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30/11/2010 | FRANCE | N°09DA01287

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 30 novembre 2010, 09DA01287


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 août 2009 et régularisée par la production de l'original le 31 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), dont le siège social est situé 36 avenue du Général de Gaulle, Tour Galliéni II à Bagnolet cedex (93175), par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, avocats ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600535 du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal admin

istratif d'Amiens l'a condamné à verser la somme de 46 000 euros aux con...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 août 2009 et régularisée par la production de l'original le 31 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), dont le siège social est situé 36 avenue du Général de Gaulle, Tour Galliéni II à Bagnolet cedex (93175), par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, avocats ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600535 du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser la somme de 46 000 euros aux consorts A, 7 174 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ainsi que les frais d'expertise de 1 600 euros et 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de le mettre hors de cause et de condamner la partie perdante aux dépens ;

L'office soutient que son intervention au titre de la solidarité nationale est définie par les articles L. 1142 -1 II et suivants et L. 1142-22 du code de la santé publique ; que, dans ce cadre, un patient ne peut prétendre à une indemnisation de l'accident médical que s'il a été victime d'un accident médical non fautif, à condition qu'il ait occasionné des séquelles d'une certaine gravité ou des conséquences anormales au regard de l'état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ou d'un accident médical fautif imputable à un tiers responsable non assuré ; que, dans le cas où un patient est victime d'une infection nosocomiale, l'intervention de l'ONIAM suppose également que la victime soit atteinte d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % ou que l'infection ait provoqué le décès du patient ; que, dans leurs demandes dirigées contre le centre hospitalier de Creil, les consorts A invoquaient des fautes commises par les praticiens hospitaliers ; que le décès de M. A est imputable à une négligence du service constituée par un retard de diagnostic et de prise en charge, une mauvaise prise en compte du syndrome hémorragique et une transfusion tardive ; que l'existence de fautes professionnelles est exclusive de toute prise en charge au titre de la solidarité nationale ; que, subsidiairement, l'expertise judiciaire à laquelle l'office n'a pas participé ne lui est pas opposable ; qu'il convient, par suite, d'ordonner le cas échéant une nouvelle expertise à laquelle l'ONIAM sera partie ; qu'enfin le rapport d'expertise s'avère extrêmement lacunaire en ce qui concerne les antécédents de la victime et reste très évasif s'agissant des soins qui lui ont été prodigués lors de la réanimation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 30 octobre 2009 et confirmé par la production de l'original le 2 novembre 2009, présenté pour Mme Guillaine A, demeurant ..., M. Christophe A, demeurant ..., M. Julien A, demeurant ..., Mme Liliane C née A, demeurant ..., M. Jacky A, demeurant ..., M. Guillaume A, demeurant ..., Mme Léone D, demeurant chez M. Jacky A, ..., par Me Guevenoux-Glorian, avocat ; ils concluent à l'annulation du jugement du 30 juin 2009 et à la condamnation du centre hospitalier Laënnec de Creil à leur payer 13 455,11 euros au titre des frais funéraires, 15 000 euros à Mme Guillaine A au titre des troubles dans les conditions d'existence et 15 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que 10 000 euros à chacun de ses enfants Christophe et Julien, 10 000 euros à Mme Léone D, 5 000 euros, chacun, à M. Jacky A, Mme Liliane C et M. Guillaume A, 12 195,92 euros aux ayants droit du défunt au titre de la réparation des souffrances endurées par celui-ci et 2 500 euros à chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent qu'il ressort du rapport d'expertise établi le 1er décembre 2004 que le Dr E et le Dr F ont commis une faute lors de l'intervention chirurgicale pratiquée sur M. A, constituée par la décision tardive de convertir la coelioscopie en laparotomie 2 heures 30 minutes après le début de l'opération et par une absence de vigilance suffisante dans la conduite opératoire ; que les préjudices subis incluent les frais funéraires qui s'élèvent à 13 455,11 euros, des troubles dans les conditions d'existence de son épouse résultant de la perte de revenus qu'apporterait son conjoint et pour lesquelles elle demande une somme de 15 000 euros, des souffrances subies par M. A représentant une somme de 12 195,92 euros compte tenu d'un pretium doloris de 4/7, un préjudice moral représentant une somme de 10 000 euros chacun pour ses fils Christophe et Julien, 15 000 euros pour son épouse, 5 000 euros pour son petit-fils Guillaume, 10 000 euros pour sa mère, Mme Léone D, et 5 000 euros chacun pour son frère Jacky et sa soeur Liliane ; qu'il ressort du rapport d'expertise que le retard considérable mis par les chirurgiens pour mettre en oeuvre un traitement adéquat a contribué au décès de M. A, nonobstant le fait que le retard de conversion n'explique pas à lui seul le décès ; que, subsidiairement, les consorts A demandent l'indemnisation de leur préjudice au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM dans la mesure où le décès de M. A constitue un dommage anormal au regard de l'état de santé qu'il présentait et de son évolution prévisible ; que les conséquences des actes de soins sont sans commune mesure avec l'état de santé et l'évolution prévisible du patient ; que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les conclusions des expertises réalisées les 27 février et 16 avril 2004 peuvent lui être opposées dès lors que l'office a été mis en mesure de les discuter ; qu'à titre infiniment subsidiaire, il est demandé une nouvelle expertise médico-légale destinée à établir si l'opération subie et le suivi postopératoire ont été réalisés avec sérieux au regard des données actuelles de la science ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 décembre 2009 et confirmé par la production de l'original le 10 décembre 2009, présenté pour l'ONIAM, par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, avocats ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 8 novembre 2010 et confirmé par la production de l'original le 10 novembre 2010, présenté pour le centre hospitalier Laënnec de Creil, dont le siège social est situé Boulevard Laennec, BP 72 à Creil cedex (60109), par

