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22/12/2008 | FRANCE | N°07DA00997

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 22 décembre 2008, 07DA00997


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 3 juillet 2007, complétée le 9 juillet 2007 par télécopie et régularisée le 10 juillet 2007 par la production de l'original, présentée pour Gaz de France (GDF), dont le siège est 981 boulevard de la République à Douai Cedex (59505), par la SELARL espace juridique avocats ; GDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301740 du 2 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la société Sonotec 2000 71 510,74 euros en règlement du solde du ma

rché conclu le 6 septembre 1999 pour la réalisation de travaux de terrassem...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 3 juillet 2007, complétée le 9 juillet 2007 par télécopie et régularisée le 10 juillet 2007 par la production de l'original, présentée pour Gaz de France (GDF), dont le siège est 981 boulevard de la République à Douai Cedex (59505), par la SELARL espace juridique avocats ; GDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301740 du 2 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la société Sonotec 2000 71 510,74 euros en règlement du solde du marché conclu le 6 septembre 1999 pour la réalisation de travaux de terrassement et de branchements sur la commune de Croisilles ;

2°) de condamner le mandataire de la société Sonotec 2000 à verser à GDF une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

3°) de mettre à la charge du mandataire de la société Sonotec 2000 la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

GDF soutient que le jugement du Tribunal administratif de Lille est irrégulier en l'absence de réponse au moyen tiré de la résiliation du marché ; que la demande présentée par le mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 devant le Tribunal administratif de Lille le 16 avril 2003 était irrecevable en raison du caractère définitif du décompte de marché notifié à l'entrepreneur le 13 mars 2001 et contesté par celui-ci au-delà du délai de trente jours prévu à l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales ; qu'en tout état de cause le marché était résilié à la date du 10 février 2000 et qu'il revenait donc à l'entrepreneur de présenter un projet de décompte dans les délais prévus au cahier des clauses administratives générales ; que c'est à bon droit que GDF, dans son décompte général, a compensé les sommes dues à l'entrepreneur au titre des travaux exécutés et les dépenses que la personne responsable du marché a dû engager au titre de la fin des travaux et de la réparation de désordres causés par la société Sonotec 2000 sur le chantier ; qu'elle est fondée à demander des dommages et intérêts pour procédure abusive compte tenu du caractère manifeste de l'irrecevabilité de la demande en première instance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2008, présenté pour Me Berel ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000, domicilié 31 rue Henry à Elbeuf (76504), par la SCP Lenglet-Fabri et Caulier, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de GDF une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Me Berel ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 soutient que les conclusions soulevées pour la première fois en appel au sujet de la tardiveté de la demande présentée en première instance sont irrecevables ; que les dépenses engagées par GDF dans la poursuite du marché ne peuvent compenser les sommes dues pour des travaux réalisés par la société Sonotec 2000 ; que, de plus, les sommes demandées par GDF pour des malfaçons alléguées ne pouvaient également être compensées, les créances devant être incontestables ; que GDF n'a pas déclaré ses créances vis-à-vis de la société Sonotec 2000 dans le délai légal prévu dans le cadre d'une procédure de liquidation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

- les observations de Me Le Briquir, pour GDF ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société Gaz de France (GDF) venant aux droits de l'établissement public éponyme est dirigée contre un jugement en date du 2 mai 2007 du Tribunal administratif de Lille, lequel l'a condamnée à verser la somme de 71 510,74 euros au mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 en règlement du marché conclu le 6 septembre 1999 pour l'exécution de travaux de terrassements et de branchements sur le territoire de la commune de Croisilles ;

Sur la recevabilité des moyens nouveaux en appel par GDF :

Considérant que la société Sonotec 2000 soutient que GDF est irrecevable à présenter en appel des moyens nouveaux se rapportant à une irrégularité de la procédure de contestation du décompte général du marché ; que, toutefois, le défendeur en première instance est recevable à invoquer en appel tous moyens, même pour la première fois ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont relevé qu'une éventuelle résiliation du marché était sans influence sur le droit au paiement des prestations réalisées par l'entrepreneur dans le cadre du contrat liant les parties ; qu'ainsi, le Tribunal administratif de Lille a répondu, contrairement à ce que soutient GDF, au moyen soulevé par l'appelante sur la résiliation du marché et ses conséquences sur les cocontractants ;

