Vu le recours, enregistré par télécopie le 22 mars 2007 et régularisé par la production de l'original le 23 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0400882 du 29 décembre 2006 du Tribunal administratif d'Amiens qui a accordé à M. Selvaraj X la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du
1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de remettre ces impositions et les pénalités y afférentes à la charge de M. X ;
Il soutient que les prestations de conférencier entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée car elles comportent un lien direct entre le service rendu et la contrevaleur reçue ; qu'un avantage est procuré directement au client dès lors que M. X met en oeuvre les moyens nécessaires à la satisfaction des prestations réalisées à la demande des églises qui le rémunèrent ; que les remboursements alloués par celles-ci en fonction du nombre des participants révèlent l'existence d'une relation entre le service rendu et la contrevaleur reçue ; qu'à titre subsidiaire, les prestations dispensées sont de nature cultuelle et que le requérant ne peut se prévaloir des dispositions prévues pour les prestations culturelles par le a) du 4° de l'article 259 A du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2007, présenté pour M. Selvaraj X, demeurant 44 avenue de Beaumont à Lamorlaye (60260), par Me Lelièvre, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'il n'existe pas de lien direct entre les intervenants en tant que conférencier et l'honorarium versé par les églises, qu'à supposer même l'existence de cet avantage retiré par les églises, celui-ci n'est qu'indirect ; qu'il n'y a pas de relation entre le service rendu et la contrevaleur reçue en raison du caractère gracieux et aléatoire des versements ; que les discours d'évangélisation relèvent de prestations culturelles et ne sont donc pas imposées en France lorsqu'elles n'y sont pas matériellement exécutées ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2008, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 9 mai 2008 et régularisé par la production de l'original le 15 mai 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il ajoute que le régime des prestations culturelles et éducatives ne concerne que les prestations complexes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Jean-Claude Stortz, président de chambre,
Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur, M. Alain de Pontonx et
Mme Agnès Eliot, premiers conseillers :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- les observations de Me Deloffre, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont il a été l'objet,
M. Selvaraj X qui a la qualité de pasteur et exerce une activité d'enseignement en théologie, a été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la perception de sommes dénommées « honorarium » résultant de la collecte effectuée auprès des fidèles d'églises évangélistes ou pentecôtistes, lors de conférences données dans plusieurs pays européens ainsi qu'aux Etats-Unis, au Japon et en Afrique ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relève appel du jugement du 29 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. X du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « 1. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) » ; qu'aux termes de l'article 266 du même code : « 1. La base d'imposition à la TVA est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation (...) » ; que cette dernière disposition a été prise pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 11 A § 1 de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, selon lequel : « La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et prestations de services (...), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent ;
Considérant qu'à l'issue des conférences données par M. X à l'invitation des églises organisatrices, des dons sont recueillis dans des corbeilles circulant entre les fidèles ; que les églises centralisent ces oboles puis en reversent une partie à l'orateur ;
Considérant que contrairement à ce que soutient le ministre, il ne résulte pas de l'instruction qu'un rapport juridique existerait entre M. X, auteur de la prestation, et les fidèles qui sont ses auditeurs et que la rétribution qu'il reçoit sous la forme d'honorarium n'est donc pas la contrevaleur du service qu'il leur rend ; que si les églises organisatrices peuvent être considérées comme les bénéficiaires de la prestation rendue, le caractère aléatoire de la rémunération constituée par les dons du public ne permet pas de regarder celle-ci comme présentant un rapport d'équivalence suffisant avec les prestations rendues ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'importance de l'auditoire serait directement liée à la notoriété de l'orateur et non au fait que ces conférences sont organisées par des églises à l'intention de leurs fidèles ; que si le ministre soutient que les interventions de M. X ont nécessité la mise en oeuvre de moyens de communication importants et l'organisation de longs déplacements dont le financement est assuré par les églises, cette circonstance, si elle tend à établir l'existence d'une activité économique, n'est pas suffisante pour caractériser l'existence d'un lien direct entre les prestations offertes et les rémunérations reçues ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, les rémunérations en cause versées à M. X ne peuvent être regardées comme en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent ; que par suite ces sommes ne constituent pas la contrepartie de prestations effectuées à titre onéreux au sens de l'article 256 précité du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a accordé à M. X la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Selvaraj X.
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N°07DA00435