Vu le recours, enregistré le 2 juillet 2007 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 3 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, par Me Pichon, avocat ; il demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 0602288 du 3 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 5 juillet 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer prononçant la révocation de M. Y, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé, a renvoyé l'intéressé devant lui pour le calcul et la liquidation de l'indemnité correspondant à son traitement depuis le 5 juillet 2006, déduction faite des revenus éventuellement perçus par l'intéressé durant cette même période, et l'a condamné à verser une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que le Tribunal ne pouvait nier l'existence d'une agression physique ; qu'il ne pouvait se fonder sur l'absence d'effets négatifs sur le service, le comportement étant fautif indépendamment de telles conséquences ; que ces dernières sont, en outre établies, et que l'agression a porté atteinte à la continuité du contrôle des avions ; que les premiers juges ne pouvaient pas plus minimiser le refus d'obéissance de rester à son poste pour assurer une évacuation sanitaire en se bornant à relever qu'il s'était assuré que l'avion décollerait ; que la faute commise à l'occasion de l'autorisation d'atterrissage d'un appareil sur une piste qui était en cours de dégagement est également établie ; que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, chacune des fautes reprochées pouvait justifier la révocation de M. Y ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la mise en demeure adressée le 24 juillet 2007 au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 21 août 2007, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et, en outre, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. Y au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES soutient :
- que tous les motifs fondant la sanction sont constitutifs d'une faute disciplinaire et qu'ils pouvaient, chacun, justifier à eux-seuls la sanction prononcée ; que le Tribunal ne pouvait retenir deux faits fautifs, sans en déduire qu'ils pouvaient, à eux seuls, fonder la décision de révocation en litige ;
- que le comportement agressif de M. Y s'est traduit, à l'occasion de l'exercice des missions de contrôle aérien en tour de contrôle de l'aéroport, par les agressions, physique, le 29 juillet 2005, puis verbale, le 20 février 2006, dont une collègue, Mme Z a été victime ; que la contusion de l'avant-bras a entraîné une ITT de deux jours et que la victime n'a giflé M. Y qu'en réponse à cette agression ; que les services de l'aéroport ont aménagé les tours de service afin de réduire les moments auxquels ils étaient susceptibles de se rencontrer ; que ce comportement désagréable est encore attesté par une conversation tenue le 23 mars 2006 avec M. A ou encore par un courrier de M. B du 22 février 2006 ; qu'il a induit le désir de l'ensemble du personnel de ne plus travailler avec l'intéressé, ainsi qu'en atteste un courrier de Mme Z du 22 février 2006 ; que ce comportement, incompatible avec les exigences propres à des missions de contrôle aérien, justifiait à lui seul la sanction, sans qu'il soit utile de prendre en compte l'effet qu'il emportait sur le service ;
- que M. Y a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique en passant outre, en méconnaissance des dispositions de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, à l'ordre que lui avait donné son supérieur hiérarchique d'assurer une évacuation sanitaire (EVASAN), dans la nuit du 15 au 16 janvier 2006 ; que l'intéressé a quitté son poste avant que le vol d'évacuation sanitaire n'ait décollé de Rouen ; que le Tribunal ne pouvait se fonder sur le fait que M. Y aurait dû être remplacé en ce qu'il avait terminé la durée de sa vacation, d'autant plus que dans une telle hypothèse, son seul rôle est d'assurer le décollage de cet avion, à l'exclusion de toute autre activité de contrôle ; que ce refus d'obéissance justifiait, à lui seul, la sanction prononcée ;
- que M. Y a autorisé à deux reprises un avion CESSNA 172, le 23 mars 2006, à se poser sur une piste alors qu'un ULM endommagé, qui avait cassé son train principal à l'atterrissage, était immobilisé sur le tiers de la piste et que des opérations de dégagement des débris étaient en cours, impliquant du personnel et des véhicules affectés à l'aéroport de Rouen ; qu'il a ainsi méconnu le règlement de la circulation aérienne adopté par arrêté du ministre de l'équipement et des transports le 6 juillet 1992, et plus particulièrement l'article 5.6.6.1. qui fait obstacle à la délivrance de clairance ou d'autorisation d'atterrissage à un aéronef lorsque la piste en service n'est pas dégagée ; que ces faits sont établis par des photographies, l'enregistrement des échanges et le rapport de M. A, autre contrôleur aérien qualifié présent en tour de contrôle au moment des faits ; que ces faits, justifiaient à eux seuls, la sanction prononcée ;
