Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 1er juin 2007, présentée pour
M. Jean-Marie X, demeurant ..., pour Mme Denise X, demeurant ... et pour le GFA SAINT-EUTROPE, dont le siège est situé Ferme X à Grandvillers-aux-Bois (60190), représenté par son représentant légal, par la SELARL J.P. Hameau - D. Guerard ; ils demandent à la Cour :
11) d'annuler le jugement nos 0502514-0503234, en date du 22 mars 2007, en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 17 mai 2005, par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Oise a modifié leurs attributions, suite à la réclamation présentée par la société agricole de Francières relative aux opérations de remembrement de la commune de Grandvillers-aux-Bois ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société agricole de Francières chacun la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la commission départementale d'aménagement foncier de l'Oise était composée irrégulièrement lorsqu'elle a statué sur la réclamation présentée par la société agricole de Francières ; qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code rural, M. Dominique Y, actionnaire de la société agricole de Francières, et M. Bernard Z, commissaire-enquêteur au titre de l'étude du périmètre de remembrement et de l'enquête de classement, ne pouvaient siéger dans ladite commission en qualité respectives de représentant des propriétaires exploitants et de représentant du président de la chambre départementale d'agriculture ; que la présence de M. Y et de M. Z au sein de la commission méconnaît le principe d'impartialité ; que la convocation adressée aux propriétaires ne mentionnait pas que ceux-ci avaient la possibilité de se faire représenter par un avocat inscrit au barreau en application de l'article R. 121-17 du code rural ; que la commission départementale d'aménagement foncier avait l'obligation de provoquer les observations des intéressés avant de modifier leurs attributions ; qu'ils n'ont pas eu connaissance du contenu du recours de la société agricole de Francières et n'ont pas été informés de leur droit de consulter ledit recours ; que la décision attaquée méconnaît le principe du contradictoire ; que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article L. 123-1 du code rural, celle-ci aggravant leurs conditions d'exploitation ; qu'il sera nécessaire d'installer un nouveau réseau d'irrigation sur la parcelle « la croisette » pour répondre au cahier des charges de la société Bonduelle ; que ces travaux ont un coût de 29 451,79 euros ; qu'en l'absence de ces travaux, M. X risque une perte financière annuelle d'au minimum 8 500 euros ; qu'il sera également nécessaire de procéder à des travaux d'irrigation sur la parcelle n° 118, pour un coût de 18 514, 95 euros ; que la configuration de la parcelle n° 118 ne répond pas au cahier des charges défini par la société Bonduelle, compte tenu de l'impossibilité de mettre en place une culture écran sur une bande de 12 mètres de large pour cette parcelle située en bordure de route, et les camions venant chercher les récoltes ne pouvant stationner en bordure d'une route départementale ; que, contrairement à ce qu'a estimé la commission départementale, le plan de découpage en « U » est parfaitement rationnel ; que ce plan respecte l'équilibre en termes de points et de surface et maintient les ilôts à une distance équivalente de leur corps de ferme ; que cette seule configuration n'entraîne pas une aggravation de leurs conditions d'exploitation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance, en date du 18 juin 2007, portant clôture de l'instruction au
31 octobre 2007 ;
Vu le bordereau de communication de pièces, enregistré le 19 juin 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 22 juin 2007, présenté pour
M. et Mme Jean-Marie X et le GFA SAINT-EUTROPE ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2007, présenté pour la société agricole de Francières, dont le siège social est situé rue du Bout du Monde à Francières (60190), par ses représentants légaux, par la SCP Dagois-Gernez et Pelouse-Laburthe, qui demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. et Mme Jean-Marie X et du GFA SAINT-EUTROPE la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que M. Y n'est pas propriétaire de terres comprises dans le périmètre de remembrement ; que s'il était considéré que M. Y était intéressé par la réclamation de la société, cet intérêt n'était pas direct, personnel et réel ; que cette qualité n'a pas conduit M. Y à voter en faveur de la réclamation présentée par la société agricole de Francières pour des raisons personnelles et n'a pas influencé les autres membres de la commission ; que la circonstance que M. Z ait antérieurement exercé les fonctions de commissaire-enquêteur ne constituait pas une incompatibilité ; que la commission départementale d'aménagement foncier n'était pas composée irrégulièrement et n'a pas méconnu le principe d'impartialité ; que la commission départementale d'aménagement foncier a provoqué les observations des requérants avant la modification de leurs attributions, conformément aux articles R. 121-11 et R. 121-12 du code rural ; que la commission départementale d'aménagement foncier n'avait pas obligation de notifier aux requérants les observations présentées par la société agricole de Francières ; que M. X a été entendu par ladite commission et a manifesté sa désapprobation concernant la solution présentée