Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société LA FERME DE LA GONTIERE, dont le siège social est 1 avenue de l'Energie à Comines (59560), par l'association d'avocats Maton-Fenaert-Vandamme-Wambeke ; la société LA FERME DE LA GONTIERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300506 du 6 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 juillet 2002 par laquelle le directeur-adjoint de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Nord, chef du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles lui a accordé l'autorisation de licencier pour faute Mme Agnès X, salariée protégée, ensemble la décision confirmative du 4 décembre 2002 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le non-respect des horaires de travail fixés à Mme X, lesquels relèvent de son pouvoir de direction, ne constituait pas un fait d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que les obligations familiales impérieuses invoquées par l'intéressée ne sont pas établies en l'absence de tout élément justificatif produit ;
- que les faits reprochés à Mme X ont été établis par l'inspecteur du travail, après enquête contradictoire ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2007, présenté pour Mme Agnès X, demeurant ..., par l'association d'avocats Joseph-Tillie-Califano-Ducrocq ; Mme X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société LA FERME DE LA GONTIERE à lui verser une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient :
- que le refus pour un salarié d'accepter un changement de ses horaires de travail peut être légitime lorsque ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses ; que la société, qui avait accepté qu'elle travaille à temps partiel, ne pouvait sans son accord lui imposer des horaires de travail et qu'ainsi, il s'agit d'une modification unilatérale de son contrat de travail ;
- que ses conditions de travail se sont dégradées et que cela traduit l'intention manifestée par son employeur de la licencier ;
Vu l'ordonnance du 9 juillet 2007 portant clôture de l'instruction au 31 octobre 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 23 octobre 2007, et régularisé par la production de l'original le 25 octobre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
il conclut à l'annulation du jugement ; il soutient :
- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus opposé par Mme X à son nouvel emploi du temps n'était pas fautif ; que l'intéressée ne peut justifier d'obligations familiales impérieuses ; que la fixation de l'horaire de travail, à défaut d'accord des parties, relève du pouvoir de direction de l'employeur et que le refus opposé à l'employeur est, dès lors, suffisamment grave pour justifier un licenciement ; que la fixation des horaires par l'employeur d'un temps partiel demandé, conformément à l'article L. 122-28-1 du code du travail, s'imposait au salarié en l'absence d'accord sur ce point ; que l'organisation de l'atelier d'emballage, qui nécessitait deux agents de maîtrise, a été soumise à l'avis des membres du comité d'entreprise et que Mme X a été informée des conséquences de celle-ci sur son rythme de travail ;
- que Mme X ne démontre pas, en ne produisant aucun élément, que le fait de ne pas travailler le samedi matin reposait sur des obligations familiales impérieuses et non sur de simples convenances personnelles ; qu'elle ne peut se retrancher derrière la protection de sa vie privée pour refuser d'informer son employeur sur les raisons qui l'empêchent de travailler le samedi ; que le refus de travailler le samedi par Mme X a occasionné, eu égard à son statut d'agent de maîtrise, de graves dysfonctionnements pour l'entreprise au niveau de l'organisation de l'activité et de la charge de travail supportée par les collègues de travail ; que son abandon de poste, qui est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier du licenciement de Mme X, a des conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ;
- que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet de mesures de harcèlement destinées à dégrader ses conditions de travail dans le but de la voir quitter l'entreprise ; que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société LA FERME DE LA GONTIERE est dépourvue de tout lien avec ses fonctions représentatives ;
Vu l'ordonnance du 29 octobre 2007 portant report de la clôture de l'instruction au
29 novembre 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2007, présenté pour la société LA FERME DE LA GONTIERE par lequel elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que l'affirmation selon laquelle Mme X aurait été rétrogradée est inexacte ;
Vu la décision du 13 décembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à Mme X l'aide juridictionnelle partielle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2008 à laquelle
siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;
- les observations de Me Wambeke, pour la société LA FERME DE LA GONTIERE ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société LA FERME DE LA GONTIERE a demandé à l'inspecteur du travail, le 14 juin 2002, l'autorisation de licencier pour faute Mme X, déléguée du personnel suppléante ; que, par une décision du 2 juillet 2002, le directeur-adjoint de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Nord, chef du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles lui a accordé l'autorisation demandée ; que, par une décision du 4 décembre 2002, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme X à l'encontre de cette décision et a maintenu l'autorisation de licencier l'intéressée ; que la société LA FERME DE LA GONTIERE relève appel du jugement du 6 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 juillet 2002 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision confirmative du 4 décembre 2002 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 122-28-1 du code du travail : « Pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption prévu par l'article
L. 122-26 ou par une convention ou un accord collectif, tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'une année à la date de naissance de son enfant ou de l'arrivée au foyer d'un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de la fin de l'obligation scolaire adopté ou confié en vue de son adoption a le droit soit de bénéficier d'un congé parental d'éducation durant lequel le contrat de travail est suspendu, soit de réduire sa durée de travail d'au moins un cinquième de celle qui est applicable à l'établissement sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, agent de maîtrise, adjointe au responsable du département « conditionnement de champignons » au sein de la société LA FERME DE LA GONTIERE, a informé son employeur, le 28 janvier 2002, qu'elle souhaitait, suite à son congé de maternité, travailler à temps partiel dans le cadre d'un congé parental ; que la société a, le 1er février 2002, répondu favorablement à sa demande et fixé, pour la bonne organisation de l'atelier d'emballage, le rythme de travail de l'intéressée, en lui demandant de travailler un samedi sur deux ; que Mme X a refusé cette nouvelle organisation et ne s'est pas présentée à son poste de travail, à plusieurs reprises, à compter du samedi 23 février 2002, malgré plusieurs rappels à l'ordre ; que si le refus du salarié d'accepter l'aménagement de ses horaires de travail, décidé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, n'est pas constitutif d'une faute grave lorsque la proposition n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, Mme X n'établit pas avoir de telles obligations en se bornant à indiquer qu'elle a droit au respect de sa vie privée ; que, dans ces conditions, le refus réitéré de l'intéressée d'être à son poste de travail un samedi sur deux, qui a entraîné des dysfonctionnements au niveau de l'activité de l'atelier d'emballage, constitue un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille s'est fondé, pour annuler les décisions des 2 juillet et 4 décembre 2002 en litige, sur le motif tiré de ce que les faits reprochés à Mme X ne constituaient pas des faits d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme X en première instance et en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-4-3 du code du travail : « Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. Le contrat de travail détermine également les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. (...) Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définies dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document devant être transmis au salarié en vertu du premier alinéa. » ; que si Mme X soutient que la modification de ses horaires de travail constitue un élément de son contrat de travail qui ne pouvait être modifié sans son accord, conformément aux dispositions de l'article L. 212-4-3 du code du travail précitées, ces dispositions ne sont applicables qu'aux salariés travaillant, déjà, à temps partiel ;
Considérant que si Mme X fait valoir que la dégradation de ses conditions de travail depuis son retour de congé de maternité traduit l'intention manifestée par son employeur de la licencier, elle n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LA FERME DE LA GONTIERE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 juillet 2002 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision confirmative du 4 décembre 2002 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société LA FERME DE LA GONTIERE, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de Mme X, partie perdante, le paiement à la société LA FERME DE LA GONTIERE de la somme de 1 525 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0300506 du 6 avril 2007 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société LA FERME DE LA GONTIERE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société LA FERME DE LA GONTIERE, à
Mme Agnès X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
N°07DA00914 2