Vu le recours, enregistré le 18 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; il demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0603861 du 13 septembre 2007 du Tribunal administratif de Lille qui a accordé à M. Alain A la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 et condamné l'Etat à verser à ce dernier 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rétablir M. Alain A au rôle de l'impôt sur le revenu 1999 à hauteur des droits et intérêts de retard correspondant à un bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices agricoles s'élevant à 19 661 euros, et à concurrence des sommes dont la décharge a été prononcée par les premiers juges ;
Il soutient, par voie de substitution de base légale, que nonobstant la circonstance qu'aucune plus-value de cession ne pouvait être taxée entre les mains de M. A au titre des apports effectués au GAEC A à la date du 31 décembre 1999, une somme équivalente doit être taxée entre ses mains en application des articles 72 et 38-2 du code général des impôts, au titre d'une réévaluation de l'actif ; que compte tenu de la réintégration dans le bénéfice imposable des moins-values et plus-values déduites à tort, il y a lieu de fixer à une somme de 19 661 euros le bénéfice imposable au titre de l'année 1999 dans la catégorie des bénéfices agricoles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 28 mars 2008 et régularisé par la production de l'original le 31 mars 2008, présenté pour M. Alain A, demeurant ..., par Me Feys ; il conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déchargé de l'impôt afférent à une plus-value qui ne pouvait être constatée dès lors que l'apport des immobilisations en litige au GAEC ne pouvait être qualifié de cession ou être réputé avoir eu lieu lors de la cessation de l'activité de l'apporteur ; que la substitution de base légale ne peut qu'être rejetée dès lors que la valorisation dont fait état l'administration au titre du fonds cultural n'a eu lieu qu'à l'occasion de l'apport et ne saurait être assimilée à une réévaluation libre de l'actif, opposable au contribuable ; qu'une telle réévaluation est prohibée par l'article L. 123-18 du code du commerce ; que le service ne peut davantage taxer à ce titre la réintégration d'une moins-value d'apport ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut aux mêmes fins que le recours par les mêmes moyens et demande au surplus le rejet de la demande de M. A fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient au surplus que la décision de réévaluer des éléments incorporels du fonds de commerce constitue une décision de gestion opposable au contribuable malgré son caractère prohibé ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 juin 2008 et régularisé par la production de l'original le 16 juin 2008, présenté pour M. Alain A ; il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 juillet 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Sur les conclusions tendant au rétablissement des impositions :
Considérant que M. Alain A, agriculteur, a apporté au GAEC A, le 31 décembre 1999, son fonds cultural ainsi qu'un ensemble d'outillage et de matériel ; qu'à cette occasion, il a déclaré l'existence d'une plus-value globale de 130 955 francs (19 963,96 euros) et a entendu se placer sous le régime de l'exonération de taxation de cette plus-value prévu par l'article 151 septies du code général des impôts ; que l'administration fiscale ayant estimé que M. A ne répondait pas aux conditions de cette disposition du code général des impôts, a, à l'occasion d'un contrôle sur pièces, rappelé, d'une part, le montant de l'impôt dû sur la plus-value à long terme dégagée par l'apport du fonds cultural à hauteur de 206 500 francs (31 480,72 euros) et déduit, d'autre part, du bénéfice imposable le montant de la moins-value à court terme constatée sur l'apport d'outillage et matériel à hauteur de 75 544 francs (11 516,61 euros) ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation, M. A a saisi de ce litige le Tribunal administratif de Lille qui, par jugement du 13 septembre 2007, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il avait été assujetti au titre de l'année 1999 en considérant que l'opération d'apport au GAEC A ne pouvait avoir été constitutive ni d'une cession, ni d'une cessation d'activité, entraînant de ce fait l'absence de tout fait générateur d'une plus-value imposable ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève appel de ce jugement et demande à la Cour le rétablissement de M. A au rôle de l'impôt sur le revenu 1999 à hauteur des droits et intérêts de retard correspondant à un bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices agricoles s'élevant à 19 661 euros, et à concurrence des sommes dont la décharge a été prononcée par les premiers juges ;
