Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Michel A, demeurant ..., par Me Lepoutre ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704586 du 4 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 2007 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a, d'une part, déclaré d'utilité publique le projet de réalisation par la commune de Pernes-en-Artois d'une réserve foncière d'une superficie de 3 hectares 32 ares 48 centiares destinée à l'habitat et, d'autre part, déclaré cessibles à cet effet les parcelles situées au lieudit les Fiefs , cadastrées section B nos 164, 166 et 168 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que la commune de Pernes-en-Artois était incompétente pour demander l'expropriation de leurs parcelles, la compétence des opérations programmées d'amélioration de l'habitat ayant été transférée à la communauté de communes du pernois ; que le projet de la commune ne revêt un intérêt général justifiant la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation à raison d'un manque de justification des projections indiquant la nécessité de prévoir des logements nouveaux, de l'absence de carence de l'initiative privée dans l'offre de logement ; que la déclaration d'utilité publique est incompatible avec les dispositions du document d'urbanisme, les terrains devant être expropriés étant classés dans une zone inconstructible ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2008, présenté par la commune de Pernes-en-Artois, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête ; la commune déclare s'en rapporter à ses écritures devant les premiers juges ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le projet de construction de logements neufs développé par la commune de Pernes-en-Artois ne peut être confondu avec la compétence en matière d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat transférée à la communauté de commune du pernois ; que la construction de logements présente traditionnellement un intérêt général ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions du document d'urbanisme applicable classent les parcelles concernées dans une zone constructible ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 25 juin 2009 et régularisé par la production de l'original le 29 juin 2009, présenté pour M. et Mme A, par le Cabinet Coudray, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et demandent que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. et Mme A soutiennent que la composition du dossier d'enquête préalable d'utilité publique est irrégulière, le préfet ne pouvant avoir recours au dossier simplifié prévu au II de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation ; que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 11-1 1° du code de l'expropriation en ne soumettant pas le dossier d'expropriation à la consultation prévue en cas d'une atteinte particulière à l'environnement ; que l'utilité publique du projet n'est pas démontrée, la population communale étant identique en 2008 et en 1968 ; que la superficie expropriée est disproportionnée au regard de la démographie communale ;
Vu l'ordonnance du 30 juin 2009 portant clôture de l'instruction au 30 juillet 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; le ministre soutient qu'il est possible d'avoir recours au dossier simplifié en cas de réalisation d'une réserve foncière en vue de réalisation d'une opération d'aménagement lorsque le projet n'a pu être établi avant l'acquisition urgente des terrains ; que le document prévu par les dispositions de l'article L. 11-1 1° du code de l'expropriation ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un acte déclarant d'utilité publique une opération ; que le dossier d'enquête montre bien que la commune connaît une augmentation de sa population ; qu'il n'est pas démontré que la commune possédait des terrains disponibles et possédant les mêmes caractéristiques ;
Vu l'ordonnance du 10 août 2009 prononçant la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Chatel, pour M. et Mme A ;
Considérant que, par un arrêté en date du 16 mars 2007, le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Pernes-en-Artois de terrains nécessaires à la constitution d'une réserve foncière destinée à l'habitat et a déclaré cessibles les parcelles concernées ; que M. et Mme A interjettent appel du jugement du 4 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande en annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision du 16 mars 2007 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code (...) II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser (...) ;
Considérant qu'il ressort de la notice explicative jointe au dossier d'enquête que l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté préfectoral du 16 mars 2007 avait pour objet la constitution d'une réserve foncière destinée à permettre l'aménagement d'un lotissement et d'un béguinage sur le territoire de la commune de Pernes-en-Artois ; qu'il est constant que le dossier soumis à enquête ne comportait ni le plan général des travaux, ni les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, ni une appréciation sommaire des dépenses incluant le coût de ces travaux ; que la réalisation de l'opération projetée n'étant pas envisagée avant 2011 et en l'absence de tout autre élément, ni l'urgence de l'acquisition des immeubles, ni la nécessité de les acquérir avant que le projet ne soit établi ne sont démontrées ; que, par suite, la commune de Pernes-en-Artois ne pouvait légalement soumettre à l'enquête publique un dossier composé selon les prescriptions précitées du paragraphe II de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et les requérants sont fondés à soutenir que la procédure d'enquête publique était irrégulière ;
Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1° du code de l'urbanisme, qu'en l'état de l'instruction, aucun des autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée n'est susceptible d'en fonder l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2007 du préfet du Pas-de-Calais ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 4 juillet 2008 et l'arrêté du 16 mars 2007 du préfet du Pas-de-Calais sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Michel A, à la commune de Pernes-en-Artois et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°08DA01543 2