Vu le recours, enregistré par télécopie le 14 février 2006 et régularisé par la production de l'original le 6 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0201310 du 8 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 juin 2003 du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE reclassant M. Stefan Y au 5ème échelon du corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2001 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient que le tribunal administratif ne pouvait légalement estimer que la période du 1er août 1995 au 31 juillet 1997 pendant laquelle M. Y a effectué un stage en Allemagne devait être prise en compte dans le calcul de l'ancienneté acquise par l'intéressé au moment de sa titularisation dans le corps des professeurs agrégés ; que les services en cause, accomplis en qualité d'enseignant stagiaire en Allemagne et dont le détail a été précisé par une attestation en date du 1er août 1997 établie par la ville libre hanséatique de Hambourg, doivent être regardés comme une simple formation pédagogique destinée aux futurs professeurs de lycée en Allemagne ; qu'ils ne peuvent, dans ces conditions, être assimilés à des services accomplis en qualité de professeur au sens des dispositions de l'article 3 du décret n° 51-1423 du
5 décembre 1951 ; que cette même période ne peut pas plus relever des dispositions de
l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951 qui, régissant la prise en compte de services effectués en qualité d'agent non titulaire, n'ont pas vocation à s'appliquer aux périodes de formation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu, enregistrées le 12 mai 2006, les pièces produites par M. Y ;
Vu la mise en demeure adressée le 22 mai 2006 au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 23 juin 2006 et régularisé par la production de l'original le 30 juin 2006, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, par lequel il renonce à produire le mémoire complémentaire annoncé ;
Vu la mise en demeure adressée le 5 février 2007 à M. Y, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 22 février 2007 et régularisé par la production de l'original le 26 février 2007, présenté pour M. Y, demeurant ..., par Me Weyl ; M. Y conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et demande en outre à la Cour de mettre à la charge du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. Y soutient que sa situation a été régularisée en exécution du jugement frappé d'appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2007, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, et tendant aux mêmes fins que sa requête ; le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE soutient, en outre, que l'édiction d'un arrêté, le 12 janvier 2006, pris pour l'exécution du jugement attaqué, ne rend pas sans objet l'appel qu'il a formé contre ce jugement ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2007, présenté pour M. Y, et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'administration requérante ; M. Y soutient, en outre, que les activités d'enseignement qu'il a exercées doivent être prises en compte, quand bien même elles s'inscriraient dans une formation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951, modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale ;
Vu le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972, modifié, portant statut particulier des professeurs agrégés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2008 à laquelle
siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;
- les observations de Me Fiszbejn, pour M. Y ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 mars 2008, présentée pour M. Y ;
Considérant que M. Y, professeur agrégé stagiaire d'allemand, a, par arrêté du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE du 1er février 2002, été reclassé à compter du 1er septembre 2001 au 3ème échelon de son grade avec une ancienneté de un an et huit mois ; que M. Y, estimant que plusieurs services qu'il avait accomplis n'avaient pas été pris en compte pour son reclassement, a introduit un recours devant le Tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 1er février 2002, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que, par un arrêté du 23 juin 2003 tendant à régulariser la situation de M. Y, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE l'a reclassé au 5ème échelon du corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2001, avec conservation d'une ancienneté de 2 ans, 4 mois et 16 jours tenant compte du service civil effectué en Allemagne ainsi que du lectorat effectué à l'Université de Rouen ; que, prenant acte de cette régularisation en tant qu'elle portait sur la prise en compte des services susmentionnés, le Tribunal administratif de Rouen, par jugement du 8 décembre 2003, a conclut au non-lieu sur les conclusions en annulation présentées ; que ce même Tribunal a toutefois considéré avoir été également saisi d'une demande d'annulation de l'arrêté susmentionné du 23 juin 2003, en tant qu'il refusait de prendre en compte d'autres services accomplis par l'intéressé et plus particulièrement un stage pédagogique que l'intéressé a suivi en ville libre et hanséatique de Hambourg ; qu'il a, par ce même jugement, annulé cet arrêté sur ce fondement ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il annule l'arrêté susmentionné du 23 juin 2003 portant reclassement de M. Y ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. Y :