Sur la recevabilité de la demande du mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 en première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux : « L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée sans réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article, le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) » ; qu'aux termes de l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. (...) » ; qu'aux termes de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales : « Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que GDF a notifié par lettre simple, le 13 mars 2001, le décompte général du marché au mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 ; que ce dernier indique avoir reçu ce décompte général le 26 mars 2001 et, en réponse, le 17 avril 2001, a refusé de signer le décompte général en assortissant son refus d'un mémoire comportant le détail de ses réclamations ; que, dès lors, l'entrepreneur doit être regardé comme ayant contesté le décompte général du marché dans le délai prévu à l'article 13.44 précité ;

Considérant que la forclusion instituée par l'article 50-32 ci-dessus mentionné ne peut être opposée que si une décision du maître de l'ouvrage a été notifiée à l'entrepreneur et qu'aucune autre disposition du cahier des clauses administratives générales précité n'a prévu une telle forclusion lorsque le maître de l'ouvrage s'abstient de répondre à une réclamation, l'entrepreneur disposant en pareil cas de la faculté de saisir le juge du contrat après l'expiration du délai de 3 mois prévu par l'article 50-31 précité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 a saisi GDF, maître de l'ouvrage, d'une réclamation datée du 17 avril 2001, réceptionnée le 19 avril 2001 ; qu'il est constant que, sur cette réclamation, aucune décision du maître de l'ouvrage n'a été notifiée à l'entrepreneur ; que, dès lors, la demande présentée devant le Tribunal administratif de Lille le 16 avril 2003 n'était pas tardive ;

Sur la résiliation du marché :

Considérant qu'aux termes de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales : « (...), lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...) ; qu'aux termes de l'article 49.2 du cahier des clauses administratives générales : « Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée. » ; qu'aux termes de l'article 49.3 du cahier des clauses administratives générales : « (...) Après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie, la résiliation du marché peut être décidée. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que GDF n'a notifié aucune mise en demeure à la société Sonotec 2000 pendant l'exécution des travaux, quand bien même cette résiliation aurait été justifiée par le retard très important pris par l'entreprise tel qu'il ressort des comptes rendus de chantier ; qu'ainsi la résiliation invoquée est irrégulière ; que, par suite, la société Sonotec 2000 ne saurait être tenue de supporter les conséquences onéreuses des opérations exécutées par un nouvel entrepreneur dans le cadre d'un marché de substitution ;

Considérant, par ailleurs, que l'interruption des prestations réalisées par la société Sonotec 2000 ne saurait décharger GDF de ses obligations contractuelles à l'égard de l'entrepreneur et ainsi priver la société Sonotec 2000 de la rémunération à laquelle elle a droit ;

Sur le décompte général du marché :

Considérant que, si la mise en oeuvre de la procédure de liquidation judiciaire d'une entreprise est sans influence sur l'application des règles d'établissement du décompte définitif du marché conclu entre cette entreprise et une personne publique, elle fait en revanche obstacle à ce que soit opérée une compensation entre les dettes et les créances que détiennent les deux cocontractants l'un sur l'autre ; que GDF présente dans son décompte général des créances se rapportant à des travaux correspondant à des marchés distincts réalisés sur les communes de Vaulx-Vraucourt et de Croisilles ; que, dès lors, le tribunal administratif a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur l'absence d'éléments permettant d'attribuer les créances au contrat liant les deux parties pour écarter la compensation opérée par GDF ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser au mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 la somme de 71 510,74 euros en règlement du solde du marché conclu le 6 septembre 1999 pour la réalisation de travaux de terrassement et de branchements sur la commune de Croisilles ;

Sur les conclusions présentées tendant au versement de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la demande du mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 présentait un caractère manifestement abusif ; qu'ainsi, les conclusions susvisées tendant à la condamnation de la société Sonotec 2000 à verser des dommages et intérêts à ce titre doivent être, en tout état de cause, rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à GDF la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner GDF à verser au mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Gaz de France est rejetée.

Article 2 : Gaz de France versera à Me Berel ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Gaz de France et à Me Berel ès qualité de mandataire liquidateur de la société Sonotec 2000.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00997
Date de la décision : 22/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-22;07da00997 ?
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