- que, s'agissant du quatrième motif, la production du rapport médico-psychologique établi le 26 avril 2006, qui ne figurait pas dans la procédure disciplinaire, n'avait que pour but d'éclairer le contexte dans lequel les faits susmentionnés se sont produits ; que ces faits révèlent l'inquiétude que le comportement de l'agent induit sur sa capacité à exercer ses missions dans le respect de la sécurité ;
Vu la mise en demeure adressée le 7 mars 2008 à M. Y, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense et les conclusions incidentes, enregistrés le 31 mars 2008, présentés pour M. Philippe Y, demeurant ..., par Me Floquet, avocat, et tendant au rejet de la requête, à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, au titre des conclusions incidentes, à la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité de 7 500 euros en réparation du préjudice subi ;
M. Y fait valoir :
- que les dispositions de l'article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ont été méconnues, le conseil de discipline ne pouvant être saisi que par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ; qu'en l'espèce, une telle compétence n'est pas établie, le rapport n'étant ni daté ni signé et ne portant pas la mention de son auteur ;
- que les dispositions de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 sont violées, le conseil de discipline n'ayant pas proposé de sanction ;
- qu'il appartenait à l'autorité compétente d'informer le conseil de discipline des motifs pour lesquels elle entendait poursuivre M. Y ;
- que la notification de la décision de révocation ne comporte pas les informations permettant de saisir la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique, en méconnaissance de l'article 10 du décret du 25 octobre 1984 ;
- que la composition du conseil de discipline était irrégulière, la condition de parité n'étant pas remplie en ce que la commission comprenait un représentant de l'administration de plus ;
- que les faits reprochés ne sont étayés que par deux témoignages, de Mme Z et de M. A, eux-mêmes impliqués dans les faits reprochés, et qui ne sauraient avoir plus de poids que les allégations de M. Y lui-même, qui conteste ces mêmes faits ;
- que la faute liée au refus du contrôle aérien lors d'une évacuation sanitaire le 15 janvier 2006 ne peut servir de base légale à la décision de révocation en ce qu'elle ne fondait pas la procédure disciplinaire ; que la règlementation ne permet pas un vol sanitaire non programmé et que M. Y avait d'ailleurs demandé à son supérieur le 14 octobre 2005 la règlementation encadrant ce type de vol en dehors des heures d'ouverture ; que les dispositions de l'arrêté du 19 novembre 2002, qui régissent seules la durée de travail, limitent, dans un objectif de sécurité, la durée maximale d'une vacation à 11 heures ; qu'il n'existe pas de procédure particulière régissant les évacuations sanitaires ; que M. Y avait accepté de prendre ce transport et de rester jusqu'à 1h30, heure de départ initialement prévue, mais qu'il est parti lorsque ce départ a été retardé sine die ; que son départ, à 2 heures, nécessaire eu égard à son état de fatigue après une journée de travail de plus de 11 heures, a entraîné la fermeture de la tour de contrôle et s'est fait avec l'accord du pilote ; que M. Y en a informé le bureau régional d'information aéronautique de Lille, le CHU et les pompiers de Rouen et a laissé son numéro de portable ; que l'avion est reparti au petit matin, sans difficulté ;
- que l'agression physique de Mme Z, le 25 mai 2002, n'est pas établie, et que sa matérialité est démentie par M. Y ; que Mme Z fait d'ailleurs état d'un gonflement du bras gauche alors que le certificat médical ne mentionne que quelques contusions sur l'avant-bras ; qu'en réalité, Mme Z s'est heurtée elle-même contre la table des cafetières en arrachant violemment les fils de la télévision et qu'il convient de noter qu'elle a donné une gifle à M. Y ; qu'aucune plainte n'a d'ailleurs été déposée à ce titre ; que les agressions verbales du 20 février 2006 reprochées doivent être relativisées ; que les termes employés doivent être rapprochés du contexte précédemment évoqué, Mme Z employant fréquemment elle-même des expressions blessantes et insultantes à son égard afin de le décrédibiliser au sein de l'équipe ; que le mot dégager fait partie