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02/07/2009 | FRANCE | N°08DA01216

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02 juillet 2009, 08DA01216


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704493 du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lad

ite décision ;

Il soutient que son déféré devant le tribunal administratif...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704493 du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

Il soutient que son déféré devant le tribunal administratif n'était pas tardif dès lors qu'il est assimilé au recours pour excès de pouvoir et que les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 selon lesquelles une décision explicite de rejet intervenant dans le délai de recours contentieux contre une décision implicite de rejet fait courir un nouveau délai ; que, de même, que les dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative faisaient obstacle au déclenchement du délai de recours dans la mesure où seule l'assemblée délibérante pouvait se prononcer sur sa demande de retrait ; que la délibération du 29 novembre 2006 attaquée est entachée de détournement de pouvoir ; qu'en effet, la modification en cause, qui devait se faire dans les limites de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, était motivée selon le dossier soumis à enquête publique par la volonté de permettre à la municipalité de permettre l'extension des activités commerciales existantes dans la zone UCa en augmentant le coefficient d'occupation des sols en le portant de 0,6 à 1,2 pour les activités commerciales existantes ou ayant existé à la date d'approbation de la modification du plan ; que pourtant la zone UC a vocation de type centre bourg et au sein de la zone UCa qui correspond au village de pêcheurs il est prévu que toute construction doit être réalisée en harmonie avec les constructions voisines par ses volumes, ses matériaux et ses couleurs ce qui fait que la modification peut légitimement susciter l'interrogation sur la pertinence d'un doublement du COS dans un secteur à l'architecture traditionnelle que les dispositions du règlement initial du POS visent précisément à protéger ; qu'il est troublant que cette augmentation ne concerne que les activités commerciales préexistantes en excluant les activités futures ; que cette modification intervient alors qu'un administré, M. A, propriétaire d'un commerce de type hôtel restaurant situé dans la zone UCa, est en infraction avec le règlement du plan local d'urbanisme depuis une extension illégale du bâtiment qui avait fait l'objet d'un permis de construire de régularisation le 12 février 2002 qui s'est avéré insuffisant ce qui a conduit l'intéressé à solliciter un permis modificatif qui lui a été refusé au motif notamment que la construction ne respectait par le coefficient d'occupation des sols à la suite de quoi le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer l'a condamné de ce fait par un jugement du 21 février 2006 confirmé par la Cour d'appel de Douai le 5 février 2007 ; que dès l'approbation de la modification, M. A a sollicité la délivrance d'un permis de construire de régularisation qui lui a été refusé le 5 avril 2007 ; que si une nouvelle demande de régularisation a été déposée le 25 juin 2007, celle-ci a de nouveau été refusée pour dépassement du coefficient d'occupation des sols compte tenu de la suspension de la délibération portant modification par une ordonnance en référé du Tribunal administratif de Lille en date du 23 juillet 2007 ce qui montre que l'objet de celle-ci était de donner satisfaction à un intérêt particulier ; que la modification attaquée est donc bien entachée de détournement de pouvoir puisque la procédure a été entamée alors que des actions étaient engagées contre M. A, que la modification ne vise que les activités commerciales existantes sans que cette restriction ne soit justifiée alors qu'elle a pour effet de régulariser les extensions construites par l'intéressé qui avait déjà bénéficié d'un permis de régularisation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2009 et régularisé le 29 janvier 2009, présenté pour la communauté de communes de la Terre des 2 caps, dont le siège est avenue de Beaupré à Marquise (62250), par la société d'avocats Audemar, Rembotte, Pérard, qui conclut au rejet de la requête ; elle fait valoir que c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté le déféré comme tardif car le nouveau délai de recours visé à l'article R. 421-3 dont se prévaut le préfet ne court que si la décision explicite intervient dans le premier délai de deux mois à compter de la décision dont le retrait est demandé ; qu'en l'espèce, ce délai courait à compter du 28 février 2007 et expirait le 28 avril suivant ce qui fait que la notification d'une décision explicite le 11 mai était sans incidence ; que le déféré n'est pas recevable faute que le préfet n'établisse que la délibération litigieuse fasse grief aux administrés ; que lors d'une première tentative de modification du plan d'occupation des sols, le préfet a reconnu que le changement de coefficient d'occupation des sols entrait dans le champ de la procédure de modification allégée et n'a émis de critique que relativement à la délimitation du plan de zonage ce qui a conduit le conseil communautaire à abandonner le projet de modification et à adopter celui en litige ; que tout au long de la procédure le préfet n'a émis aucune réserve ; que la commission d'urbanisme comme le commissaire enquêteur, après enquête publique, ont donné un avis favorable au projet ; que comme cela résulte de l'avis de ce dernier, la limitation de la modification aux seules activités commerciales existantes est motivée par la nécessité de préserver l'harmonie du lieu ; que le plan local d'urbanisme répond donc à la satisfaction des intérêts de la collectivité ; qu'il n'a pas pour unique objet de satisfaire les intérêts particuliers de M. A comme cela est attesté par les refus de permis de construire qui lui ont été opposés le 5 avril 2007 et le 14 décembre 2005 et les réserves émises par le maire dans son courrier du même jour ; que la nouvelle demande d'autorisation de construire déposée le 25 juin n'a pas encore reçu de réponse et le préfet ne peut en déduire l'illégalité de la délibération attaquée ; que la démarche du préfet n'est pas étrangère à M. B, partie civile dans l'instance concernant M. A devant le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer et auteur de courriers adressés à la communauté de communes au sujet de la modification du plan local d'urbanisme en cause ; qu'une suspicion de détournement de pouvoir ne suffit pas car ce dernier doit être établi, ce à quoi ne suffit pas, en particulier, l'ordonnance du juge des référés ayant suspendu la délibération litigieuse car cette mesure n'est que provisoire et ne traduit que l'existence d'un doute sérieux ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2009, présenté par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative in fine court à compter de réception de la décision explicite ; que la délibération fait grief dès lors qu'un plan local d'urbanisme et ses modifications éventuelles emporte des droits et obligations pour les administrés ;