Me Le Prado, avocat ; il conclut au rejet de la requête par les motifs que les consorts A, qui sont les bénéficiaires du jugement attaqué, n'apportent en défense aucun élément pour contester les moyens soulevés par l'ONIAM ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les conclusions de l'ONIAM tendant à sa mise hors de cause, à déclarer l'expertise inopposable à son encontre et à dire que les fautes alléguées par l'ONIAM seraient à l'origine du décès de M. A ; que, subsidiairement, seul doit être pris en compte le rapport des experts désignés par le tribunal ; que le rapport du Dr G invoqué par l'ONIAM émane du médecin conseil des consorts A ; que les causes des défaillances dont M. A a été victime restent inexpliquées ; qu'il n'y avait pas de raison de procéder en urgence à une laparotomie ; que l'expertise, non contradictoire à l'égard de l'ONIAM, peut néanmoins être prise en compte dans la mesure où elle contient tous les éléments permettant au juge de se prononcer sur la demande des consorts A ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 novembre 2010 et confirmé par la production de l'original le 17 novembre 2010, présenté pour l'ONIAM, par Me Saumon et par Me Roquelle-Meyer ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et il soutient, en outre, que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel ne serait pas compétente pour infirmer le jugement attaqué, que sa requête contre ledit jugement serait inopérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal le 25 juillet 2005 ;

Vu l'ordonnance, en date du 15 juin 2009, par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires d'expertise à la somme de 1 600 euros ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Chemla, pour l'ONIAM ;

Considérant que, par jugement du 30 juin 2009, le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'ONIAM à payer au titre de la solidarité nationale, une somme de 46 000 euros aux consorts A, de 7 174 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ainsi que les frais d'expertise de 1 600 euros, à la suite du décès de M. Michel A consécutif à une intervention chirurgicale ; que l'ONIAM relève appel principal de ce jugement ainsi que les consorts A en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : I. Hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte du taux d'incapacité permanente ou de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ; que l'article L. 1142-21 du même code prévoit que : Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure ;

Considérant que la demande présentée par les consorts A devant le Tribunal administratif d'Amiens, tendait à la condamnation du centre hospitalier Laënnec de Creil sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique ; que, par le jugement attaqué du 30 juin 2009, le tribunal a considéré que le décès de M. A le 24 janvier 2003 résultait de complications, survenues à la suite de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 13 janvier 2003, qui présentent le caractère d'un aléa thérapeutique relevant du régime de responsabilité résultant des dispositions du II dudit article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'ainsi, après avoir estimé qu'aucune faute médicale ne pouvait être reprochée au centre hospitalier Laënnec, les premiers juges ont fait application des dispositions précitées de l'article L. 1142-21 du même code et ont substitué au centre hospitalier Laënnec de Creil l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), appelé en la cause, qui devenait alors seul susceptible d'être condamné sur le fondement juridique invoqué ;