des expressions fréquemment utilisées en aéronautique ; que Mme Z avait rédigé des fiches d'évaluation jusqu'au terme de l'instruction de M. Y et qu'elles ne traduisent aucune difficulté relationnelle ; que le stress de Mme Z n'est pas établi et qu'il n'a pas entraîné son inaptitude ; que les différends reprochés n'ont pas eu d'incidence sur le fonctionnement du service, sans que le rapport disciplinaire, établi unilatéralement par l'administration, puisse avoir un caractère probant ; que la gestion, par l'administration, du tour de service, n'a été faite qu'en réponse à une demande de M. Y, qui se plaignait d'un dysfonctionnement résultant de vacations syndicales ; que cette gestion a d'ailleurs été relative puisque les deux intéressés se sont retrouvés ensemble le 20 février 2006 ; que les contraintes étaient faibles, l'effectif de la tour de Rouen étant de 17 contrôleurs, alors que le besoin opérationnel n'est que de douze contrôleurs qualifiés ; que l'administration n'a pas permis aux parties, avant la mise en oeuvre de ces poursuites disciplinaires, de s'expliquer, voir de vider le litige en amont ; qu'il ne ressort ni de l'attestation de M. C, ni d'aucune autre pièce du dossier, que les collègues de M. Y auraient refusé de travailler avec lui ; que l'effet négatif sur le service n'est, ainsi, pas établi ;
- que les faits relatifs au CESSNA C 172 qui se sont déroulés le 23 mars 2006 ne pouvaient pas plus fonder la décision de révocation prise ; qu'il s'agit d'un appareil de l'école de pilotage implantée sur l'aérodrome de Rouen et que le pilote connaissait ainsi parfaitement la piste ; que la longueur de piste disponible était de 1 200 mètres, alors que seuls 400 mètres étaient nécessaires pour atterrir en toute sécurité et que d'ailleurs la distance avec l'ULM immobilisé a été de plus de 600 mètres ; qu'il était ainsi possible, par référence à la RCA 3-69, 5.6.6.3.2.2., de faire poser cet aéronef sur cette piste occupée ; que les opérations de dégagement de l'ULM ont débuté à 10h38 et se sont achevées à 11h08 ; que c'est M. A, qui a la même qualification que M. Y, qui a autorisé à 10h13 puis à 10h22 le CESSNA à atterrir sur les deux premiers tiers de la piste n° 22, dont un tiers était occupé par un ULM immobilisé et faisant l'objet de mesures de dégagement, et qui a donné les coordonnées, notamment celles relatives au vent, au pilote ; que lorsque cet avion s'est présenté pour atterrir, à 10H25, M. A s'est absenté, prétextant un coup de téléphone urgent à donner, et imposant à M. Y de prendre la fréquence vacante ; que la décision a ainsi été prise par M. A, et que ce dernier ne s'est pas opposé à cette décision ; qu'il n'est pas établi que des personnes se trouvaient sur la piste au moment de la manoeuvre d'atterrissage à 10h25, les transcriptions mentionnant des personnels prenant des photos sur la piste à 10h33, soit 8 mn après l'atterrissage, et ces derniers n'ont eux-mêmes pénétré sur cette piste qu'à 10h30 ; que ces mêmes transcriptions établissent que le véhicule de pompiers Sécurité 1 n'occupait pas en permanence la piste puisqu'il a envoyé plusieurs messages d'entrée, sans message de sortie ; que rien ne permet d'établir que des opérations de dégagement étaient en cours au moment de cet atterrissage ; que, s'agissant du deuxième incident du CESSNA 172, il est reproché à M. Y d'avoir à nouveau autorisé l'appareil à se poser, un peu plus tard ; que ce dernier n'a finalement pas posé l'appareil ; que M. Y n'était plus en fréquence à ce moment et n'a donc pu autoriser ce second atterrissage ; qu'il n'y a eu aucune autorisation d'atterrissage entre 10h38 et 11h10, à savoir pendant les mouvements de dégagement de l'ULM ; que le stagiaire a ordonné à l'appareil de remettre les gaz à 11h06 afin de permettre le nettoyage de la piste ; que l'administration ne saurait soutenir qu'il fallait faire atterrir le CESSNA dans un autre sens, cette solution étant en violation de la réglementation et cette dernière n'interdisant pas un atterrissage avec une composante vent arrière ; que l'administration ne saurait enfin reprocher à M. Y de ne pas rendre compte de cet incident du 23 mars 2006, puisqu'aucune demande spécifique ne lui ayant été adressée à ce titre et qu'il avait en outre conseillé à M. A de transmettre une fiche de notification d'évènement dans le cadre du retour d'expérience ;
