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17/12/2009 | FRANCE | N°09DA00241

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5 (ter), 17 décembre 2009, 09DA00241


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES, dont le siège est Parc Hauts Champs à Isneauville (76230), par Me Farcy, avocat ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601366 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004 ainsi que des pénalités y

afférentes, à concurrence de la somme en droits et pénalités de 25 940 euros...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES, dont le siège est Parc Hauts Champs à Isneauville (76230), par Me Farcy, avocat ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601366 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004 ainsi que des pénalités y afférentes, à concurrence de la somme en droits et pénalités de 25 940 euros ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les intérêts de retard ne doivent être calculés que sur la période de décalage, soit un maximum de trois mois ; qu'en tout état de cause, seul l'article 1727 du code général des impôts était applicable dès lors que les régularisations opérées n'ont donné lieu à aucun supplément d'imposition ;

- qu'eu égard à son montant, l'intérêt de retard revêt la forme d'une sanction et devait être motivé ;

- que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées à tort ; qu'en particulier, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite, la société n'avait jamais eu l'intention délibérée de commettre une infraction répréhensible ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2009 présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir :

- qu'il abandonne la majoration de 40 % appliquée au rappel portant sur un crédit de taxe sur la valeur ajoutée reporté par deux fois sur les déclarations de chiffre d'affaires et les sanctions appliquées au rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à une facture de 140,24 euros, le principe même du rappel étant abandonné ;

- que la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation constitue une insuffisance de déclaration qu'il convenait de régulariser ; qu'il n'y a pas lieu de modifier le calcul de l'intérêt de retard arrêté au 31 mai 2005 ;

- que l'intérêt de retard ne présente pas le caractère d'une sanction ;

- que contrairement à ce que prétend la requérante, il n'est pas avéré que la période de décalage des déductions anticipées serait au maximum de trois mois, dès lors que certaines factures ont été réglées dans un délai de plus d'un an ;

- que l'infraction systématique à un principe simple des règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, justifie la majoration de mauvaise foi au taux de 40 % ;

Vu la décision du 17 avril 2009 et enregistrée le 20 avril 2009, par laquelle le directeur des services fiscaux de la direction de contrôle fiscal Nord a accordé à la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES le dégrèvement d'un montant de 2 013 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2009, présenté pour la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il fait valoir que le moyen tiré de ce que la requérante aurait commis une erreur d'interprétation est inopérant au regard de la majoration de 40 % ; que la requérante ne pouvait ignorer les principes de base relatifs à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 novembre 2009 et confirmé par la production de l'original le 30 novembre 2009, présenté pour la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi de finances n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes Honoré, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Maître Farcy, pour la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES ;

Considérant que la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES exerce une activité de construction de maisons individuelles ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004, des impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée par notification de redressement du 9 mai 2005 ; que la contestation de la requérante porte, devant la Cour, uniquement sur les intérêts de retard ainsi que sur les pénalités de mauvaise foi auxquelles elle a été assujettie ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par une décision du 17 avril 2009, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord a accordé à la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES un dégrèvement de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la somme de 2 011 euros au titre des majorations et 2 euros au titre des intérêts de retard ; que les conclusions de la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES relatives à ces majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur les intérêts de retard :

S'agissant de l'application de la loi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. ... Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ; qu'aux termes de l'article 1729 : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. ... 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressement ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, au dernier jour du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement .... ;

Considérant, en premier lieu, que sur chacun des exercices vérifiés, la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES a déduit la taxe sur la valeur ajoutée facturée par ses fournisseurs au moment de la facturation, soit avant la naissance de son droit à déduction ; que la requérante soutient que les factures en cause ont été réglées dans les trois mois suivant leur réception et que par suite, la période à prendre en compte pour le calcul de l'intérêt de retard devait être limitée à trois mois ; que toutefois, contrairement à ce qu'elle prétend, l'exercice anticipé du droit à déduction a eu pour conséquence une modification de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, et alors même que les rappels de taxe sur la valeur ajouté auraient été régularisés au dernier jour de la période soumise à vérification, c'est à bon droit que l'administration a, en application du 2 de l'article 1729 du code précité, arrêté de décompter les intérêts de retard au dernier jour du mois de la notification de redressement, soit le 31 mai 2005 ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'à cet égard, est sans incidence la circonstance selon laquelle la déductibilité du taux de rémunération des avances de trésorerie serait limité pour une entreprise ; qu'enfin, si l'article 1727 était alors répertorié dans la rubrique sanction fiscale du code général des impôts, ce classement n'était pas de nature à conférer aux intérêts de retard le caractère de sanction ; qu'il s'ensuit que la décision mettant à la charge du contribuable cet intérêt de retard, ne constituant pas une sanction au sens de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées ;

Considérant, en troisième lieu, que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, n'est pas applicable aux intérêts de retard dès lors que ceux-ci ne présentent pas le caractère de sanction ; que la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES n'est, par suite, pas fondée à demander, pour ce motif, l'application rétroactive des dispositions du I de l'article 29 de la loi de finances pour 2006 n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;

S'agissant de l'application de la doctrine :

Considérant que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales n'ont pour objet que de limiter les droits de l'administration de procéder à un rehaussement des bases d'impositions et, dès lors, ne concernent pas les intérêts de retard ; que par suite, la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES ne peut utilement invoquer, pour demander la décharge des intérêts de retard, les dispositions de la doctrine administrative 13 N 1221 du 14 juin 1996 relatives à l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant que pour justifier l'application des pénalités de mauvaise foi encore en litige, le ministre fait valoir que la requérante a, dés la facturation et de façon systématique, procédé à la déduction de la taxe facturée par ses prestataires de service, sans tenir compte des paiements effectués, qui, en matière de prestations de services, ouvrent le droit à déduction ; que la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES prétend que les factures en cause concernaient la fourniture et la pose de matériel et qu'elle a ainsi appliqué la règle selon laquelle le droit à récupération prend naissance au moment de la facturation ; que toutefois, et alors même qu'elle n'aurait pas confié l'établissement des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée à un expert comptable, la requérante ne pouvait ignorer les règles de déduction en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à cet égard, est sans incidence la circonstance que l'anticipation du droit à déduction n'aurait été que de trois mois ; que par suite, la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES n'est pas fondée à contester l'application des pénalités exclusives de bonne foi qui lui ont été appliquées conformément aux dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES à concurrence des dégrèvements susmentionnés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LES DEMEURES ROUENNAISES et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°09DA00241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5 (ter)
Numéro d'arrêt : 09DA00241
Date de la décision : 17/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : FARCY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-12-17;09da00241 ?
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