Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 25 mai 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la
SCI « PRE VERT », par la SCP Ricard, Demeure et associés ; la SCI « PRE VERT » demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0400664 du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de Compiègne à lui verser la somme de 4 757 192 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité d'un refus de permis de construire un bâtiment de bureaux ainsi que celle d'un refus de permis de construire un restaurant opposé à la société Quick Invest et, d'autre part, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la commune de Compiègne à lui verser la somme de 4 757 192 euros avec intérêt au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner la commune de Compiègne à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le lien de causalité entre les pertes globales résultant de l'illégalité des deux refus de permis de construire et les fautes commises par la commune de Compiègne présente un caractère certain et direct ; qu'en effet, la SCI « PRE VERT » a été spécialement constituée pour l'opération litigieuse, comme cela ressort du compromis de vente ; que l'opération n'a pas vu le jour du seul fait des refus de permis de construire dès lors que la condition suspensive relative au financement de l'opération n'a été rédigée que dans le seul intérêt de l'exposante, laquelle en décidant de ne formuler aucune demande de prêt se voyait impérativement tenue d'acquérir le bien promis si les permis de construire avaient été délivrés, de sorte que la défaillance de ladite condition n'entraînait pas de plein droit la caducité de la convention ; que les préjudices invoqués présentent un caractère certain et direct, et notamment le paiement des pertes de loyers qui auraient été dus à l'exposante, de l'indemnité d'immobilisation versée à la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise et des honoraires d'architecte, le tout pour un montant de 4 757 192 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2007, présenté pour la SCI « PRE VERT » qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et demande la capitalisation des intérêts à compter de ce jour ; elle soutient en outre que la non réalisation de la condition suspensive est imputable exclusivement à la seule faute commise par la commune ; que la caducité de la promesse de vente est imputable exclusivement aux refus de permis de construire et à la circonstance que la SCI « PRE VERT » n'a pas sollicité l'obtention d'un prêt, abstention dont la chambre de commerce et d'industrie aurait été en droit de se prévaloir pour considérer que la condition était accomplie ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2007, présenté pour la commune de Compiègne, par Me Odent, qui conclut au rejet de la requête de la SCI « PRE VERT » et à sa condamnation à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'existence d'un lien direct et certain entre la faute de la commune et le préjudice allégué n'est pas établie ; que la SCI « PRE VERT » ne justifie pas avoir été exclusivement constituée en vue de réaliser l'opération à laquelle la commune de Compiègne s'est illégalement opposée ; que la SCI « PRE VERT » ne peut affirmer qu'il lui restait encore du temps, après les refus de permis de construire survenus le 1er février 2001, pour officialiser sa demande de prêt dès lors qu'elle ne démontre pas plus la réalisation certaine de cette condition, notamment par la production d'une convention de prêt ; que le refus de permis de construire opposé à la société Quick Invest n'a causé par lui-même aucun préjudice direct à la SCI « PRE VERT » ; qu'en acceptant le risque de voir la promesse de vente du 6 juillet 2000 et, par voie de conséquence, la promesse de bail consentie à la société Quick Invest devenir caducs, la SCI « PRE VERT » ne saurait demander réparation à la commune de Compiègne ; que le reçu de l'étude notariale portant sur la somme de 175 000 euros en date du 6 juillet 2000, produit par la SCI « PRE VERT » est un document contemporain du compromis de vente passé par la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise, qui atteste uniquement du versement de cette somme entre les mains du notaire, sans établir son versement au profit du vendeur, et il ne saurait, dans ces conditions, rapporter la preuve certaine d'un préjudice ; que la SCI le « PRE VERT » n'établit pas que les autres conditions suspensives, en dehors de celle relative à l'obtention du permis de construire, aient été levées et qu'ainsi, seul le refus de celui-ci soit à l'origine de la caducité de la promesse et de la perte d'immobilisation du terrain prévue au profit du vendeur, à supposer que celle-ci ait été définitive ; que la note d'honoraires produite, émanant du cabinet d'architecte, d'un montant de 2 734,94 euros, et portant sur l'obtention d'un permis de démolir et d'un permis de construire « un ensemble de bureaux » ne comporte pas le détail des prestations, alors que les frais engagés pour le permis de démolir sont étrangers à la présente procédure et ne justifient pas d'un paiement effectif ; que la réalité du manque à gagner que la SCI « PRE VERT » prétend avoir subi du fait de la non-conclusion du contrat de bail à construction avec la société Quick Invest n'est pas davantage démontrée et n'a qu'un caractère éventuel ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 4 janvier 2008 et confirmé par la production de l'original le 8 janvier 2008, présenté pour la SCI « PRE VERT » qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 7 janvier 2008 et confirmé par la production de l'original le 8 janvier 2008, présenté pour la SCI « PRE VERT » ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;
- les observations de Me Ricard pour la SCI « PRE VERT » ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par deux jugements devenus définitifs en date du 12 novembre 2002, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé les refus de permis de construire un bâtiment à usage de bureaux et un bâtiment à usage de restaurant opposés respectivement par le maire de la commune de Compiègne à la SCI « PRE VERT » et à la société Quick Invest, au motif que les atteintes invoquées par la commune sur le fondement des articles R.111-4 et R.111-21 du code de l'urbanisme n'étaient pas fondées ; que la requête de la SCI « PRE VERT » est dirigée contre un jugement du