- que la capacité de M. Y à exercer ses missions dans le respect de la sécurité ne saurait être mise en doute et que le rapport d'examen médico-psychologique n'indique pas de pathologie particulière ou d'incompatibilité avec le travail en groupe ; que sa personnalité était connue au moment de son recrutement ; que l'anxiété exprimée est uniquement liée à la procédure de sanction disciplinaire en cours ; que le souhait exprimé par M. Y en 2005 de faire rétablir un tour de service avait pour but de mettre fin à certaines dérives ; qu'il n'a pas sollicité de traitement de faveur lié à son éloignement géographique et n'a ainsi pas cherché à minimiser ses déplacements ; qu'il est surprenant de reprocher à M. Y, en juin 2006, des faits qui se sont déroulés bien antérieurement, et en le laissant exercer ses fonctions, alors que l'administration n'a, en revanche, engagé aucune procédure disciplinaire particulière à l'égard de Mme Z ou de M. C qui pourtant, à cinq reprises en 9 mois, ne sont pas venus prendre leur service, imposant ainsi à une personne non qualifiée de gérer seule le trafic pendant presque trois heures ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 avril 2008, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre :
- que la commission administrative paritaire a été saisie par courrier du 1er juin 2006 du secrétaire général de la direction générale de l'aviation civile, titulaire d'une délégation à cet effet ; que le rapport de saisine de la commission, joint à ce courrier, doit être regardé comme pris par cette même autorité compétente et que la circonstance qu'il ne soit pas signé ne peut, dans ces conditions, l'entacher d'irrégularité ; que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la saisine de cette commission doivent dès lors être écartés ;
- que le moyen tiré de ce que la commission administrative paritaire comportait un représentant de plus pour l'administration doit être écarté ; qu'en l'absence d'un des représentants syndicaux, pourtant dûment convoqué, le président de la commission, afin de respecter la règle de la parité, a demandé à un représentant de l'administration de ne pas prendre part au délibéré et au vote ;
- qu'il ressort des dispositions de l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 que la circonstance que les membres de la commission administrative paritaire n'aient pas trouvé d'accord sur la sanction à prononcer est sans incidence sur la régularité de la procédure ;
- que la circonstance que l'autorité compétente n'aurait pas porté dans la lettre de notification les informations relatives à la saisine du conseil supérieur de la fonction publique, en méconnaissance de l'article 10 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, est sans incidence sur la régularité de la décision de révocation ;
- que le refus de l'intéressé d'assurer le service de contrôle aérien à un vol d'évacuation sanitaire, en méconnaissance de l'ordre formel donné par son supérieur hiérarchique, est établi ; que l'intéressé ne saurait se retrancher derrière le fait qu'il aurait terminé ses vacations puisque la seule tâche impartie portait alors sur le décollage du seul EVASAN, à l'exclusion de toute autre activité de contrôle du trafic ; que l'atterrissage du CESSNA 172 sur la piste 22, le 23 mars 2006, a été suggéré par M. Y, contrôleur le plus ancien, M. A n'ayant fait que répéter cette suggestion au pilote de l'avion ; que les documents produits attestent de l'incapacité de M. Y à travailler en équipe et que les difficultés relationnelles en résultant ont contraint l'administration à organiser le service de manière à permettre à M. Y et à Mme Z de ne pas se rencontrer ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 12 juin 2008, présenté pour M. Y, et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il fait valoir, en outre, que la notation de 2001 ne peut être prise en compte, ayant été faite par le CRNA Nord à Athis-Mons et étant antérieure à l'affectation de M. Y, à partir du 8 septembre 2003, à la subdivision de Rouen ; que ses qualités ont été reconnues dans la notation de 2002 et dans le rapport de fin de stage du 31 mai 2005 ;
Vu le mémoire en duplique, enregistré le 17 juillet 2008, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la personnalité de M. Y n'a été prise en compte que comme élément de contexte et non comme un motif fondant la décision de révocation ; que la personnalité de l'intéressé est incompatible avec un travail en équipe, condition indispensable au bon exercice de fonctions de contrôle aérien, et que les difficultés relationnelles sont attestées par les différentes fiches de notation ou encore par l'examen médico-psychologique du 30 août 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 modifiée, relative aux corps des ingénieurs de la sécurité aérienne ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le décret n° 90-998 du 8 novembre 1990 modifiée, portant statut du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Seghers, avocat, substituant Me Floquet, pour