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17/02/2011 | FRANCE | N°09DA01776

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 17 février 2011, 09DA01776


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 23 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Olivier A, demeurant ..., par la SELARL Clavel-Delacourt ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800074 du 21 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions en date du 23 juillet 2007 par lesquelles le préfet de l'Aisne a accordé des permis de construire aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq en vue d'

édifier un parc éolien sur le territoire des communes de Chouy et de B...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 23 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Olivier A, demeurant ..., par la SELARL Clavel-Delacourt ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800074 du 21 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions en date du 23 juillet 2007 par lesquelles le préfet de l'Aisne a accordé des permis de construire aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq en vue d'édifier un parc éolien sur le territoire des communes de Chouy et de Billy-sur-Ourcq, ensemble la décision en date du 9 novembre 2007 par laquelle le préfet de l'Aisne a rejeté le recours gracieux formé contre ses arrêtés en date du 23 juillet 2007 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

M. et Mme A soutiennent que le tribunal administratif n'a pas statué sur leurs conclusions tendant à obtenir des documents administratifs ; que le rapport d'enquête publique ne reprend pas les observations contraires au projet en contradiction avec les dispositions des articles L. 123-10 et R. 123-22 du code de l'environnement ; que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'étude d'impact avait pris en compte les nuisances sonores du projet, l'insertion des éoliennes dans le paysage et l'impact du projet sur le marché immobilier ; que le commissaire-enquêteur a insuffisamment motivé ses conclusions ; que le dossier de demande de permis de construire était incomplet faute pour le préfet d'avoir exigé une attestation de conformité des éoliennes aux normes européennes ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne reconnaissant pas le risque d'accident causé par la projection de pales sur les habitations environnantes ; que le projet en litige porte atteinte au paysage environnant en méconnaisse des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 6 avril 2010 et régularisé par la production de l'original le 13 avril 2010, présenté pour la société de développement et de production électrique de Chouy et la société de développement et de production électrique de Billy-sur-Ourcq, dont les sièges sont situés 10, boulevard Gambetta à Soissons (02200), représentées par leur gérant, par Me Guiheux, qui concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A une somme de 2 500 euros à verser à chacune des sociétés au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; les sociétés soutiennent que les requérants n'ont pas d'intérêt à agir, résidant à plus de 1 500 mètres du parc éolien ; que le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer, les requérants n'ayant jamais formulé de conclusions tendant à la communication de documents administratifs ; qu'en outre la saisine de la commission d'accès aux documents administratifs est un préalable obligatoire à la saisine du juge de l'excès de pouvoir, dès lors de telles conclusions auraient été irrecevables ; que le projet a été régulièrement soumis à une enquête publique et que le commissaire-enquêteur n'était pas tenu de répondre à chaque observation ; que l'étude d'impact a correctement analysé les nuisances sonores, les effets directs et indirects sur les sites remarquables avoisinants et l'incidence sur le marché immobilier ; que les dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'imposent pas que les pétitionnaires doivent justifier de la conformité de son matériel aux normes européennes, en outre une telle certification figurait dans l'étude d'impact jointe au dossier ; que le risque de projection de pale est limité et que l'habitation la plus proche d'une éolienne se situe à plus d'un kilomètre ; que la nature du paysage ne permet pas d'établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant les décisions en litige ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 août 2010, présenté pour M. et Mme A, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; M. et Mme A soutiennent que l'étude d'impact est également lacunaire sur la perception du parc éolien depuis les sites protégés au titre des monuments historiques ; que les maires des communes de Chouy et de Billy-sur-Ourcq étaient intéressés au projet et ont méconnu le principe d'impartialité en donnant un avis favorable au projet ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 3 septembre 2010 et régularisé par la production de l'original le 9 septembre 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ; la ministre soutient que les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour agir ; que le moyen tiré des difficultés d'accès à des documents administratifs étant inopérant, les premiers juges pouvaient l'écarter par prétérition ; que le moyen tiré des carences de l'étude d'impact n'est assorti d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'exercer son contrôle sur le bien-fondé du jugement ; que l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme énumère de façon limitative les pièces devant être jointes au dossier de demande de permis de construire, la conformité des matériaux aux normes européennes ne faisant pas partie de ces pièces, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen ; que le commissaire-enquêteur n'a pas à répondre à l'ensemble des observations présentées lors de l'enquête publique ; que les habitations les plus proches des éoliennes se trouvent au-delà d'une distance maximale de sécurité de 500 mètres ; que l'environnement immédiat du parc éolien est constitué d'un paysage agricole ouvert susceptible d'accueillir de telles installations et que les éoliennes seront peu visibles des villages avoisinants avec des covisibilités limitées sur les sites protégés ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie le 28 janvier 2011 et régularisé par la production de l'original le 31 janvier 2011, présenté pour la société de développement et de production électrique de Chouy et la société de développement et de production électrique de Billy-sur-Ourcq, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures pour les mêmes motifs ; que les monuments historiques mentionnés par les requérants se situent au-delà de la zone de perception du parc éolien ; que les observations présentées lors de l'enquête publique ont été analysées par le commissaire-enquêteur et que ce dernier a correctement motivé son avis ; que les permis de construire sont délivrés au nom de l'Etat par le préfet et que ce dernier ne peut avoir été influencé de manière déterminante par les avis des maires des communes d'implantation des futures éoliennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 76-269 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, notamment les dispositions relatives aux études d'impact ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Clavel-Delacourt, pour M. et Mme A ;

