Vu la requête, enregistrée le 27 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Dominique Y demeurant ..., par la SCP Corsaut-Verdez ; M. Y demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0202075, en date du 22 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2002 par laquelle le préfet de la Somme a autorisé M. Denis X à exploiter une surface de 36 hectares 75 ares à Clairy-Saulchoix, Saleux et Vers-sur-Selle ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 juillet 2002 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les sections spécialisées de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ne pouvaient être valablement constituées à la date de l'arrêté préfectoral du
3 juillet 2001 dès lors qu'à cette date et suite à l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 février 2001, l'article R. 313-1 du code rural n'avait pas été modifié ; que l'arrêté du 29 juin 2002 vise également l'arrêté préfectoral du 1er octobre 1999 constituant la commission départementale d'orientation de l'agriculture, lequel a été pris en application du décret du 26 août 1999 annulé par le décret précité du Conseil d'Etat du 28 février 2001, ainsi que le décret du 10 juin 1985, lequel a été abrogé par un décret du 25 novembre 1999 ; que la décision contestée prise après consultation d'une commission départementale d'orientation de l'agriculture irrégulièrement composée encourt l'annulation pour défaut de base légale ; que le préfet ne précise pas en quoi le fait d'agrandir une exploitation de
119 hectares et d'en réduire une autre à 115 hectares ne serait pas contraire aux orientations du schéma directeur départemental ; que la motivation de l'arrêté attaqué, libellé en termes généraux, ne peut être considérée comme répondant à l'obligation faite au préfet de motiver légalement sa décision ; que le préfet n'a pas pris en compte les incidences économiques sur son exploitation agricole résultant d'une réduction aussi importante de la surface qu'il exploite et de la perte de revenus en découlant ; que l'incidence économique, contrairement à ce que soutient le tribunal administratif, ne se mesure pas seulement en comparant les surfaces ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mars 2006 portant clôture d'instruction au 31 mars 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2006, présenté pour M. Denis X, demeurant ..., par la SCP JP. Sterlin - C. Sterlin, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir que le nouveau moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission départementale d'orientation agricole est irrecevable et, subsidiairement, infondé ; que, contrairement à ce que soutient M. Y, la décision attaquée est parfaitement motivée ; que l'appelant ne démontre pas que la reprise en litige porterait atteinte à l'autonomie de son exploitation et serait contraire aux orientations du schéma départemental d'orientation ; que les parcelles en cause font partie du patrimoine familial et qu'il emploie un salarié ;
Vu l'ordonnance en date du 27 août 2007 portant réouverture d'instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2007 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 31 août 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens tirés de ce que la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture aurait été irrégulièrement composée et de ce que les visas de l'arrêté préfectoral seraient inexacts ; que ces deux moyens sont irrecevables comme présentés pour la première fois en appel ; qu'en tout état de cause, l'arrêté préfectoral critiqué doit être tenu pour valide dans la mesure où il est respectueux de la lettre de l'article
L. 313-1 du code rural qui est suffisamment précise pour être appliquée directement ; que, d'autre part, l'éventuelle erreur commise dans les visas de l'arrêté est sans influence sur la légalité de la décision ; qu'au regard des exigences du code rural en la matière, devra être écarté le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté ; que c'est à tort qu'il est soutenu que, du fait de la reprise, il serait porté atteinte à l'équilibre et à l'autonomie de l'exploitation de M. Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Dominique Y avait soulevé, devant le Tribunal administratif d'Amiens, un moyen de légalité externe tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ; que, par suite, il est recevable à se prévaloir pour la première fois en appel du moyen tiré de la composition irrégulière de la commission départementale d'orientation agricole qui relève de la même cause juridique ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code rural, dans sa rédaction résultant de l'article 8-1 de la loi du 9 juillet 1999 alors applicable : « Il est institué auprès du représentant de l'Etat dans le département, qui la préside, une commission départementale d'orientation de l'agriculture composée notamment de représentants des ministres intéressés, de la production agricole, des propriétaires et des fermiers-métayers, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, de l'artisanat et du commerce indépendant de l'alimentation, des consommateurs et des associations agrées pour la protection de l'environnement, ainsi que d'un représentant du financement de l'agriculture. Sa composition est fixée par décret ; (…) » ; que l'article 1er du décret du 26 août 1999 modifiant l'article R. 313-1 du code rural, a été annulé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 213776 en date du 28 février 2001 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Somme du
29 juillet 2002 autorisant M. Denis X à exploiter 36 hectares 75 ares de terres sises sur les communes de Clairy-Saulchoix, Saleux et Vers-sur-Selle, a été pris après consultation de la section spécialisée de la commission départementale d'orientation de l'agriculture dont la composition a été fixée par arrêtés du préfet de la Somme des 1er octobre 1999 et 3 juillet 2001 ; que l'arrêté du 1er octobre 1999 portant composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et l'arrêté en date du 3 juillet 2001 fixant la composition de la section spécialisée de cette commission qui a statué sur l'autorisation en litige, ont été pris sur le fondement de l'article R. 313-1 du code rural dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 26 août 1999 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cet article a été annulé par le Conseil d'Etat par une décision en date du 28 février 2001 ; que, par suite, comme le soutient M. Y, la décision du préfet de la Somme d'autorisation d'exploiter en date du 29 juillet 2002 prise après consultation, le 3 juin 2002, de la section spécialisée irrégulièrement composée, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Y une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que M. Y qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0202075 en date du 22 décembre 2005 du Tribunal administratif d'Amiens et la décision en date du 29 juillet 2002 du préfet de la Somme, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. Y une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Dominique Y, à M. Denis X, ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
N°06DA00317 2