M. Y ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES relève appel du jugement du 3 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 5 juillet 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer prononçant la révocation de M. Y, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé, a renvoyé l'intéressé devant lui pour le calcul et la liquidation de l'indemnité correspondant au traitement depuis le 5 juillet 2006, déduction faite des revenus éventuellement perçus par l'intéressé, et l'a condamné à verser une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. Y ; que M. Y demande, par la voie de conclusions incidentes, de condamner l'Etat à lui verser à titre de dommages et intérêts une somme de 7 500 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, au demeurant insuffisamment précisé, manque en fait ;
Sur la légalité de la décision de révocation :
Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation.(...) ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES soutient que tous les motifs fondant la décision de révocation qu'il a prise, le 5 juillet 2006, à l'encontre de M. Y, sont matériellement établis et qu'ils étaient, chacun, susceptibles de fonder à eux seuls la sanction prononcée ;
Considérant, en premier lieu, que la décision de révocation litigieuse est fondée sur l'agressivité de M. Y à l'encontre de Mme Z, les 29 juillet 2005 et 20 février 2006 et sur l'effet négatif qu'elle induit sur le bon fonctionnement du service ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les insultes, attitudes de dénigrement et agressions physiques étaient réciproques et s'inscrivent dans un climat relationnel tendu ; que les pièces du dossier ne permettent pas d'en déterminer clairement l'origine, ni de retenir une responsabilité exclusive de M. Y, seul sanctionné à ce titre ; qu'il n'est pas plus établi que le seul comportement de M. Y aurait nécessité une réorganisation du fonctionnement des services de l'aéroport, et notamment des tours de service ; que le comportement de M. Y à l'égard de Mme Z, pour regrettable qu'il soit, ne saurait dans ces conditions justifier une sanction de révocation ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES ne peut pas plus sérieusement se prévaloir de difficultés relationnelles que M. Y aurait rencontrées dans des services dans lesquels il était antérieurement affecté ni encore se prévaloir de ce que l'intéressé aurait quelque réticence à travailler en groupe, et qui ne fondent pas la décision disciplinaire contestée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige est également fondée sur une faute professionnelle liée à une méconnaissance de la règlementation, M. Y se voyant reprocher d'avoir refusé de rendre le service du contrôle au bénéfice d'un vol d'évacuation sanitaire au motif que sa vacation était terminée ; que les allégations de M. Y selon lesquelles cette faute n'aurait pas été évoquée lors de la procédure disciplinaire manquent en fait ; qu'en l'espèce, un vol de transfert d'organe au profit de l'établissement français des greffes, dit EVASAN a été prévu dans la nuit du 15 au 16 janvier 2006, et que le supérieur hiérarchique de M. Y, contacté par ce dernier, lui a demandé de l'assurer ; que M. Y avait accepté de prendre en charge ce vol, mais qu'en raison du retard pris par cet avion, il a décidé de partir sans en avertir son supérieur hiérarchique ; que ce comportement est fautif et de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que l'intéressé se prévaut toutefois de sa précédente demande tendant à ce que la durée de vacation en cas de prise en charge d'un tel vol sanitaire soit précisée, à laquelle il n'a pas été répondu ; qu'il se prévaut encore d'avoir pris toutes les précautions nécessaires pour permettre à l'avion, qui avait un retard indéterminé, de faire les manoeuvres nécessaires pour décoller, à un moment où l'aéroport était fermé ; qu'il soutient avoir eu l'accord du pilote, avoir informé le bureau régional d'information aéronautique de Lille, le CHU et les pompiers de Rouen et leur avoir laissé son numéro de portable ; qu'il ajoute qu'aucun règlement ne régit un tel cas de figure, s'agissant d'un vol non programmé à réaliser en dehors des heures d'ouverture, ni n'impose à un contrôleur, qui soutient être fatigué après avoir réalisé sa durée de vacations sur une période de 11 heures consécutives, de rester à son poste de travail, et précise encore n'être parti qu'à 1h30, lorsque le départ de l'avion a été retardé sine die ; que, dans ces circonstances, l'autorité compétente ne pouvait sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation prendre une sanction de révocation sur le seul fondement de ce refus, ponctuel et s'inscrivant dans un contexte très particulier, d'obéissance hiérarchique ;