Considérant que M. Michel A, pour lequel il avait été diagnostiqué une sténose peptique au cours de l'année 2002, a été admis le 12 janvier 2003 au centre hospitalier Laënnec de Creil pour y subir le lendemain, une intervention bénigne destinée à traiter cette sténose par fundo-plicature de type Nyssen ; que l'intervention chirurgicale, commencée par voie coelioscopique, a provoqué des hémorragies résultant de la décapsulation du pôle inférieur de la rate et de la déchirure de vaisseaux courts de la face postérieure de l'estomac ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi le 5 juillet 2004 par le Dr H et par le Pr I, désignés par le président du tribunal administratif, que ce n'est qu'au vu de l'importance des pertes sanguines signalées par l'anesthésiste et en présence d'un patient ayant une tension très basse et des sueurs, qu'après deux heures trente d'efforts infructueux, les chirurgiens ont tardivement converti l'intervention en laparotomie médiane ; que le patient a ensuite été placé en service de réanimation, avec un état hémodynamique fragile, compte tenu de l'importance des pertes de sang estimées à environ 2 litres ; que malgré les soins nombreux et attentifs dont il a fait l'objet, et notamment le 15 janvier sous la forme d'une nouvelle intervention chirurgicale destinée à soigner une pancréatite aigüe, M. A, victime d'infections multiples, est décédé le 24 janvier 2003 d'une défaillance poly viscérale ; que, cependant, les experts, qui avaient d'abord conclu à une faute des chirurgiens du fait du délai excessif mis pour modifier leur technique opératoire compte tenu des difficultés qu'ils rencontraient en utilisant la coelioscopie et face à un patient victime d'hémorragies, ont, dans un nouveau rapport d'expertise en date du 27 juillet 2005, évoqué, en sus des fautes imputables aux chirurgiens, l'incidence de la pancréatite aigüe et de complications en cascade pour expliquer le décès ; que, sur la base de ces nouveaux éléments, pour condamner l'ONIAM, le tribunal administratif a considéré que la pancréatite et la défaillance poly viscérale constituaient des aléas thérapeutiques non imputables au centre hospitalier et, contrairement au rapport des experts, qu'elles étaient seules à l'origine du décès de M. A ; qu'il ressort toutefois de ce qui précède que M. A, qui devait subir une intervention chirurgicale ne présentant pas de difficulté particulière, s'est retrouvé après son opération en service de réanimation dans un état de grande faiblesse, par suite du retard fautif mis par les chirurgiens à abandonner la coelioscopie, mal exécutée et inefficace ; que cette situation l'a exposé à de nombreuses et fatales complications qui ne présentent, dès lors, aucun caractère aléatoire indépendant des fautes commises par les chirurgiens, et dont il n'est ni établi, ni même soutenu, qu'elles seraient en rapport avec un état pathologique préexistant du patient ; que, dès lors, l'ONIAM est fondé à soutenir que le décès de M. A, qui résulte uniquement des conséquences des fautes commises par les chirurgiens, est imputable au centre hospitalier Laënnec de Creil et ne relève pas du régime d'indemnisation par la solidarité nationale ; que, par suite, l'ONIAM est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif d'Amiens qui l'a condamné à indemniser les consorts A au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions des consorts A tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du décès de M. Michel A ;

Considérant que les consorts A sont fondés à soutenir dans leur appel incident, ainsi qu'il a été dit précédemment et qu'ils l'avaient soutenu dans leur demande devant le Tribunal administratif d'Amiens, que le décès de M. Michel A est imputable à une faute de service du centre hospitalier Laënnec de Creil, constituée par le retard mis par les chirurgiens pour adopter une technique opératoire adaptée au patient ; qu'ils sont, par suite, fondés à demander la condamnation dudit centre hospitalier à les indemniser des préjudices résultant du décès de M. A ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 applicable en l'espèce, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel, ou de ses ayants droit, et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale, doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, qui a été régulièrement mise en cause en appel mais n'a pas produit de mémoire, a demandé en première instance le remboursement des frais d'hospitalisation exposés du 14 janvier 2003 au 24 janvier 2003 s'élevant au total à 8 501,12 euros ; que, toutefois, en ne distinguant pas les frais correspondant à l'intervention chirurgicale subie par M. A le 13 janvier 2003 de ceux résultant des fautes commises par les chirurgiens du centre hospitalier Laënnec de Creil, la caisse ne met pas le juge en mesure d'apprécier le montant des débours dont elle est fondée à demander le remboursement auprès du tiers responsable ; que, par suite, ses prétentions doivent être écartées ;

En ce qui concerne les autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que le Tribunal administratif d'Amiens a limité le montant accordé aux ayants droit à ce titre au capital décès versé par la caisse primaire d'assurance maladie ; que, toutefois, les consorts A demandent une indemnité d'un montant de 13 455,11 euros correspondant aux dépenses de sépulture et aux frais d'obsèques ; que, lesdits frais sont justifiés par des factures ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande et de condamner le centre hospitalier Laënnec de Creil à leur payer cette somme ;