Considérant que M. et Mme A relèvent appel du jugement en date du 21 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions en date du 23 juillet 2007 par lesquelles le préfet de l'Aisne a accordé des permis de construire aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq en vue d'édifier un parc éolien sur le territoire des communes de Chouy et de Billy-sur-Ourcq ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par les sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq et le ministre de l'écologie :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments de justification produits en première instance par les demandeurs, non sérieusement contestés en défense, que M. et Mme A auront une visibilité sur une partie au moins du projet qui a été accordé sur le territoire de la commune de Billy-sur-Ourcq et qui est situé à environ 1 500 mètres au plus proche du domicile des intéressés, lesquels possèdent une résidence secondaire dans le hameau de Saint-Rémy-Blanzy ; que, par suite, les sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq et le ministre de l'écologie ne sont pas fondés à soutenir que les requérants ne disposent d'aucun intérêt à agir ;

Sur la légalité des permis de construire délivrés le 23 juillet 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur : (...) l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : (...) b) les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie (...). Lorsque la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l'avis du maire (...) compétent ; qu'aux termes de l'article R. 423-73 du même code alors en vigueur : Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration (...) ;

Considérant que le principe d'impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté durant l'intégralité de la procédure d'instruction et de délivrance d'un permis de construire, y compris, dès lors, dans la phase de consultation précédant la prise de décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aisne a consulté par deux fois les maires de Chouy et de Billy-sur-Ourcq sur les permis de construire en litige ; que ceux-ci ont adressé au service instructeur des avis favorables, le 23 avril et 15 septembre 2006 pour le maire de Billy-sur-Ourcq et les 23 mars et 14 septembre 2006 pour le maire de Chouy, qu'ils ont personnellement signés alors même que ces élus avaient la faculté de déléguer leur signature à un adjoint pour rendre ces avis ; qu'il n'est pas contesté que les maires des deux communes sont propriétaires de parcelles sur lesquelles certaines des éoliennes seront implantées et qu'à ce titre ils bénéficieront d'une rétribution pour la mise à disposition de leurs terrains si le projet de création de parc éolien voit le jour ; qu'en outre, le maire de la commune de Chouy est administrateur et membre du comité de direction de la société Innov'Aisne laquelle est à l'origine du projet de création d'un parc éolien sur le territoire de sa commune et dont les sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq, pétitionnaires, sont les filiales ; que, par suite, dans ces circonstances, dès lors que ces avis ont nécessairement influencé la décision du préfet, le défaut d'impartialité des maires de ces deux communes a affecté la régularité des arrêtés attaqués ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. et Mme A sont fondés à l'annulation tant du jugement du 21 octobre 2009 du Tribunal administratif d'Amiens que des permis de construire n° 02.090.06.F0002 ; n° 02.192.06.E0001 et n° 02.192.06.E0002 délivré par le préfet de l'Aisne aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq, ensemble la décision du 9 novembre 2007 du préfet de l'Aisne rejetant leur recours gracieux ;

Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation prononcée par le présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme A, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2009 du Tribunal administratif d'Amiens et les permis de construire n° 02.090.06.F0002 ; n° 02.192.06.E0001 et n° 02.192.06.E0002 délivré par le préfet de l'Aisne aux sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq, ensemble la décision du 9 novembre 2007 du préfet de l'Aisne rejetant le recours gracieux de M. et Mme A, sont annulés.

Article 2 : L'Etat et les sociétés de développement et de production électrique de Chouy et de Billy-sur-Ourcq verseront à M. et Mme A une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Olivier A, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la société de développement et de production électrique de Chouy et à la société de développement et de production électrique de Billy-sur-Ourcq.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

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N°09DA01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01776
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL CLAVEL-DELACOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-02-17;09da01776 ?
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