Vu, la requête, enregistrée par télécopie le 16 septembre 2008 et régularisée par la production de l'original le 17 septembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE, représentée par son maire en exercice, par Me Hicter ; la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603064 du 4 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement public Charbonnages de France soit condamné à lui verser la somme de 70 millions d'euros en réparation des dommages causés par les ouvrages publics de protection et de détournement de la Lawe ;
2°) de condamner l'Etablissement public Charbonnages de France à lui payer une somme d'un montant de 70 millions d'euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public Charbonnages de France une somme d'un montant de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE fait valoir que dès le début du XXème siècle pour pallier les fréquentes crues de la Lawe aggravées par les effondrements de terrains, les exploitants miniers ont entrepris de modifier et d'endiguer le lit de la rivière Lawe ; qu'avec l'arrêt total de la concession, Charbonnages de France a entrepris des nouveaux travaux de confortation du lit artificiel de la Lawe qui se traduisent par le drainage du pied du talus extérieur à l'amont de la rue Marmottan, le confortement de talus entre la rue Cail et la rue d'Aire et l'endiguement autour du pont de la rue Lamendin ; que ces travaux qui visent à protéger les digues de la rive gauche ont pour effet d'exposer la rive droite à une probabilité accrue d'inondations ; que la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE considère que les aménagements qui ont été ainsi apportés à la Lawe lui causent un préjudice dont elle demande réparation ; qu'elle évalue ce préjudice à 70 millions d'euros ; que les différents ouvrages ainsi réalisés par les exploitants successifs ont le caractère d'ouvrages publics ; que le jugement du tribunal administratif est intervenu sans que la commune ait pu bénéficier d'un procès équitable et du respect du contradictoire dans la mesure où elle n'a pas été informée de la possibilité de demander la communication des conclusions du commissaire du gouvernement et de présenter une note en délibéré ; que le Tribunal qui n'a considéré que les digues n'a pas répondu au moyen qualifiant la Lawe canalisée d'ouvrage public à l'origine d'un dommage permanent de travaux publics ; que l'ouvrage, résultant de l'aménagement du cours d'eau n'était pas réservé au seul exploitant de la mine et constitue un ouvrage public ; que celui-ci comprend à la fois les digues mais également les ouvrages hydrauliques destinés à compenser les perturbations engendrées par le lit artificiel du cours d'eau ; que le lit artificiel est un ouvrage immobilier ayant fait l'objet d'un aménagement dans un but d'intérêt général de lutte contre les inondations ; que du fait de la présence de cet ouvrage, la commune subit un préjudice constitué par l'exposition du centre ville à un risque d'inondation justifiant un plan de prévention des risques naturels qui bloque tout développement immobilier ; que l'ouvrage qui expose la commune à la fois à un risque d'inondation lente en rive droite et soudaine en rive gauche est à l'origine d'un dommage permanent de travaux publics ; que le préjudice qui en résulte présente un caractère anormal et spécial pour la commune à travers les immeubles qu'elle possède dans la zone affectée par l'ouvrage ; que l'ouvrage présente un risque lié à la rupture possible des digues ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure en date du 27 mars 2009, adressée au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 27 avril 2009 et régularisé par la production de l'original le 28 avril 2009, présenté pour Charbonnages de France, établissement public national représenté par son liquidateur, M. A, ..., par la SCP Ancel et Couturier-Heller ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les motifs que le village puis la ville de Bruay a toujours été exposé aux conséquences dommageables de la présence de la Lawe ; que les modifications du cours de cette rivière par les affaissements miniers ont nécessité des travaux de confortation et se sont traduits par la réalisation en 1920 d'un lit unique entre les deux anciennes branches ; que les travaux de sécurisation des digues et l'installation de pompes de relevage réduisent la zone inondable ; que le jugement attaqué qui répond à tous les moyens soulevés a été rendu selon une procédure régulière respectant le contradictoire ; que les ouvrages en cause qui sont édifiés pour protéger les personnes et les biens du risque d'inondation ont le caractère d'ouvrages publics nonobstant le fait qu'ils ont été édifiés par les exploitants miniers ; que les préjudices dont la ville se plaint sont consécutifs aux exigences du plan de prévention des risques naturels et non directement à la présence des ouvrages litigieux ; que le préjudice allégué ne concerne pas seulement les bâtiments municipaux mais l'ensemble de la zone urbanisée d'une superficie de 18 ha ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2009, présenté pour la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; elle soutient que c'est la présence de l'ouvrage et le risque permanent d'inondation qu'il représente qui est à l'origine de l'emploi réduit des terres dont le plan de prévention ne fait que tirer les conséquences juridiques ; que cet emploi limité est également impliqué par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que les conséquences de l'inconstructibilité des terres donnent au préjudice son caractère spécial ;
Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 12 janvier 2010 et régularisée par la production de l'original le 14 janvier 2010, présentée pour la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Deharbe de la SCP Gros, Deharbe et Associés, pour la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire alors applicable ne fait obligation au commissaire du gouvernement de communiquer spontanément aux parties ses conclusions ou le sens de celles-ci ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE ait demandé, avant l'audience du 30 avril 2008, le sens des conclusions du commissaire du gouvernement appelé à se prononcer sur l'affaire ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement a été rendu selon une procédure irrégulière au motif que les conclusions du commissaire du gouvernement n'ont pas été portées à la connaissance de la requérante doit être écarté ;
Considérant, par ailleurs, qu'aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit n'impose au Tribunal d'informer les parties qu'elles peuvent produire une note en délibéré après le prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement ;
Considérant, enfin, que la définition des ouvrages et des installations hydrauliques ainsi que des caractéristiques de la rivière canalisée constitue une question de fond dont l'appréciation est sans incidence sur la régularité du jugement ; que, par suite, la commune requérante ne peut utilement soutenir que le Tribunal aurait omis de statuer sur la branche du moyen tirée du passage du cours d'eau dans la ville pour contester la régularité du jugement attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant que pour demander la condamnation de l'Etablissement public Charbonnages de France à lui payer une somme de 70 millions d'euros, la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE invoque, d'une part, l'existence d'un préjudice anormal et spécial résultant de la traversée du centre ancien de la ville par la rivière Lawe canalisée en raison du tracé imprimé à ce cours d'eau par les exploitants miniers successifs et, d'autre part, l'édiction d'un plan de prévention des risques naturels qui préjudicie aux intérêts de la ville en bloquant tout développement immobilier ;
Considérant, en premier lieu, que l'ensemble formé par les digues et par les ouvrages hydrauliques qui sont destinés à prévenir les risques de crues et d'inondations associés à la traversée de la ville par un cours d'eau canalisé sur un sol fragilisé par l'exploitation minière constitue un ouvrage public ; que la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE invoque l'existence d'un préjudice anormal et spécial résultant de la nécessité dans laquelle elle se trouverait d'avoir à reconstruire plusieurs bâtiments ainsi que l'ensemble des services publics en réseau dans l'hypothèse d'une inondation résultant du débordement des eaux canalisées par l'ouvrage public ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation des risques d'inondation entraînerait nécessairement la reconstruction des bâtiments et services publics en réseau situés dans cette zone ; que, par conséquent, le préjudice allégué présente un caractère purement éventuel ; que, par suite, la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE n'est pas fondée à en demander réparation ;
Considérant, en second lieu, que la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE demande la condamnation de Charbonnages de France à l'indemniser des conséquences financières du classement d'une partie de la ville en zone rouge par le plan de prévention des risques d'inondation mis en application le 4 novembre 2003 par le préfet du Pas-de-Calais en faisant notamment valoir que l'adoption de ce plan limite le développement immobilier du centre ville ; que, toutefois, de telles conclusions sont mal dirigées en tant qu'elles visent l'Etablissement public Charbonnages de France à l'indemniser des conséquences du classement d'une partie de la ville en zone inondable dans le cadre d'un plan de prévention des risques professionnels établi par l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ; qu'en vertu des dispositions de ce même article L. 761-1, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE doivent dès lors être rejetées ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Etablissement public Charbonnages de France et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE versera à Charbonnages de France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BRUAY LA BUISSIERE, à Charbonnages de France et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
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N°08DA01589