au profit de BIG BEN, qui constitue seul un stock de jeux pour un volume d'achat permettant ainsi des coûts minorés dont la société Vox Diffusion profite aussi pour sa commercialisation à l'égard de ses clients la rendant ainsi plus compétitive, alors que seule la société BIG BEN paye le stock de départ ; que ce même article précisait en outre que les marchandises composant le stock provisionné commun pouvaient être commercialisées par la société Vox Diffusion ;
Considérant, d'une part, que l'administration ne conteste pas sérieusement qu'en signant la convention précitée du 2 juin 1997, et en acceptant chacune de ses clauses qui formaient un tout indivisible , pour reprendre les termes des cocontractants, la SAS Vox Diffusion a agi dans son propre intérêt, et que la mise en oeuvre de cette convention a contribué à l'amélioration de sa compétitivité et de sa situation commerciale et financière ; qu'ainsi, même si elle ne disposait pas d'un droit de propriété, ni même d'un droit de réservation sur les biens composant le stock de sa société mère, la déduction des sommes qui lui ont été facturées conformément à l'article 7 précité de la convention du 2 juin 1997, par la SA BIGBEN INTERACTIVE au titre de sa participation aux provisions pour dépréciation du stock constatées par cette dernière société, alors même qu'elles s'ajoutent à la rémunération prévue à l'article 4 de ladite convention, ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme procédant d'une gestion anormale ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que la quote-part revenant à la SAS Vox Diffusion des provisions pour dépréciation de stocks constatées par sa société mère, et non remises en cause par l'administration fiscale, a été calculée conformément à la clé de répartition prévue à l'article 7 de la convention susévoquée du 2 juin 1997 et que le détail de ces calculs figure sur les factures établies par la SA BIGBEN INTERACTIVE ; que ces factures étaient ainsi suffisantes pour justifier la déduction des charges correspondantes ; que si, en soutenant que lesdites charges n'étaient pas justifiées dans leur montant, dès lors que la ventilation opérée ne permettrait pas de traduire fidèlement la dépréciation des marchandises du stock qui serait spécialement affectées à la filiale, l'administration a entendu contester le bien-fondé de la clé de répartition précitée prévue à l'article 7 de la convention du 2 juin 1997, cette critique est sans portée utile, eu égard à l'intérêt, évoqué ci-dessus, que la SAS Vox Diffusion avait à accepter l'ensemble des conditions posées par ladite convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SA BIGBEN INTERACTIVE est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les sommes de 1 120 500 francs (170 819 euros), 784 080 francs (119 532 euros) et 1 103 291 francs (168 196 euros) dans les résultats imposables de la SAS Vox Diffusion au titre, respectivement, des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 et que c'est également à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la décharge correspondante des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la SAS Vox Diffusion au titre des années 1998 et 1999 et mise à sa charge au titre de l'année 2000 ;
En ce qui concerne la TVA :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I. 1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) ; que l'article 230 de l'annexe II au même code, applicable à la période d'imposition en litige, précise : 1. La TVA ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (...) ;
Considérant que, pour remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les sommes facturées, dans les conditions décrites ci-dessus, à la SAS Vox Diffusion par la SA BIGBEN INTERACTIVE au titre de sa participation aux provisions pour dépréciation des stocks de cette dernière société, l'administration a considéré que les dépenses correspondantes, qui n'étaient pas engagées dans son intérêt propre, n'étaient en conséquence pas nécessaires à l'exploitation, au sens des dispositions alors en vigueur de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il résulte toutefois de ce qui précède que la participation de la SAS Vox Diffusion aux provisions pour dépréciation du stock géré par sa société mère constituait une condition déterminante à la conclusion de la convention précitée, signée entre ces deux sociétés le 2 juin 1997, et dont elle tirait profit en termes de compétitivité ; que, dès lors, la TVA déduite par la SAS Vox Distribution, qui devait être regardée comme grevant des prestations reçues par cette société, était légalement déductible ; que, par suite, la SA BIGBEN INTERACTIVE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de décharge des rappels de TVA réclamés à la SAS Vox Diffusion et procédant du rappel de la TVA grevant les factures susdécrites ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SA BIGBEN INTERACTIVE une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SAS Vox Diffusion sont réduites à concurrence des sommes de 1 120 500 francs (170 819 euros), 784 080 francs (119 532 euros) et 1 103 291 francs (168 196 euros) en ce qui concerne, respectivement, les exercices clos en 1998, 1999 et 2000.
Article 2 : La SAS Vox Diffusion est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1998 et 1999 et celles qui résultent de l'application de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La SA BIGBEN INTERACTIVE est déchargée de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2000 et celle qui résulte de l'article 1er du présent arrêt.
Article 4 : Dans la mesure où ils procèdent du rappel de la taxe ayant grevé les factures établies par la SA BIGBEN INTERACTIVE en application de l'article 7 de la convention du 2 juin 1997, la SAS Vox Diffusion est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mars 1997 au 31 mars 2000.
Article 5 : Le jugement nos 0701650-0701651-0701652 du Tribunal administratif de Lille, en date du 16 avril 2009, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : L'Etat versera à la SA BIGBEN INTERACTIVE la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la SA BIGBEN INTERACTIVE est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SA BIGBEN INTERACTIVE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°09DA00986