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29/04/2010 | FRANCE | N°09DA01583

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 29 avril 2010, 09DA01583


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 novembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 23 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mohammed A, demeurant ..., par le cabinet d'avocats Lequien, Lachal ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903390 du 29 septembre 2009 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 novembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 23 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mohammed A, demeurant ..., par le cabinet d'avocats Lequien, Lachal ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903390 du 29 septembre 2009 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté du 8 décembre 2008 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre audit préfet, dans les mêmes conditions, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- s'agissant de la décision de refus de séjour, que le préfet du Nord était tenu de saisir la commission du titre de séjour de sa demande et qu'ainsi, la procédure est irrégulière ; que conformément aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Nord, la responsabilité de la transmission du contrat de travail pour visa de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle incombe au préfet ; que le préfet du Nord ne pouvait donc pas rejeter sa demande d'admission au séjour en lui opposant l'absence de visa de la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du contrat de travail ; que si les premiers juges ont estimé qu'il ne présentait pas un véritable contrat de travail mais seulement une promesse d'embauche, un contrat de travail peut toutefois être oral ; que le refus de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est venu en France après un an de mariage ; qu'il y a vécu avec son épouse jusqu'à sa séparation ; qu'il y travaille et a noué des liens affectifs, personnels et familiaux forts depuis quatre ans et demi ; que les premiers juges ne pouvaient apprécier les cinq années passées en France en ne prenant en considération que son échec conjugal et l'existence de membres de sa famille dans son pays d'origine sans tenir compte de ses arguments tirés de sa vie privée ;

- s'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français, que celle-ci est entachée d'illégalité, le refus de séjour étant lui-même illégal ; que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment, le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que ses liens personnels et familiaux en France sont tels que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination, que celle-ci est entachée d'illégalité, la décision d'obligation de quitter le territoire français étant elle-même illégale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2009, présenté par le préfet du Nord ; il conclut au rejet de la requête ; il fait valoir :

- à titre liminaire, que M. A soulève les mêmes moyens d'annulation que ceux développés en première instance ;

- s'agissant de la décision de refus de séjour, que M. A ne démontre pas qu'il remplit les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour au regard des stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, ni des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé, qui est divorcé de son épouse de nationalité française depuis le 13 février 2008, ne remplit plus les conditions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en perdant son droit au séjour, M. A a perdu son droit au travail ; que la circonstance qu'il peut bénéficier d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à justifier son maintien sur le territoire français ; qu'une promesse d'embauche ne saurait s'analyser en un contrat de travail dûment établi ; que M. A ne remplit pas la condition prévue par les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à la production du visa de long séjour ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 qu'il appartient à l'intéressé de présenter un contrat de travail visé par les autorités compétentes ; que le refus de séjour qui a été opposé à M. A ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît ainsi pas les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intéressé est divorcé depuis le 13 février 2008 ; qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'il a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 26 ans et n'est pas isolé dans la mesure où ses parents, ses trois frères et une soeur y vivent ; que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

- s'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français, que celle-ci n'est entachée d'aucune illégalité, le refus de séjour n'étant lui-même entaché d'aucune illégalité ; que M. A ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination, que celle-ci, qui mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est entachée d'aucune illégalité, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français n'étant eux-mêmes entachés d'aucune illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, s'est marié au Maroc avec une ressortissante française, le 13 août 2003, et est entré en France, le 23 juin 2004, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C portant la mention famille de français ; qu'il a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire valable du 3 novembre 2004 au 2 novembre 2005 ; que le préfet du Nord a ensuite délivré à l'intéressé une carte de résident d'une durée de dix ans valable jusqu'au 2 novembre 2015 ; que, par un arrêté du 28 novembre 2006, le préfet du Nord a retiré à M. A ce dernier titre de séjour au motif de la rupture de la communauté de vie avec son épouse ; qu'à la suite de son interpellation, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 10 juillet 2007, qui a été annulé par un jugement du 23 mai 2008 du Tribunal administratif de Lille ; que le préfet du Nord, qui a délivré une autorisation provisoire de séjour à M. A, a procédé à un réexamen de sa situation et a, par un arrêté du 8 décembre 2008, refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une mesure d'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ; que M. A relève appel du jugement du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté du 8 décembre 2008 ;

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a demandé la régularisation de sa situation en se bornant à faire valoir une promesse d'embauche établie le 18 juin 2008 par l'agence Bâtiment et Travaux publics ADECCO pour le compte de l'entreprise Jean Lefebvre ; qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées que lorsque l'administration statue sur une demande de régularisation exceptionnelle en qualité de travailleur salarié, elle soit tenue d'instruire ladite demande selon les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Nord lui a opposé l'absence de visa par la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du contrat de travail visé au 1er de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause une promesse d'embauche à titre temporaire ne constitue pas un véritable contrat de travail ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. A soutient qu'il a vécu en France avec son épouse depuis 2004 jusqu'à leur séparation, qu'il travaille et a noué des liens affectifs, personnels et familiaux forts depuis quatre ans et demi, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré en France qu'à l'âge de 26 ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine ; qu'il est divorcé depuis le 13 février 2008, sans charge de famille, et dispose d'attaches familiales au Maroc où résident ses parents, trois frères et une soeur ; qu'il ne produit aucun élément de nature à justifier la réalité des liens affectifs et personnels forts dont il se prévaut ; que, dès lors, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A, la décision du préfet du Nord en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet du Nord n'était pas tenu, avant de rejeter sa demande, de consulter la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la mesure d'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que, comme cela a été dit précédemment, le refus de séjour opposé à M. A par le préfet du Nord n'est entaché d'aucune illégalité ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la mesure d'obligation de quitter le territoire ;

Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que le refus de séjour assorti d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français opposé à M. A par le préfet du Nord n'est entaché d'aucune illégalité ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 du préfet du Nord ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de M. A à fin d'injonction assorties d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohammed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°09DA01583 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01583
Date de la décision : 29/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-04-29;09da01583 ?
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