par la société agricole de Francières ; que l'obligation de changer ou d'adapter le procédé d'irrigation en fonction du nouveau parcellaire issu du remembrement ne peut caractériser une aggravation des conditions d'exploitation ; que la commission communale d'aménagement foncier avait déjà attribué aux requérants un parcellaire de 67 ha sur les lieudits « la sente du moulin » et « la navetière » ; que le parcellaire attribué aux requérants sur ces lieudits par la commission départementale d'aménagement foncier a été réduit à 62 ha ; que le renforcement du réseau soutenu par les requérants constituerait une amélioration par rapport à leurs conditions actuelles d'exploitation ; que les requérants ne peuvent faire grief à la commission départementale de leur avoir attribué une parcelle non irriguée alors qu'ils ont apporté de nombreuses parcelles non irriguées ; que l'obligation générale liant les requérants à la société Bonduelle n'est pas spécifique à la parcelle n° 18 mais résulte de la nature de la culture exploitée ; que le stationnement des camions est possible dans le corps de ferme qui jouxte la parcelle n° 118 ; que l'attribution de la parcelle
n° 118 aux requérants leur permet de bénéficier d'un regroupement particulièrement intéressant ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cultiver une parcelle en forme de « U » aggrave les conditions d'exploitation ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 23 octobre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. Jean-Marie X et du GFA SAINT-EUTROPE la somme de 1 168 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'aucun texte n'interdit au représentant des propriétaires exploitants d'être actionnaire d'une société agricole dès lors qu'il n'est directement propriétaire d'aucune parcelle ; que si M. Y est actionnaire de la société agricole de Francières, il ne possédait aucune terre dans le périmètre du remembrement ; que la circonstance selon laquelle la détention d'actions donne un droit dans la propriété de l'actif social ne permet pas de conclure que M. Y serait personnellement propriétaire desdites parcelles ; qu'il ne ressort d'aucun document que M. Y serait intervenu lors de la délibération de la commission départementale d'aménagement foncier ; qu'aucune disposition du code rural ne prohibe la possibilité d'être membre d'une commission départementale d'aménagement foncier après avoir exercé une fonction de commissaire-enquêteur ; que les requérants n'apportent pas la preuve d'un comportement partial de M. Z ou inspiré par des considérations personnelles ; que les requérants ont bien été informés par la commission départementale de la possibilité que des modifications soient apportées aux parcelles attribuées lors du projet de remembrement, suite à la réclamation de la société agricole de Francières ; que les requérants ont pu présenter leurs observations lors de la réunion de la commission départementale ; qu'aucune disposition du code rural n'impose que soient adressées à chacun des propriétaires concernés la réclamation et les observations d'un tiers ; que l'aggravation des conditions d'exploitation doit s'apprécier compte par compte et non parcelle par parcelle ; que le GFA SAINT-EUTROPE a bénéficié d'un excellent regroupement, celui-ci s'étant vu attribuer 4 parcelles pour 121 parcelles d'apport ; que le regroupement opéré et l'équilibre des comptes permet d'exclure toute aggravation des conditions d'exploitation ; que les contraintes d'exploitation imposées par la société Bonduelle sur certaines parcelles ne sauraient être prises en considération au regard des règles régissant le remembrement ; que, dès lors que le plan retenu par la commission départementale d'aménagement foncier n'a pas méconnu l'article L. 123-1 du code rural, le juge administratif n'a pas à apprécier les conditions d'opportunité ayant conduit ce choix ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 22 octobre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 24 octobre 2007, présenté pour M. et Mme Jean-Marie X et pour le GFA SAINT-EUTROPE qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le bordereau de communication de pièces, enregistré le 29 octobre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 30 octobre 2007, présenté pour
M. et Mme Jean-Marie X et le GFA SAINT-EUTROPE ;
Vu l'ordonnance en date du 30 octobre 2007 reportant la clôture d'instruction au
30 novembre 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 novembre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense et qui indique que les écritures et les pièces produites par les requérants n'appellent pas d'observations supplémentaires de sa part ;
Vu le bordereau de communication de pièces, enregistré le 22 novembre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 23 novembre 2007, présenté pour
