Vu la requête, enregistrée le 17 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Gilles X, demeurant ..., par Me Gellé ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0305486 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de la période du
1er janvier 1998 au 31 mai 2001, à concurrence de la somme de 28 646 euros et, d'autre part, au remboursement des frais exposés pour constituer les garanties ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il procédait à la transformation des fleurs qu'il vendait au sens des dispositions de l'article 278 bis du code général des impôts ; que la méthode de reconstitution adoptée lors de la vérification ne permettait pas que ladite vérification reflète de manière réaliste l'activité de M. X ; que l'instruction administrative 3 C-1-95 n° 3 en date du 2 janvier 1995, sur le fondement de laquelle la vérification a été réalisée, ajoute au texte de l'article 278 bis du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que le vérificateur pouvait, en conformité avec les dispositions de l'article 278 bis du code général des impôts, opérer une distinction entre les bouquets, qui désignent de simples assemblages de fleurs coupées, et les compositions et autres produits élaborés, pour lesquels intervient une part très importante de « savoir-faire » ; que les instructions administratives relatives à l'interprétation de l'article 278 bis du code général des impôts n'ajoutent pas au texte dudit article ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2006, présenté pour M. X, par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'instruction 3 C-6-05 du 29 juin 2005, qu'il peut opposer à l'administration en application des dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, et l'application qui en a été faite par la Direction de la législation fiscale dans un courrier adressé à l'entreprise Interflora dont il est membre, viennent confirmer sa position sur l'interprétation qu'il convient de donner à la notion de transformation figurant à l'article 278 bis du code général des impôts ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 23 mars 2007 et confirmé par la production de l'original le 26 mars 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la prise de position de la Direction de la législation fiscale dans une lettre adressée à la société Interflora, qui constitue une prise de position individuelle, n'est opposable à l'administration que par cette seule société et dans la limite de son objet précis, et que M. X ne saurait donc s'en prévaloir ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2007, présenté pour M. X, par lequel ce dernier conclut aux mêmes fins par les moyens ; il soutient, en outre, qu'il résulte des dernières écritures du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que la lettre adressée le
12 août 2005 constitue bien une prise de position formelle opposable, sur le fondement de l'article
L. 80 A du livre des procédures fiscales, à l'administration par la société Interflora ou par les membres du réseau Interflora ; que les produits qu'il commercialise sont indistinctement destinés à l'activité « commandes » et à l'activité « Interflora » ; que le manque de précision qui lui est reproché par l'administration a entaché tout autant le travail du vérificateur ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 juin 2007 et confirmé par la production de l'original le 2 juillet 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, par lequel ce dernier conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;
- les observations de Me Gellé, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X exerce l'activité de fleuriste ; que son établissement principal se situe à Valenciennes et son établissement secondaire à Lille ; que le requérant a fait l'objet, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'une vérification de comptabilité relative à la période allant du 1er janvier 1998 au 31 mai 2001 ; qu'à l'issue de ce contrôle, des redressements ont été notifiés, le 15 octobre 2001, à M. X, motivés par la remise en cause du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur une partie importante de ventes de fleurs ne répondant pas aux critères définis à l'article 278 bis du code général des impôts ; que M. X a interjeté appel du jugement en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Considérant, en premier lieu, que M. X conteste la méthode de reconstitution utilisée par le vérificateur qui a conduit ce dernier à remettre en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à une partie importante des ventes effectuées au titre des années en litige ;
Considérant que le vérificateur a procédé à la reconstitution des ventes réalisées selon les taux de taxe sur la valeur ajoutée en distinguant les ventes faisant suite à des commandes, à des ordres d'exécution Interflora et les ventes en magasin ; qu'il a procédé à une analyse exhaustive des bons de commande disponibles et relatifs aux magasins de Valenciennes pour les années 1999 et 2000 et de Lille pour les années 1998 à 2000 et a réalisé un inventaire complet des ordres d'exécution Interflora pour les années 1998, 1999 et 2000 et a déterminé la part des ventes à taux normal en fonction des indications de ces documents ; qu'elle a admis en définitive d'appliquer à
90 % des ventes en magasin le taux réduit et aux 10 % restants le taux normal ; qu'ainsi, la reconstitution contestée qui s'est uniquement fondée sur des données de l'entreprise fournies par
M. X n'est pas viciée dans son principe ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (…) 3° Produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation » ; qu'au sens de ces dispositions, la transformation s'entend, pour un fleuriste, de l'utilisation des fleurs comme d'éléments constitutifs de produits floraux dans lesquels entre une part significative de main d'oeuvre, à l'exclusion de simples assemblages de fleurs coupées ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'affirme le requérant, l'instruction du 2 janvier 1995, qui distingue, d'une part, la vente de fleurs fraîches ou l'assemblage de fleurs coupées soumis au taux réduit de taxe sur la valeurs ajoutée et, d'autre part, les compositions réalisées à l'aide des mêmes fleurs qui sont soumises au taux normal de ladite taxe, n'a nullement ajouté aux dispositions de l'article précité ;
Considérant que M. X n'a jamais fourni le moindre élément de preuve pour étayer son allégation selon laquelle les compositions ne constitueraient pas plus de 5 % de son chiffre d'affaires ; que, par ailleurs, l'interprétation de l'article 278 bis du code général des impôts que M. X a, selon ses propres affirmations, retenu, et consistant à n'appliquer le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée qu'aux commandes excédant une somme de 500 francs, n'est pas conforme aux dispositions précitées, dès lors qu'elle ne tient aucun compte de la notion de transformation ; qu'enfin, l'évocation, par les premiers juges, de la qualité, d'ailleurs revendiquée par M. X, de « meilleur ouvrier de France », a seulement pour objet de souligner que le requérant, compte tenu de ses compétences, était en mesure de proposer à sa clientèle des produits transformés au sens des dispositions de l'article 278 bis du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 alinéa 1er du livre des procédures fiscales : « L'administration peut effectuer toutes les compensations entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution prévue à l'article 234 nonies du code général des impôts, la taxe d'apprentissage, la taxe sur les salaires, la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, établis au titre d'une même année » ; que l'article L. 80 A du même livre dispose : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, dont M. X invoque les dispositions, qu'il ne saurait trouver application dans la présente espèce qui porte sur des redressements de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à supposer que le requérant ait en réalité voulu invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, il ressort une fois encore des termes mêmes de ce texte qu'il n'est pas applicable au litige qui oppose M. X à l'administration ; qu'en effet, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration ne saurait être liée par une instruction en date du 29 juin 2005, contenant une interprétation de l'article 278 bis du code général des impôts, dès lors que, par hypothèse, les services fiscaux ne pouvaient avoir admis, à l'époque des redressements et sur le fondement de ladite instruction, une telle interprétation du texte ; que, par ailleurs, il résulte des termes mêmes de la lettre adressée le 12 août 2005 par la Direction de la législation fiscale à la société Interflora que ce courrier constitue une prise de position formelle individuelle qui ne saurait être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales que par la seule société Interflora et seulement en ce qui concerne les produits restrictivement mentionnés dans ladite lettre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Gilles X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gilles X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
N°06DA00252 2