En ce qui concerne les souffrances endurées :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. A, que l'expert et le sapiteur ont rattachées aux suites de l'accident médical et ont évaluées à 4 sur une échelle de 7, en fixant à 5 000 euros la somme destinée à en assurer la réparation ; qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier Laënnec de Creil à verser cette indemnité aux ayants droit de M. A ;

En ce qui concerne les préjudices personnels des consorts A :

Considérant que, par une juste appréciation, les premiers juges ont accordé à Mme Guillaine A, une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il résulte cependant de l'instruction, que Mme A a subi, à la suite du décès de son mari, des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, tenant notamment à la nécessité de vendre leur maison commune pour occuper un logement plus modeste ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mme A en mettant à la charge du centre hospitalier Laënnec de Creil une somme de 15 000 euros en réparation des troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence ;

Considérant que les consorts A n'apportent en appel aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé de la juste appréciation effectuée par les premiers juges pour évaluer à 5 000 euros le préjudice moral subi par MM Julien et Christophe A, enfants de M. Michel A, à 3 000 euros le préjudice moral subi par M. Guillaume A, petit fils de M. A, et à 4 000 euros le préjudice moral subi par Mme Liliane C, sa soeur, et par M. Jacky A, son frère ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter à 8 000 euros l'évaluation du préjudice moral subi par Mme Léone D, mère de M. A ;

Sur l'indemnité de gestion :

Considérant qu'aux termes du 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (....) / En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée /(...) ; qu'en vertu des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 1er décembre 2009 susvisé, le montant maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est fixé à 966 euros à compter du 1er janvier 2010 ; qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier Laënnec de Creil à payer une indemnité forfaitaire de gestion de 966 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;

Sur les frais et honoraires d'expertise :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a mis les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros par le président dudit tribunal, à la charge de l'ONIAM ; que, toutefois, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu de faire supporter la charge définitive desdits frais et honoraires par le centre hospitalier Laënnec de Creil ;

Sur le total des indemnités dues par le centre hospitalier Laënnec de Creil :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sommes que le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à payer en conséquence du décès de M. Michel A s'élèvent à 18 455,11 euros au titre du préjudice corporel dû aux ayants droit de M. Michel A, à 30 000 euros à Mme Guillaine A au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, à 8 000 euros à Mme Léone D au titre du préjudice moral, et au même titre, à 5 000 euros, chacun, à MM Julien et Christophe A, à 3 000 euros à M. Guillaume A et à 4 000 euros, chacun, à Mme Liliane C et M. Jacky A ; que la somme que le centre hospitalier Laënnec est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil doit être fixée à 7 185 euros, dont 6 219 euros, représentant le capital décès servi aux ayants droit de M. A par la caisse primaire d'assurance maladie, s'imputent sur la somme de 18 455,11 euros due aux ayants droit de M. Michel A ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier Laënnec de Creil à payer aux consorts A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0600535 du Tribunal administratif d'Amiens du 30 juin 2009 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à la succession de M. Michel A une somme totale de 12 236,11 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à Mme Guillaine A une somme de 30 000 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à Mme Léone D une somme de 8 000 euros.

Article 5 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à M. Julien A et à M. Christophe A une somme de 5 000 euros, chacun.

Article 6 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à M. Guillaume A une somme de 3 000 euros.

Article 7 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à Mme Liliane C et à M. Jacky A une somme de 4 000 euros, chacun.

Article 8 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil une somme de 7 185 euros au titre des débours et de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Article 9 : Les frais et honoraire d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier Laënnec de Creil.

Article 10 : Le centre hospitalier Laënnec de Creil versera, ensemble, à Mme Guillaine A, Mme Léone D, M. Julien A, M. Christophe A, M. Guillaume A, Mme Liliane C et à M. Jacky A une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : Le surplus des conclusions de la demande des consorts A est rejeté.

Article 12 : Le surplus des conclusions de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil est rejeté.

Article 13 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES, à Mme Guillaine A, à Mme Léone D, à M. Julien A, à M. Christophe A, à M. Guillaume A, à Mme Liliane C née A, à M. Jacky A, au centre hospitalier Laënnec de Creil et à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil.

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N°09DA01287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01287
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL GUEVENOUX-GLORIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-11-30;09da01287 ?
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