Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 19 mai 2006, régularisée par la production de l'original le 22 mai 2006 et le mémoire complémentaire enregistré par télécopie le 17 juillet 2006, régularisé par la production de l'original le 18 juillet 2006, présentés pour la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS ayant élue domicile chez Me Zerbib, 40 avenue Raymond Poincaré à PARIS (75116), par Me Zerbib ; la société demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0104613 en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant d'une part, à l'annulation de la décision en date du 28 février 2001 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer a refusé « d'accueillir le VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS », la décision « résultant de la
non-transmission à la SOCOTEC de la demande d'agrément des conditions d'exploitation du VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, à tout le moins des modalités d'ouverture de la gare maritime » et la décision, révélée par une lettre du 13 avril 2001, par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer a décidé d'utiliser l'emprise des voies ferrées pour la réalisation d'un programme d'investissement, et d'autre part, à enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer, sous astreinte de 5 000 francs par jour de retard, de libérer l'emprise des voies ferrées et d'autoriser le passage et l'exploitation du VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier en tant qu'il n'a pas analysé les moyens et conclusions développés par les parties et n'a pas pris en compte l'ensemble des mémoires échangés entre les parties au cours de l'instruction ; que le jugement attaqué est insuffisamment motivé car il s'est contenté d'affirmer que la lettre du 13 avril 2001 ne constituait pas une décision faisant grief ; que le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation ; que les décisions litigieuses ont été prises uniquement pour nuire à sa société et pour contraindre la société HOVERSPEED de revenir sur sa décision d'arrêter l'exploitation de la liaison transmanche ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2006, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale dont le siège est au 98 boulevard Gambetta à BOULOGNE-SUR-MER (62204), qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la rédaction des visas du jugement attaqué est régulière compte tenu de la spécificité des contraintes de rédaction des visas pesant sur le juge administratif ; que la non-analyse des moyens et des conclusions dans les visas ne constitue pas une cause d'annulation du jugement si les juges ont analysé les moyens et les conclusions des parties dans la motivation de la décision ; qu'en précisant que la lettre du 13 avril 2001 n'était qu'une lettre d'information, ce qui suffit à lui conférer le caractère de décision ne faisant pas grief, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ; que le comportement de la chambre de commerce et d'industrie a toujours été très clair ; que le départ du port de Boulogne-sur-Mer de la société Hoverspeed a entraîné l'inutilisation des locaux qui sont devenus impropres à l'accueil des passagers de la société appelante ; qu'ainsi la décision de fermer les locaux s'imposait pour des motifs certains ; que le courrier du 9 février 2001 ne reflète en aucun cas une détérioration sensible des relations entre la société Hoverspeed et la chambre de commerce et d'industrie ; que ce courrier se bornait à demander des précisions sur le montant de factures ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2007, présenté pour la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les premiers juges n'ont pas répondu au grief tiré de la modification unilatérale par la chambre de commerce et d'industrie de la consistance de la concession, ni de l'absence de décision de l'Etat en ce sens, ni de l'incompétence de la chambre de commerce et d'industrie à prendre la décision d'utiliser l'emprise des voies ferrées ; que les décisions sont entachées d'illégalités externes ; que la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer était incompétente pour prendre d'une part, la décision de refus d'accueillir VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS pour des motifs tenant à la sécurité des passagers du fait de la fermeture du terminal passager, et d'autre part, la décision d'utiliser l'emprise des voies ferrées ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les décisions attaquées entrent dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 puisqu'elles ont pour effet de restreindre l'exercice de la liberté du commerce et d'industrie par la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS et constitue un refus d'autorisation ; que les décisions attaquées sont entachées d'illégalités internes ; que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la désaffectation de la gare maritime n'est pas établie en fait ; qu'elle n'est pas davantage établie en droit dès lors que la chambre de commerce et d'industrie ne pouvait prendre unilatéralement la décision de désaffecter la gare maritime ; que l'appréciation concrète du respect des normes de sécurité appartient à la SOCOTEC ; que les décisions attaquées contreviennent au principe de continuité du service public ; que la chambre de commerce et d'industrie ne peut légalement justifier son refus d'accueillir VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS par le défaut d'entretien normal de la gare maritime et des quais ou par son omission de demander l'agrément à la SOCOTEC autorisant la réception du public ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 11 mars 2007, régularisé par la production de l'original le 14 mars 2007, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le tribunal administratif a répondu à tous les moyens soulevés par la société, notamment ceux tirés de l'incompétence ; qu'elle était compétente pour décider de fermer l'accès aux usagers de la gare maritime pour des raisons de sécurité ; qu'elle ne conteste pas qu'elle n'était pas habilitée à prendre la décision concernant l'utilisation de l'emprise des voies ferrées ; qu'il est toutefois constant qu'elle n'a pas pris une telle décision ; qu'elle s'est bornée à informer la société de la décision du préfet prise sur ce point ; que la société a été informée préalablement de l'impossibilité technique et matérielle de recevoir des voyageurs dans la gare maritime ; que la société se prévaut à tort de la loi du 12 avril 2000 dès lors que les décisions attaquées constituent des décisions d'espèce relatives à la gestion d'un bien et non des décisions individuelles ; que les décisions ne sont pas entachées de vice de procédure ; que la chambre de commerce et d'industrie était compétente pour refuser l'accès des locaux de la gare maritime pour des raisons de sécurité, dans l'attente de la réhabilitation desdits locaux ; qu'il appartenait à la société de définir préalablement ses projets d'utilisation des locaux afin de pouvoir saisir la SOCOTEC ; que la décision de la société d'Hoverspeed d'interrompre le transport des voyageurs par la gare maritime, les locaux se sont trouvés privés de leur affectation jusqu'à rétablissement d'une liaison ; que la décision de fermer l'accès à la gare maritime s'imposait donc ; que la chambre de commerce et d'industrie n'avait dès lors plus l'obligation, ni de raison de maintenir cet équipement en service et n'a pas méconnu le principe de la continuité du service ; qu'il est constant que la lettre du 13 avril 2001 ne constituait qu'une simple lettre d'information ne faisant pas grief à la société appelante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code du domaine public ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et