Considérant que la circonstance que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, par arrêté du 12 janvier 2006 antérieur à la date d'enregistrement de sa requête d'appel, ainsi qu'il y était tenu, ait tiré les conséquences du jugement du Tribunal administratif de Rouen du 8 décembre 2005 par un reclassement de M. Y dans le corps des professeurs agrégés à compter du
1er septembre 2001 au 5ème échelon avec une ancienneté de 3 ans, 4 mois, 16 jours et une promotion à l'ancienneté au 6ème échelon à compter du 15 octobre 2001, ne rend pas sans objet l'appel du ministre formé contre ce jugement ; qu'ainsi, M. Y n'est pas fondé à soutenir que la requête du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Rouen du 8 décembre 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret susmentionné du 5 décembre 1951 : « Entrent en compte dans l'ancienneté d'échelon pour la promotion éventuelle à l'échelon supérieur, dans la limite de trois ans, les services accomplis par les agrégés en qualité de membres de l'Ecole française de Rome, de l'Ecole française d'Athènes, de pensionnaires de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire. / Peuvent également entrer en compte sans limitation de durée, après avis du ministre des affaires étrangères et de la commission administrative paritaire compétente, les services accomplis en qualité de professeur, de lecteur ou d'assistant dans un établissement d'enseignement à l'étranger. » ;
Considérant que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, M. Y devant être regardé comme ayant suivi à Hambourg une formation pédagogique assimilable à celle qui est dispensée, en France, par les instituts de formation des maîtres, et non comme ayant effectué des services en qualité de professeur au sens des dispositions susmentionnées de l'article 3 du décret du 5 décembre 1997 ; qu'en l'espèce, il ressort de l'attestation du 1er août 1997 établie par la ville libre et hanséatique de Hambourg, que les fonctions dont M. Y se prévaut ont été accomplies en qualité de stagiaire et ne sauraient, dans ces conditions et alors même que l'intéressé aurait participé à quelques modules pratiques d'enseignement dans ce cadre, être regardées comme des services accomplis en qualité de professeur, lecteur ou assistant dans un établissement d'enseignement à l'étranger au sens des dispositions susmentionnées ; que, dans ces conditions, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 juin 2003 en tant qu'il ne prenait pas en compte les services susmentionnés de M. Y ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Considérant qu'il résulte tant des stipulations de l'article 48, devenu après modification l'article 39, du Traité instituant la communauté européenne, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, que du règlement (CEE) n° 161268 du Conseil du 15 octobre 1968 que, lorsqu'un Etat membre prévoit, à l'occasion du recrutement de personnel, de prendre en compte des activités professionnelles antérieures exercées par les candidats au sein d'une administration publique, il ne peut, à l'égard des ressortissants communautaires, opérer de distinction selon que ces activités ont été exercées dans le service public de ce même Etat membre ou dans celui d'un autre Etat membre ; qu'il résulte d'une lecture combinée de ces stipulations et des dispositions du décret du 5 décembre 1951 que doivent être pris en compte, pour le reclassement d'un agent ressortissant d'un autre pays de la communauté européenne dans le corps des professeurs certifiés, les services d'enseignement accomplis dans des conditions comparables dans les établissements d'enseignement de ce pays avant sa nomination ; que, contrairement aux allégations de M. Y, les dispositions de droit interne et plus particulièrement les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 5 décembre 1951, qui prennent en compte, pour le classement des personnes recrutées dans le corps des professeurs agrégés, les services accomplis antérieurement en qualité de professeur, de lecteur ou d'assistant dans un établissement à l'étranger, ne sauraient, être regardées comme incompatibles avec les stipulations susmentionnées ;
Considérant, d'autre part, que l'absence de prise en compte d'une période de stage pour le calcul du reclassement de M. Y ne saurait être regardée comme constitutive d'une discrimination illégale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à se prévaloir, à supposer sa requête recevable, de ce que l'arrêté litigieux de reclassement en date du 23 juin 2003 est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prononcer son reclassement en reprenant les services susmentionnés doivent également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de cet article : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour administrative d'appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par M. Y dans la requête d'appel doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0201310 du 8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 23 juin 2003.
Article 2 : La demande de M. Y tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2003 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. Y est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et à M. Stefan Y.
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N°06DA00224