Considérant qu'aux termes de l'article 72 du code général des impôts : I. Sous réserve de l'application des articles 71 et 72A à 73D, le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application, sans restriction ni réserve notamment de vocabulaire, applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et leur incidence sur la gestion (...) ; qu'aux termes de l'article 38 du même code, applicable pour la détermination du bénéfice agricole : (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ;
Considérant que le ministre demande, par voie de substitution de base légale, ce qu'il est en droit de faire à tout moment de la procédure contentieuse à la condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties de la procédure d'imposition, que M. A soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu 1999 à hauteur des droits et intérêts de retard correspondant à un bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices agricoles s'élevant à 19 661 euros, en faisant valoir que nonobstant l'absence de plus-value taxable, il y a lieu, d'une part, de constater que le bilan de clôture de l'année 1999 a fait apparaître une augmentation de l'actif net de 206 500 francs (31 480,72 euros) au titre des immobilisations incorporelles par rapport au même poste du bilan d'ouverture, et d'autre part, de réintégrer dans le bénéfice imposable de l'année 1999 le montant de la moins-value à court terme constatée sur l'apport de l'outillage et du mobilier au GAEC A, dès lors qu'il est jugé qu'aucune plus-value ou moins-value ne pouvait être constatée à l'occasion de cet apport ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du bilan d'ouverture de l'exercice clos au 31 décembre 1999, que le contribuable a comptabilisé une somme de 206 500 francs (31 480,72 euros) au titre des améliorations du fond ; que ce poste fait apparaître, au bilan de clôture du même exercice, une somme de 413 000 francs (62 961,44 euros) ; que l'enregistrement dans les écritures comptables d'une plus-value sur éléments d'actif qui n'existe pas, s'analyse comme une réévaluation libre de ces éléments d'actif, qui constitue une décision de gestion opposable au contribuable, sauf pour ce dernier à établir que ladite écriture constitue une erreur comptable involontaire qui doit être rectifiée ; que toutefois, en l'espèce, M. A, qui se borne à faire valoir que les réévaluations d'actifs incorporels sont prohibées par les dispositions de l'article L. 123-18 du code de commerce, ne soutient ni même n'allègue que l'augmentation du poste amélioration du fonds à hauteur de 206 500 francs (31 480,72 euros) résultait d'une telle erreur ; qu'au contraire, il fait valoir que c'est en vue de constituer l'apport de ce fonds au GAEC qu'il a procédé délibérément à cette réévaluation ; que par suite, le ministre est fondé à soutenir qu'en application de l'article 38-2 du code général des impôts, cette écriture est constitutive d'une réévaluation de l'actif qui a entraîné une variation positive de l'actif net devant être imposée dans la catégorie des bénéfices agricoles ;
Considérant que dès lors qu'il ne peut être constaté de cession d'actif ou de cessation d'activité à l'occasion de l'opération d'apport au GAEC A, la moins-value constatée sur l'apport de l'outillage et du matériel à hauteur de 75 544 francs (11 516,61 euros) et déduite dans un premier temps du bénéfice agricole imposable de l'année 1999, doit être réintégrée dans celui-ci, ainsi que l'indique le ministre dans le tableau présenté dans son mémoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que M. A doit être rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu 1999 à hauteur des droits et intérêts de retard correspondant à un bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices agricoles s'élevant à 19 661 euros, et dans la limite du quantum de la demande présentée dans sa réclamation préalable ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant, d'une part, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à ce que M. A soit condamné à lui rembourser la somme de 1 000 euros que l'Etat lui a versée au titre des frais irrépétibles en exécution du jugement susmentionné dont le ministre relève appel ; que toutefois, dès lors que la réformation du jugement du tribunal administratif est fondée sur la substitution de base légale demandée pour la première fois en appel par le ministre et à laquelle il est fait droit, il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser ces frais à la charge de l'Etat ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander le remboursement desdits frais ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu 1999 à hauteur des droits et intérêts de retard correspondant à un bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices agricoles s'élevant à 19 661 euros, et dans la limite du quantum de la demande qu'il a présentée dans sa réclamation.
Article 2 : La demande de M. A fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : La demande du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 4 : Le jugement n° 0603861 du Tribunal administratif de Lille en date du 13 septembre 2007 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Alain A.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°08DA00101