Considérant, en troisième lieu, que la décision de révocation litigieuse se fonde également sur la faute liée à l'atterrissage dangereux d'un avion, le 23 mars 2006, à deux reprises, en méconnaissance du règlement de la circulation aérienne, l'intéressé ayant en outre refusé de rendre compte des raisons l'ayant conduit à autoriser une telle manoeuvre ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un aéronef de type ULM avait cassé son train principal et était immobilisé sur le premier tiers de la piste 22 et que l'atterrissage du CESSNA 172 sur cette même piste, alors qu'il y avait par ailleurs du vent, a été autorisé ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ces décisions ont été prises tant par M. Y que par un autre contrôleur aérien, de même qualification, sans que ce dernier ne soit toutefois sanctionné ; que les allégations selon lesquelles des manoeuvres de dégagement étaient en cours pendant ces atterrissages ne sont en outre pas établies ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que ces manoeuvres ont été faites avec un avion de l'école de pilotage implanté sur l'aérodrome de Rouen avec un pilote qui connaissait parfaitement bien la piste, et avec un engin ne nécessitant qu'une faible longueur de piste, de l'ordre de 400 mètres, pour effectuer une telle manoeuvre en toute sécurité et alors que la longueur de la piste disponible était encore de 1 200 mètres ; que si, d'autre part, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES se prévaut du refus de l'intéressé de rendre compte de cette analyse erronée des dispositions du règlement, ce qui traduirait une incapacité à assurer des missions de contrôle dans le respect des règles de sécurité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une demande de ce type ait été formulée à M. Y ; qu'une telle incapacité, qui n'est pas plus établie par le rapport médico-psychologique du 26 avril 2006 produit par le ministre, relèverait, en tout état de cause, de la seule procédure d'insuffisance professionnelle ;
Considérant que l'ensemble des faits susmentionnés, dont la matérialité est établie dans la stricte mesure précisée ci-dessus, sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'il résulte toutefois de ce que dit précédemment que, pour regrettables qu'ils soient, ils s'insèrent dans un contexte particulier ; que, dans ces conditions, qu'ils soient pris ou non isolément, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, en prononçant la révocation de M. Y, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de procédure soulevés par voie incidente par M. Y, que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement litigieux, le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 5 juillet 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer prononçant la révocation de M. Y, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé ;
Sur les conclusions indemnitaires incidentes présentées par M. Y :
Considérant, en premier lieu, que le Tribunal administratif de Rouen, dans le jugement entrepris du 12 avril 2007, a condamné l'administration à verser à l'intéressé une indemnité représentative de son traitement, à l'exclusion des primes liées à l'exercice effectif des fonctions et déduction faite des revenus de remplacement éventuellement perçus ; qu'en l'absence d'éléments suffisants, il a renvoyé M. Y devant le ministre pour la liquidation et le versement de l'indemnité ; qu'il a par ailleurs condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral que l'intéressé soutient avoir subi ;
Considérant que M. Y, en appel, demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 7 500 euros, en soutenant que la décision de révocation a porté atteinte à son honneur et à sa réputation et qu'elle a occasionné des troubles dans ses conditions d'existence ; que, dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal a toutefois fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en le fixant à 1 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de cet article : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour administrative d'appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que M. Y n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES doivent être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. Y ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est rejeté.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. Y sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. Y tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Philippe Y.
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N°07DA00990