M. et Mme Jean-Marie X et le GFA SAINT-EUTROPE ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 29 novembre 2007, présenté pour M. et Mme Jean-Marie X et pour le GFA SAINT-EUTROPE qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 30 novembre 2007, présenté pour la société agricole de Francières qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 9 octobre 2008 et confirmé par la production de l'original le 13 octobre 2008, présenté pour la société agricole de Francières, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire et demande que M. et Mme X et le GFA SAINT-EUTROPE soient condamnés à verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient, en outre, que la demande des requérants tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Oise, en date du 23 août 2007, ordonnant le dépôt en mairie du plan de remembrement de la commune de Grandvillers-aux-Bois a été rejetée par un arrêt du Conseil d'Etat, en date du 23 avril 2008 ; que la Cour de céans a rejeté, par une ordonnance en date du 20 novembre 2007, la demande des requérants tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ; que la société agricole de Francières a pris possession du parcellaire contesté en janvier 2008 ; que, par ordonnance en date du 21 mars 2008, le président du Tribunal de grande instance de Beauvais s'est déclaré incompétent et a rejeté la demande des requérants tendant à assigner en référé d'heure à heure la société agricole de Francières pour cette prise de possession ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2008 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 16 octobre 2008, présenté pour M. et Mme Jean-Marie X et pour le GFA SAINT-EUTROPE qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et
M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;
- les observations de Me Dagois-Gernez, pour la société agricole de Francières, et de
M. Jean-Marie X et Mme Denise X, représentant le GFA SAINT-EUTROPE ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-10 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur : « La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative. /(...)/ » ; qu'aux termes de l'article R. 121-11 du même code : « Les intéressés présentent par écrit à la commission départementale d'aménagement foncier leurs observations et réclamations. Sur leur demande adressée par écrit au président de cette commission, ils sont entendus par celle-ci. / La commission départementale peut en outre convoquer devant elle ceux des intéressés qu'elle juge devoir être entendus. /(...)/ » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la commission départementale d'aménagement foncier est saisie d'une réclamation formée par un intéressé et à l'occasion de l'examen de laquelle une modification des attributions d'un propriétaire de terres comprises dans le périmètre des opérations est susceptible d'être opérée, celle-ci est tenue, avant de statuer sur ladite réclamation, d'apporter en temps utile audit propriétaire les informations de nature à le mettre à même de formuler d'éventuelles observations quant à la modification envisagée ;
Considérant que, par une décision, en date du 17 mai 2005, la commission départementale d'aménagement foncier de l'Oise, statuant sur une réclamation présentée par la société agricole de Francières, a modifié la situation des époux X et du GFA SAINT-EUTROPE en ce qu'elle a retenu un plan de découpage « en ilôts entiers » en substitution du plan de découpage en « U » adopté par la commission communale d'aménagement foncier de Grandvillers-aux-Bois ; que s'il ressort des pièces du dossier que par lettre du 27 avril 2005, au demeurant adressée uniquement à Mme X, celle-ci a été convoquée à la réunion du 17 mai 2005 de la commission départementale d'aménagement foncier et invitée à formuler à cette occasion ses observations, ce document ne comportait aucune indication sur les modifications envisagées ou pouvant être examinées au cours de la séance ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les requérants auraient été avisés, en temps utile, des modifications susceptibles d'affecter les lots dont ils étaient jusqu'alors attributaires ; que, dès lors et nonobstant la circonstance que M. X ait été présent à la réunion de la commission départementale et qu'il y ait été entendu, les époux X et le GFA SAINT-EUTROPE n'ont pas été mis à même de présenter utilement leurs observations sur la modification qui a été apportée par la décision attaquée au plan arrêté par la commission communale d'aménagement foncier ; que, par suite, ladite décision est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'il suit de là que les époux X et le GFA SAINT-EUTROPE sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ainsi que la décision du 17 mai 2005 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Oise, statuant sur la réclamation de la société agricole de Francières, a modifié leurs attributions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme X et du GFA SAINT-EUTROPE, qui ne sont pas, en la présente instance, parties perdantes, la somme que le ministre de l'agriculture et de la pêche et la société agricole de Francières demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société agricole de Francières et de l'Etat, chacun, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et le GFA SAINT-EUTROPE et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 0502514-0503234, en date du 22 mars 2007, du Tribunal administratif d'Amiens et la décision, en date du 17 mai 2005, de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Oise statuant sur la réclamation de la société agricole de Francières sont annulés.
Article 2 : La société agricole de Francières et l'Etat verseront à
M. et Mme Jean-Marie X et au GFA SAINT-EUTROPE, chacun, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la société agricole de Francières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marie X, à Mme Denise X, au GFA SAINT-EUTROPE, à la société agricole de Francières et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°07DA00813