Vu la mise en demeure adressée le 10 avril 2009 à la commune d'Audresselles, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS relève appel du jugement en date du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité, dans les deux mois suivant leur transmission. ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. (...) ;

Considérant que le déféré du représentant de l'Etat tendant à l'annulation des décisions des autorités communales, prévu par l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales et applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 du même code, est soumis, lorsque la loi n'en dispose pas autrement, aux règles de droit commun de la procédure devant les tribunaux administratifs ; qu'il en est ainsi, notamment, des règles prévues par les dispositions précitées de l'article R. 421-2 du code de justice administrative en vertu desquelles en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une réclamation, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance et que ce n'est qu'au cas où dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la réclamation reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de ladite notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 27 février 2007, reçue le 28 février 2007, le sous-préfet de Boulogne-sur-Mer a demandé au président de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps d'inviter le conseil communautaire à retirer la délibération litigieuse du 29 novembre 2006, qui lui avait été transmise le 28 décembre 2006, en tant qu'elle approuvait la modification du plan local d'urbanisme d'Audresselles ; que si le silence gardé pendant plus de deux mois par le président de la communauté de communes sur ce recours gracieux a fait naître, le 28 avril 2007, une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet du recours gracieux, prise le 3 mai 2007, a été notifiée au préfet le 11 mai 2007 ; que cette décision, intervenue dans le délai de recours contentieux de deux mois, a fait courir à nouveau le délai du pourvoi ; que par suite, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté comme tardif son déféré enregistré au greffe du Tribunal le 11 juillet 2007 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement susvisé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS devant le Tribunal administratif de Lille ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales : Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal ; qu'il résulte de ces dispositions combinées avec celles précitées de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, applicables aux établissements publics de coopération intercommunale comme il a déjà été indiqué, que le préfet peut déférer au tribunal administratif toutes les délibérations du conseil communautaire d'une communauté de communes qu'il estime contraires à la légalité ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'était pas recevable à déférer la délibération litigieuse faute de justifier que celle-ci fasse grief aux administrés ne peut, en toute hypothèse, qu'être écartée ;

Considérant, d'autre part, que la Sarl Etoile des caps, gérée par M. A, a entrepris sans autorisation la rénovation et l'extension de locaux à usage de café, d'hôtel et de restaurant situés dans la zone UCa du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles, qui correspond au village de pêcheurs ; que le permis destiné à régulariser ces travaux délivré le 12 février 2002 s'étant révélé insuffisant, la société a sollicité un permis de construire modificatif qui lui a été refusé le 9 mars 2004 puis le 14 décembre 2005, en raison notamment, puis exclusivement, du dépassement du coefficient d'occupation des sols ; que M. A a ainsi été condamné en raison de l'illégalité de cette construction par un jugement du Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer statuant en matière correctionnelle en date du 21 février 2006, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 5 février 2007 en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de l'intéressé ;

Considérant que par la délibération attaquée du 29 novembre 2006, le conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps a approuvé la modification du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles portant, à l'article UC 14, de 0,6 à 1,2 le coefficient d'occupation des sols pour les activités commerciales existantes ou ayant existé avant la date d'approbation de la modification du plan de la zone Uca ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette modification, faite à la suite d'une demande de la commune formulée au plus tard dans l'année 2004 et qui exclut les activités nouvelles sans justification particulière, ne répond à aucun motif d'urbanisme ; que la communauté de communes de la Terre des 2 Caps n'établit pas qu'elle serait nécessaire pour développer l'activité touristique dans les limites de l'existant, ainsi qu'elle le soutient ; qu'ainsi, dans les circonstances rappelées ci-dessus, cette délibération n'a eu d'autre objet que de permettre la régularisation des travaux entrepris par la Sarl Etoile des caps ; que, par suite, et nonobstant les avis favorables émis par la commission de l'urbanisme et par le commissaire-enquêteur et bien que cette modification ne suffise pas à assurer la régularisation de la construction compte tenu de la méconnaissance des distances minimales avec les limites séparatives, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à demander l'annulation pour détournement de pouvoir de la délibération du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande du PREFET DU PAS-DE-CALAIS tendant à l'annulation de la délibération du conseil de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 29 mai 2008 et la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps du 29 novembre 2006 en tant qu'elle a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Audresselles sont annulés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU PAS-DE-CALAIS, à la communauté de communes de la Terre des 2 Caps et à la commune d'Audresselles.

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N°08DA01216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01216
Date de la décision : 02/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS AUDEMAR-REMBOTTE-PERARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-07-02;08da01216 ?
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