M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Marc Estève, président-rapporteur ;
- les observations de Me Crochemore, substituant Me Richer, pour la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lille qui a rejeté ses demandes tendant d'une part, à l'annulation de la décision en date du 28 février 2001 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de
Boulogne-sur-Mer a refusé « d'accueillir le VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS », la décision « résultant de la non-transmission à la SOCOTEC de la demande d'agrément des conditions d'exploitation du VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, à tout le moins des modalités d'ouverture de la gare maritime » et la décision, revélée par une lettre du 13 avril 2001, par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer a décidé d'utiliser l'emprise des voies ferrées pour la réalisation d'un programme d'investissement, et d'autre part, à enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer, sous astreinte de 5 000 francs par jour de retard, de libérer l'emprise des voies ferrées et d'autoriser le passage et l'exploitation du VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant d'une part, qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que les visas de
celui-ci analysent les conclusions et moyens des parties ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient la société appelante, le tribunal administratif, en précisant que la lettre du 13 avril 2001 par laquelle « la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer s'est bornée à informer la société Sea Containers de l'existence d'un projet concernant l'utilisation de l'emprise des voies ferrées pour la réalisation d'un programme d'investissement », a suffisamment motivé son jugement pour estimer qu'à défaut de caractère décisoire, cette lettre ne faisait pas grief et n'était, dès lors, pas susceptible de recours pour excès de pouvoir ;
Considérant enfin, qu'en jugeant « qu'il appartenait à l'autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, tant dans l'intérêt de ce domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles doit satisfaire son utilisation... », le Tribunal a répondu au moyen tiré de l'incompétence de la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer à prendre la décision du refus d'accueillir VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS pour des motifs tenant à l'impossibilité d'assurer la sécurité des usagers ; que le Tribunal n'a pas davantage omis de répondre aux moyens tirés de l'incompétence de la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer pour prendre les décisions d'utiliser l'emprise des voies ferrées et de modifier l'affectation de la concession dont elle bénéficiait sur le port maritime dès lors qu'il a jugé que la chambre de commerce et d'industrie n'avait pris aucune décision concernant l'utilisation de l'emprise des voies ferrées et s'était bornée à constater la désaffectation de fait de la gare maritime ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés ;
En ce qui concerne la décision d'utiliser l'emprise des voies ferrées :
Considérant que contrairement à ce que soutient la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la lettre du 13 avril 2001, que la décision qui aurait été prise d'utiliser l'emprise des voies ferrées dont s'agit pour la réalisation d'un programme d'investissement important concernant le port de plaisance de Boulogne-sur-Mer ait été prise par la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la chambre de commerce et d'industrie pour prendre une telle décision est inopérant ;
Sur la légalité de la décision en date du 28 février 2001 attaquée :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'à la suite de la décision de la société Hoverspeed d'interrompre l'exploitation de la liaison transmanche et, par suite, d'occuper et d'entretenir les locaux situés dans la gare maritime destinés exclusivement à accueillir les voyageurs à la connexion des voies ferroviaire et maritime de la liaison LONDRES/VENISE, la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale, concessionnaire du port de la ville, après avoir constaté la désaffectation et la détérioration des locaux susvisés, a décidé, malgré la demande de la société appelante, de fermer l'accès de la gare maritime et de mettre fin à l'accueil du train appartenant à la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS ;
Considérant que la décision attaquée résulte du rejet par la chambre de commerce et d'industrie d'une demande qui lui a été adressée par la société appelante ; que, par suite, cette dernière ne peut utilement se prévaloir de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ;
Considérant qu'en se fondant sur la désaffectation de fait du terminal passager et sur l'impossibilité de recevoir les voyageurs dans des conditions normales de sécurité, pour prendre la décision attaquée, la chambre de commerce et d'industrie, ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a retenu un critère qui n'est pas étranger à la gestion du domaine public à l'occupation privative duquel, la société requérante n'a, du reste, aucun droit ; que si la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS soutient que la décision attaquée aurait été prise dans le but de lui nuire personnellement et de contraindre la société Hoverspeed à reprendre l'exploitation de la liaison transmanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci a été prise pour une fin autre que celle en vue de laquelle la chambre de commerce et d'industrie a reçu le pouvoir de gérer le domaine portuaire ;
Considérant que le principe de continuité du service public et l'obligation d'entretenir l'ouvrage public n'obligeait pas l'autorité gestionnaire de la gare maritime à remettre en service un ouvrage qui se trouvait, de fait, désaffecté, du fait de la cessation de la ligne de transport maritime transmanche ;
Considérant, par suite, que la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS, partie perdante, n'est pas fondée à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de
Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale à lui verser une somme au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de condamner la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS est rejetée.
Article 2 : La société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS versera à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VENICE-SIMPLON-ORIENT EXPRESS et à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°06DA00659