20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Compiègne à lui verser une somme de 4 757 192 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les décisions de refus des deux permis de construire annulées par le même Tribunal par ses jugements du 12 novembre 2002 ;
Considérant que l'illégalité entachant les deux refus de permis de construire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de la SCI « PRE VERT », dès lors que cette dernière est en mesure de justifier d'un préjudice direct et certain imputable à cette illégalité fautive ;
Considérant qu'aux termes des stipulations du compromis de vente, en date du 6 juillet 2000, par lequel la SCI « PRE VERT » se portait acquéreur auprès de la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise des parcelles d'assiette des projets refusés, la cession de ces dernières était subordonnée, outre à la condition suspensive afférente à la délivrance des autorisations de construire les bâtiments litigieux, à l'obtention par la SCI « PRE VERT » des financements nécessaires à la réalisation du projet, pour un montant de 4 800 000 francs dans un délai de huit mois à compter du
6 juillet 2000 ; qu'aux termes des stipulations de la promesse de bail à construction établie le
24 juillet 2000 entre la SCI « PRE VERT » et la société Quick Invest, laquelle portait sur la réalisation, sur une partie des parcelles d'assiette ayant fait l'objet de la précédente convention, du restaurant dont le permis de construire a été refusé, la conclusion dudit bail était elle-même subordonnée à l'acquisition par la SCI « PRE VERT » de ces parcelles auprès de la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise ;
Considérant que si la SCI « PRE VERT » ne démontre pas que la condition suspensive relative au financement de l'opération, prévue au compromis de vente en date du 6 juillet 2000, ait été réalisée alors que sa défaillance entraînait de plein droit la caducité de cette convention et, par voie de conséquence, celle de la promesse de bail à construction, signée le 24 juillet 2000, il résulte de l'instruction que le 1er février 2001, date des refus de permis de construire un bâtiment de bureaux opposé à la SCI « LE PRE VERT », et un restaurant, opposé à la société Quick Invest, le délai pour lever les conditions suspensives n'était pas encore intervenu ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le défaut de réalisation de la condition suspensive relative au financement de l'opération pour rejeter la demande présentée par la SCI « PRE VERT » ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCI « PRE VERT » ait été exclusivement constituée en vue de réaliser l'opération à laquelle la commune de Compiègne s'est illégalement opposée ; que, par suite, comme l'a retenu le Tribunal administratif d'Amiens, le préjudice correspondant aux frais de sa constitution n'est pas imputable aux fautes commises par la commune ;
Considérant que la SCI « PRE VERT » demande à être indemnisée du préjudice lié aux honoraires d'architecte, en vue d'établir le projet de construction de l'immeuble à usage de bureaux illégalement refusé ; que toutefois, comme le soutient la commune de Compiègne sans être contredite sur ce point, la réalité du paiement n'est pas démontrée par la note d'honoraires produite ; qu'ainsi, cette demande ne peut qu'être également rejetée ;
Considérant que la SCI « PRE VERT » invoque un préjudice au titre de l'indemnité d'immobilisation qu'elle aurait versée à la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise ; que toutefois, elle ne justifie pas par la simple production d'un reçu de consignation de la somme en cause auprès d'une étude notariale, l'effectivité du versement de cette somme au bénéficiaire, et par suite la réalité du préjudice qu'elle revendique ;
Considérant que si la SCI « PRE VERT » demande également à être indemnisée des pertes des loyers concernant le bâtiment où devaient être implantés des bureaux, ce préjudice qui est purement éventuel ne peut ouvrir droit à indemnisation ;
Considérant que le préjudice né de l'impossibilité de récupérer auprès de la société Quick Invest la participation aux travaux de reconstruction de l'immeuble n'est pas indemnisable, à défaut de construction de l'immeuble en cause ;
Considérant, en revanche, que la société Quick Invest s'était obligée à prendre à bail de construction, pour une durée de trente années les terrains cadastrés AD 39, AD 40 et AD 44, achetés par la SCI ; que la perte du « droit d'entrée » ainsi que des loyers stipulés constitue donc un préjudice certain, en relation directe avec le refus fautif du permis de construire ; que, cependant, le préjudice doit être estimé, non à la perte des loyers, mais à la perte de la marge bénéficiaire, et sur une durée qui ne saurait excéder trois ans, le préjudice présentant au delà un caractère éventuel ; que, compte tenu du taux de rentabilité habituellement observé dans ce secteur locatif, il sera fait une juste appréciation du préjudice indemnisable de ce chef en l'évaluant à une somme globale de
150 000 euros, tous intérêts y compris le jour du présent arrêt ; qu'eu égard à la globalisation des intérêts et du principal ci-dessus retenu, les conclusions aux fins d'anatocisme sont sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI « PRE VERT qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Compiègne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, au titre des mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Compiègne à verser à la SCI « PRE VERT » une somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Compiègne est condamnée à verser à la « SCI PRE VERT » une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis.
Article 2 : La commune de Compiègne est condamnée à verser à la « SCI PRE VERT » une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la « SCI PRE VERT » est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Compiègne tendant à l'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 20 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI « PRE VERT » et à la commune de Compiègne.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°07DA00780