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01/07/2010 | FRANCE | N°09DA00602

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 01 juillet 2010, 09DA00602


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 10 avril 2009 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 14 avril 2009, présentée pour Mme Dominique A, demeurant ..., par la SCP Savoye et Associés ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607813 du 4 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 du jury de validation des acquis de l'expérience rejetant sa demande de validation en vue de l'obtention du diplôme

d'Etat de médiateur familial ;

2°) de faire droit à sa demande présen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 10 avril 2009 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 14 avril 2009, présentée pour Mme Dominique A, demeurant ..., par la SCP Savoye et Associés ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607813 du 4 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 du jury de validation des acquis de l'expérience rejetant sa demande de validation en vue de l'obtention du diplôme d'Etat de médiateur familial ;

2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement du tribunal administratif est entaché d'irrégularité pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu'il ne vise pas le mémoire en défense produit par la préfecture et son mémoire ampliatif enregistré le 10 janvier 2008 ; que le jury n'a pas respecté les principes de neutralité et d'impartialité dans l'appréciation de ses compétences ; que le jury pour la session de 2006 allait se révéler contraire aux exigences d'équilibre socio professionnel, de neutralité et d'impartialité ; que le jury comprenait deux personnes issues du champ social et notamment M. B, siégeant en qualité de formateur, avec lesquelles elle avait eu à plusieurs reprises des différends sur le plan professionnel au cours des années précédentes et aurait été en concurrence avec eux en cas de validation ; que M. B en plus d'être formateur exerce les fonctions d'assistant social, de thérapeute familial et de médiateur, notamment auprès du Tribunal de grande instance de Lille ; que le jury a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'évaluation de ses compétences professionnelles ;

Vu l'ordonnance, en date du 3 décembre 2009, portant clôture d'instruction au 4 janvier 2010 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2009 par télécopie et confirmé le 11 décembre 2009 par la production de l'original, présenté par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville qui conclut au rejet de la requête de Mme A ; il soutient que le jugement du tribunal administratif n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu'un défaut de visa n'induit pas que le mémoire n'a pas été analysé par les juges ; que le moyen tiré de la composition irrégulière du jury de validation n'est pas fondé ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la délibération attaquée serait intervenue en méconnaissance du principe d'impartialité ; que le seul fait qu'un membre du jury connaisse un ou plusieurs candidats, notamment dans le cadre de relations professionnelles, n'est pas de nature à remettre en cause l'impartialité du jury ; que pour prétendre être victime d'agissement à caractère partial, il faut établir l'exactitude matérielle des faits allégués et démontrer qu'ils traduisent une réelle hostilité de la part du jury à l'encontre du candidat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il ne résulte pas des éléments de l'affaire que le jury ait pris en compte, pour l'examen de la maîtrise des compétences de l'appelante, des critères étrangers à ses mérites ;

Vu les mémoires, enregistrés les 31 décembre 2009 par télécopie, confirmé le 5 janvier 2009 et le 31 décembre 2009, présentés pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2010 portant réouverture d'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 février 2010 par télécopie et confirmée le 1er mars 2010 par la production de l'original, présentée pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et soutient en outre que si M. B a travaillé ces dernières années avec le barreau de Lille, c'est parce qu'il avait été sollicité par le Centre de Formation Professionnelle des Avocats Région Nord Ouest pour participer à une formation médiation familiale ; qu'elle avait décrit, lors de l'entretien, ses actions de formation qui étaient réservées aux seuls avocats et vanté les mérites de la formation belge où elle a entraîné dix personnes ; que la dirigeante de cette formation est une concurrente directe de M. B ; que lors de la session d'examen de 2006, 85 % des avocats qui y postulaient ont été évincés alors que pour les candidats du champ social, le taux d'échec n'était que de 15 % ; qu'aucun membre de Nord Médiation n'a été invité à participer aux épreuves de VAE avant la 3ème année ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 avril 2010, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et soutient en outre que des relations difficiles existaient entre M. B et les avocats de la région investis dans le champ de la médiation et particulièrement au sein de Nord médiation ; que dès lors qu'un candidat est susceptible d'entrer en concurrence avec le jury qui examine son dossier, il y a atteinte au principe d'impartialité ; que le soupçon émis est accrédité par le fait que M. B a créé une nouvelle association en novembre 2006 Beffroi Médiation qui aurait le même objet et le même territoire que Nord Médiation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu l'arrêté du 12 février 2004 relatif au diplôme d'Etat de médiateur familial ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Robillard, pour Mme LOPEZ EYCHENIE ;

Considérant que Mme A, avocate et médiatrice au sein de l'association Nord médiation, a présenté une demande de validation des acquis de l'expérience pour l'obtention du diplôme d'Etat de médiateur familial, prévu aux articles R. 451-66 et suivants du code de l'action sociale et des familles ; que, par une délibération en date du 12 octobre 2006, le jury de validation des acquis de l'expérience pour l'obtention dudit diplôme a validé son unité de compétence communication / formation mais non celle intitulée création et maintien d'un espace tiers de médiation familiale ; que Mme A relève appel du jugement du 4 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 du jury de validation des acquis de l'expérience rejetant sa demande de validation ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête :

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant que la seule circonstance qu'un membre d'un jury de validation des acquis de l'expérience connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux interrogations et délibérations qui concernent ce candidat ; qu'en revanche, le respect du principe d'impartialité exige que s'abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat, un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation ; qu'en outre un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, peut également s'abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat ;

Considérant que Mme A invoque des différends professionnels l'ayant opposée à M. B, président de l'association pour la médiation familiale et membre du jury ; que les faits mentionnés par la requérante révèlent non seulement des difficultés de communication entre l'association Nord médiation et l'association pour la médiation familiale mais également que M. B avait une animosité personnelle à son égard ; qu'en effet, M. B qui exerce les fonctions d'assistant social, de thérapeute familial et de médiateur, notamment auprès du Tribunal de grande instance de Lille et qui est en concurrence directe avec l'association Nord médiation dont la requérante est vice présidente, a vivement critiqué la formation complémentaire suivie par Mme A en Belgique avec une dizaine d'autres avocats ainsi que la profession d'avocat elle-même au cours de l'entretien en vue de la validation sollicitée par l'intéressée ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. B, qui est également formateur, est responsable d'une institution concurrente pour la formation de médiateurs ; qu'au demeurant, les attestations produites au dossier émanant notamment de Mme Lefebvre, trésorière de l'association de la requérante et candidate n'ayant pas obtenu ladite validation et de Mme Van den Steen, formatrice belge, et la circonstance qu'au cours de la session d'examen de 2006 pour l'obtention du diplôme d'Etat de médiateur familial, 85 % des avocats postulants n'ont pas été admis alors que pour les autres candidats le taux d'échec n'a été que de 15 %, tendent à accréditer les allégations de Mme A qui ne sont pas sérieusement contestées par l'administration selon lesquelles M. B serait opposé à ce que des avocats exercent des fonctions de médiation ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, Mme A est fondée à soutenir que le jury a méconnu les principes de neutralité et d'impartialité dans l'appréciation de sa candidature ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros que réclame Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 février 2009 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La décision du 12 octobre 2006 du jury de validation des acquis de l'expérience rejetant la demande de validation de Mme A en vue de l'obtention du diplôme d'Etat de médiateur familial est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Dominique A et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°09DA00602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00602
Date de la décision : 01/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-07-01;09da00602 ?
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