Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 15 juin 2007, présentée pour M. Ali Reza X, demeurant ..., par Me Berthe ; il demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0701047, en date du 2 mai 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du
Pas-de-Calais en date du 15 janvier 2007 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour temporaire « vie privée et familiale » et comportant obligation à quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté ; d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte ; de condamner l'Etat à verser au requérant la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; de condamner l'Etat à verser à l'avocat du requérant, au cas où l'aide juridictionnelle serait accordée et sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 15 janvier 2007 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de
155 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser au requérant la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat à verser à l'avocat du requérant, au cas où l'aide juridictionnelle serait accordée et sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat, une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement du Tribunal administratif de Lille, en date du 2 mai 2007, est irrégulier en tant que le juge de première instance n'a pas répondu distinctement aux moyens selon lesquels la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour et en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour, est entachée d'une insuffisance de motivation en droit, celle-ci se bornant à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour, est entachée d'une erreur de fait, le requérant ayant justifié de son identité ; que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant vivant en France depuis près de trois années, étant marié avec une ressortissante française depuis 2006, disposant d'attaches privées et familiales stables sur le territoire national, n'ayant plus de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine depuis son départ et la cellule familiale ne pouvant se recomposer en Iran ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, a été signée par une autorité incompétente ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, est entachée d'un défaut de motivation de droit et de fait, les motifs soulevés ne concernant que le refus du titre de séjour ; que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle ne fixe pas le pays de destination à destination duquel le requérant serait renvoyé ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les motifs que le refus de titre de séjour ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 14 juin 2007 portant clôture de l'instruction au 31 août 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2007, présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui demande à la Cour de rejeter la requête présentée par M. X ; il soutient que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour, fait références aux motifs de droit qui l'ont fondée et est parfaitement motivée ; qu'il est possible d'émettre un doute sérieux sur l'identité du requérant et, qu'en tout état de cause, ses conditions d'entrée et de séjour en France ne lui permettaient pas de bénéficier d'un titre de séjour ; que le caractère récent du mariage du requérant à la date de la décision, ses conditions d'entrée et de séjour, ainsi que ses liens avec son pays d'origine font que la décision attaquée, en tant qu'elle refuse le titre de séjour, n'a pas été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, a été prise par une autorité habilitée à le faire ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire, est suffisamment motivée ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, n'a pas été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour les mêmes motifs que ceux motivant le refus de titre de séjour ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire, fixe le pays de destination vers lequel le requérant sera renvoyé ;
Vu l'ordonnance en date du 6 septembre 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu la lettre, en date du 8 novembre 2007, informant les parties, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, premier conseiller et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Marc Estève, président-rapporteur ;
- les observations de M. X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le juge de première instance a répondu à l'ensemble des moyens présentés devant lui et, notamment, au moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais attaqué, en tant qu'il prononce à l'encontre du requérant l'obligation de quitter le territoire français, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de réponse par le juge de première instance à un moyen soulevé devant lui manque en fait ;
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que s'il est constant que M. X, qui ne se prévaut pas d'un visa de long séjour, ne peut prétendre à l'obtention d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de ressortissant français, il ressort néanmoins des pièces du dossier que M. X, de nationalité iranienne et entré en France en septembre 2004, a établi depuis janvier 2005 une communauté de vie stable avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 28 septembre 2006 ; que, dans ces conditions, la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus de séjour, a porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a méconnu, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés en appel, qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, l'arrêté du préfet du
Pas-de-Calais en date du 15 janvier 2007 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, le même arrêté en tant qu'il porte, d'une part, obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, fixe le pays de destination en cas de reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. » ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule, pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision du préfet du Pas-de-Calais refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour implique, sous réserve de circonstances nouvelles de droit ou de fait postérieures à la décision attaquée et de nature à justifier un refus de séjour, que l'autorité préfectorale lui délivre un titre de séjour « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. X réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0701047, en date du 2 mai 2007, du Tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 15 janvier 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X, lui a enjoint de quitter le territoire et a fixé le pays de destination en cas de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour « vie privée et familiale » à
M. X.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali Reza X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
N°07DA00843 2