Vu la requête, enregistrée le 3 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE, dont le siège est rue Louis Pasteur à Beuzeville (27210), par Me Sedillot ; la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0202530-0300450-0302411 du 24 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 27 juin 2002, 5 novembre 2002,
19 février 2003 et 23 octobre 2003 du directeur de cet établissement en tant qu'elles maintiennent Mme Véronique X en position de suspension avec une rémunération de 50 % de son traitement et de ses indemnités ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
3°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'établissement soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la circonstance que Mme X était placée en congé de longue durée ne faisait pas obstacle à la poursuite de la procédure disciplinaire engagée contre elle et à ce que soit prise à son égard une mesure de suspension ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2006, présenté par Mme Véronique X ; Mme X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ; elle soutient que la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE ne pouvait être représentée par M. Y, son ancien directeur, qui est décédé au mois d'août 2004 ; que la délibération autorisant le nouveau directeur à saisir la cour administrative d'appel n'est pas valable en l'absence d'approbation par les autorités de tutelle ; qu'elle n'a pas été mise en possession de son dossier préalablement à la décision prise à son encontre par le directeur de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE ; que les droits de la défense n'ont pas été respectés ; que les décisions qui la plaçaient en congé de longue durée lui donnaient droit au maintien d'un plein traitement pendant les trois premières années et faisaient obstacle à ce qu'elle soit maintenue en position de suspension avec 50 % de son traitement ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 septembre 2006, présenté pour la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que son appel a été régularisé par la reprise des conclusions par le directeur en exercice de la maison de retraite autorisé à ester en justice par délibération du 23 janvier 2006 ; que cette autorisation n'est subordonnée à aucune approbation préalable d'une autorité de tutelle ; que la décision de suspension, qui n'est pas une sanction disciplinaire, n'a pas à être précédée de la communication du dossier ; que les décisions de suspension ont été prises légalement dès lors que la décision initiale de suspension, comportant réduction du traitement, est antérieure à la décision de mise en congé de maladie et que les décisions postérieures ne sont que des prolongations de cette situation ; que lorsqu'un congé de maladie intervient postérieurement à la décision de suspension, celui-ci ne peut avoir pour effet de rétablir le fonctionnaire dans son droit à percevoir l'intégralité de son traitement ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 octobre 2006, présenté par Mme X qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la délibération autorisant le directeur de la maison de retraite à agir devant la Cour n'a pas recueilli l'approbation pourtant nécessaire de la DDASS, du conseil général et des caisses primaire et régionale d'assurance maladie ; qu'elle a été placée en congé de maladie de longue durée à compter du 25 juillet 2001, soit à une date antérieure à la date d'effet de la réduction du traitement ; que, cinq ans après l'intervention de la mesure de suspension, la procédure pénale n'a encore établi aucun élément de preuve des calomnies lancées à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2007 à laquelle siégeaient
M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et
M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme X :
Considérant que la requête de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE a été présentée par le directeur de cet établissement ; que, par une délibération du 23 janvier 2006, le conseil d'administration de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE a autorisé le directeur à défendre les intérêts de l'établissement devant la cour administrative d'appel dans le différend l'opposant à Mme Véronique X ; que les délibérations portant sur les actions judiciaires sont au nombre des délibérations qui, en vertu de l'article L. 6143-4 du code de la santé publique, ne sont pas soumises à approbation mais sont exécutoires de plein droit dès leur réception par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient Mme X, le directeur de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE avait qualité pour former, au nom de cet établissement, une requête d'appel contre le jugement du 24 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 27 juin 2002, 5 novembre 2002,
19 février 2003 et 23 octobre 2003 en tant qu'elles maintiennent Mme X en position de suspension avec une rémunération réduite à 50 % du traitement et des indemnités ; que la circonstance que cette requête, par suite d'une erreur purement matérielle, mentionne le nom de l'ancien directeur de l'établissement est sans incidence sur la régularité de l'autorisation ainsi conférée au directeur d'agir en justice par ladite délibération ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par Mme X doit être écartée ;
Sur la légalité des décisions de maintien de Mme X en position de suspension :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue néanmoins à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille » ; et qu'aux termes de l'article 10 du décret du 7 novembre 1989 précité : « (…) Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 24 février 2001 du directeur de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE, Mme X, infirmière, a été suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois ; que le conseil de discipline ayant, en raison des poursuites pénales engagées contre Mme X, proposé de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal répressif, en application des dispositions précitées de l'article 10 du décret du 7 novembre 1989, le directeur de la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE a, le 25 juin 2001, décidé la prolongation de la mesure de suspension et la réduction de moitié de la rémunération de l'agent à compter du 26 août 2001 ; que, par décision du 27 juin 2002 prise après avis du 31 mai 2002 du comité médical départemental,
Mme X a, d'une part, été placée en congé de longue durée pour une période d'un an et deux mois à compter du 25 juillet 2001 et, d'autre part, été maintenue dans sa situation de suspension avec une rémunération égale à 50 % du traitement et des indemnités ; que trois décisions des
5 novembre 2002, 19 février 2003 et 23 octobre 2003 ont, d'une part, prolongé la mesure de suspension avec réduction de la rémunération prise à l'égard de Mme X et, d'autre part, renouvelé son congé de longue durée, en dernier lieu jusqu'au 25 janvier 2004 ;
Considérant qu'à compter du 26 février 2001, date de la suspension de Mme X, le seul régime de rémunération qui lui était applicable était celui que prévoit l'article 30 précité de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'ainsi, c'est à tort que pour annuler les décisions litigieuses, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que le placement en congé de longue durée de Mme X, intervenu le 25 juillet 2001, était antérieur à la décision de prolongation de la suspension de l'agent assortie d'une réduction de sa rémunération avec effet au 26 août 2001 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur l'autre moyen soulevé par Mme X ;
Considérant que la suspension de fonctions et sa prolongation sont des mesures conservatoires prises dans l'intérêt du service et ne constituent pas une sanction disciplinaire ; qu'elles ne sont pas au nombre des mesures qui doivent être précédées d'une procédure contradictoire et pour lesquelles l'agent concerné doit être mis à même de consulter son dossier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 27 juin 2002, 5 novembre 2002, 19 février 2003 et 23 octobre 2003 en tant qu'elles maintiennent Mme X en position de suspension avec une réduction de moitié de sa rémunération ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme X, partie perdante, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X le paiement à la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par cet établissement et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0202530-0300450-0302411 du 24 novembre 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 3 : Mme X versera à la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la MAISON DE RETRAITE DE BEUZEVILLE et à Mme Véronique X.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°06DA00158