Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Jeannine X, demeurant ..., par Me Dutoit ; Mme X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0301650 et 0403114 du 21 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et des pénalités dont ils ont été assortis ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au dernier mémoire du directeur des services fiscaux qui lui a été communiqué alors que ce mémoire répondait à des nouveaux moyens et que le tribunal administratif s'est fondé sur ce mémoire pour fonder sa décision de rejet ; que le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas aux moyens invoqués pour démontrer le caractère exagéré de la reconstitution de chiffre d'affaires ; que la reconstitution du chiffre d'affaires comporte une insuffisance d'évaluation des consommations liquides du personnel et des musiciens, la non prise en compte du taux de perte de cuisson pour les viandes et du taux de perte des salades ; que l'avis de mise en recouvrement du 12 septembre 2006 est irrégulier dans la mesure où il ne fait pas référence aux éléments de la liquidation des droits et pénalités, à la suite des modifications de la base des rehaussements ; que l'administration n'établit pas la mauvaise foi alors que le pourcentage des minorations par rapport au résultat déclaré est modique et ces écarts peuvent être expliqués par l'utilisation d'une méthode extra-comptable entachée d'incertitudes ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le mémoire de l'administration a été régulièrement produit dans le délai d'instruction ; que le jugement est suffisamment motivé ; que la charge de la preuve incombe au contribuable ; qu'en ce qui concerne les recettes du café-bar, la majoration de 40 % des liquides consommés par la requérante et son compagnon en raison d'une présence accrue au sein de l'établissement ne sont appuyés d'aucune justification, que les tarifs retenus par le vérificateur correspondent à ceux communiqués oralement par Mme X au cours du contrôle et correspondent aux consommations les plus courantes ; que le prix moyen calculé par la requérante n'est pas pondéré en fonction de la quantité consommée ; qu'il n'y a pas lieu de décompter une perte sur les boissons effectivement consommées par le personnel ; qu'en ce qui concerne les recettes du restaurant, les pertes invoquées sont incluses dans l'évaluation globale des pourcentages de pertes retenues contradictoirement lors du contrôle ; que l'avis de mise en recouvrement contesté est régulier dès lors qu'il fait référence à une lettre du 30 juillet 2002 qui indique les nouvelles conséquences financières du contrôle ; que la mauvaise foi est établie par l'importance et la persistance des minorations de recettes ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2007, présenté pour Mme X qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2007 après la clôture de l'instruction, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un mémoire du directeur des
services fiscaux, enregistré le jeudi 31 août 2006 a été communiqué le même jour à
Mme X ; que compte tenu de la date de l'audience fixée le 7 septembre 2006, la clôture de l'instruction était acquise le lundi 4 septembre 2006, conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du même code ; que le mémoire présenté par le directeur des services fiscaux contenait des moyens nouveaux qui ont eu une incidence sur la solution adoptée par les premiers juges ; que Mme X, qui a présenté une demande de réouverture de l'instruction le 4 septembre 2006 à laquelle il n'a pas été répondu, n'a pas disposé du temps nécessaire pour y répliquer avant la date de clôture ; que Mme X est donc fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à la régularité, il y a donc lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 21 septembre 2006 ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : « A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : « L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de redressement contradictoire, il fait référence soit à la notification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements, soit au document adressé au contribuable qui comporte l'information prévue au premier alinéa de l'article L. 48. » ;
Considérant que Mme X conteste la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 30 août 2002 des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, au motif que cet avis ne comporte pas la référence à un tableau récapitulatif reprenant l'ensemble des pièces de procédure envoyées par le vérificateur ; que si l'administration ne lui a pas envoyé un tel tableau, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui en faisait l'obligation ; qu'elle n'est pas fondée à demander, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des termes de l'instruction du 18 février 2000 publiée sous la référence 13 L-1-00, qui ne contient que de simples recommandations aux agents de l'administration quant à la conduite de la procédure d'imposition ;
Considérant, par ailleurs, que l'avis de mise en recouvrement en cause se réfère expressément à la notification de redressement du 20 juillet 2001 et à un courrier du
30 juillet 2002 qui informe Mme X des modifications apportées aux rehaussements initialement notifiés et des conséquences financières des redressements ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement serait irrégulier faute de contenir la référence aux éléments de liquidation des droits recouvrés ; qu'elle n'est pas davantage fondée à opposer à l'administration les commentaires de la documentation de base 12 C 1221 n° 2 et n° 13 du 1er décembre 1984 et de l'instruction 12 A-4-80 du 21 avril 1980 qui, traitant de questions relatives à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (…) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. » ;
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et non contestés en appel, l'administration établit l'existence de graves irrégularités de la comptabilité de l'activité de bar restaurant exercée par Mme X, résultant notamment de la comptabilisation globale des recettes journalières sans brouillards de caisse ni pièces justificatives ; que l'administration a mis en recouvrement les impositions conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 3 mai 2002 ; qu'en conséquence, la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à
Mme X ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
Considérant, en premier lieu, que Mme X soutient que la reconstitution de recettes n'aurait tenu compte que de manière insuffisante de l'évaluation de la consommation du personnel et des musiciens ; qu'il résulte de l'instruction que pour déterminer le montant de ces consommations, le vérificateur a, de manière contradictoire, déterminé une consommation journalière de boissons qui a été multipliée par le nombre de jours travaillés ; que s'agissant du personnel ce nombre a été établi en fonction de la moyenne des employés à l'année pour chacune des années vérifiées ; qu'ainsi cette moyenne tenait compte des congés du personnel et de la circonstance que certains salariés ont quitté ou sont entrés dans l'établissement en cours d'année ; que Mme X n'établit pas que le nombre de jours travaillés était pour 1999 et 2000 supérieur à ce que le vérificateur a retenu alors que la méthode différente qu'elle propose ne conduit à aucune différence significative ;
Considérant, en deuxième lieu, que les consommations de Mme X et de M. Y ont été évaluées à partir d'une consommation journalière égale à celle retenue pour les membres du personnel ; que Mme X n'établit ni que le nombre de leurs jours de présence était supérieur à ceux des salariés ni que leur consommation d'alcool journalière était supérieure ;
Considérant, en troisième lieu, que les tarifs de consommation retenus contradictoirement au cours du contrôle correspondent à ceux des consommations les plus courantes ; que
Mme X n'établit pas que les alcools effectivement consommés par le personnel et les musiciens aient été également répartis entre toutes catégories d'alcool et que la prise en compte d'un prix moyen pour chaque catégorie reflète davantage la réalité de cette consommation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient
Mme X de déterminer un abattement sur pertes avant l'imputation de la consommation du personnel ou des musiciens ;
Considérant, en cinquième lieu, que pour déterminer les recettes de l'activité de restauration, le vérificateur a calculé le nombre de repas servis à partir des achats de viandes ressortant des factures présentées et tenant compte notamment des pertes et des consommations du personnel ; que les ventes de salades ont été reconstituées à partir des achats de magrets de canard fumé et de gésiers de volailles en tenant compte des quantités incorporées dans les salades ; que si Mme X soutient que les pertes de cuisson pour les viandes cuites à la poêle et les pertes de salades préparées à l'avance sont insuffisamment prises en compte, elle ne l'établit pas, alors que la méthode retenue par l'administration inclut les pertes subies dans l'évaluation globale ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplet, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi du contribuable est établie (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X s'est systématiquement et délibérément abstenue de comptabiliser une part importante des recettes de son établissement au cours des années 1998 à 2000 ; qu'ainsi l'administration établit la mauvaise foi du contribuable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes présentées par
Mme X devant le Tribunal administratif d'Amiens doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement à Mme X de la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0301650 et 0403114 du 21 septembre 2006 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jeannine X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA01533