Vu la requête, enregistrée le 12 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Omar X, demeurant chez Mme Christiane Y ..., par la SCP Verdier Billard Heckenroth Boyer Mouchabac ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700030 du 10 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2007 par lequel le préfet de l'Eure a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement du Tribunal administratif de Rouen comporte une erreur de visa et une erreur de motivation ; que l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions des articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 21 février 2007 fixant la clôture de l'instruction au 23 avril 2007 à 16 heures 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2007, présenté pour le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête de M. X ; il soutient que ce dernier n'a pas motivé sa requête d'appel ; que les erreurs matérielles contenues dans le jugement du Tribunal administratif de Rouen sont sans influence sur sa régularité ; que l'arrêté litigieux ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance en date du 27 avril 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian , président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour temporaire en qualité d'étudiant, qui expirait le 12 janvier 2004 ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. X relève que le jugement du 10 janvier 2007 du juge des reconduites à la frontière du Tribunal administratif de Rouen comporte deux inexactitudes qui concernent la date de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre, ces inexactitudes ont été, en l'espèce, sans influence sur les motifs et le dispositif dudit jugement ; que, par suite, ces erreurs matérielles n'ont ni porté atteinte aux droits de M. X, ni entaché d'irrégularité le jugement du Tribunal administratif de Rouen ;
Sur la légalité interne de la décision contestée :
En ce qui concerne la violation des articles 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit » ; et qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et des libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; que si M. X, qui projette de se marier avec Mme Y, de nationalité française, soutient que son droit au mariage protégé par les stipulations conventionnelles précitées a été méconnu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, en date du 7 janvier 2007, ne porte pas par lui-même atteinte à ce droit ; que, dans ces conditions, ledit arrêté n'emporte au détriment de M. X aucune discrimination interdite par les stipulations de l'article 14 de la convention précitée ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, dont il n'est pas sérieusement prouvé qu'il aurait été pris dans le cadre d'un détournement de procédure, méconnaît les stipulations des articles 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2007 ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X a fait valoir qu'il vivait en concubinage avec une ressortissante française, mère de quatre enfants dont il prend soin, et qu'un projet de mariage avait été formé, il ressort des pièces du dossier que cette vie commune était récente puisqu'elle avait commencé, selon les déclarations de l'intéressé, en février 2006 ; que M. X ne conteste pas, par ailleurs, ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux conditions du séjour de M. X, caractérisées notamment par une faible durée de présence sur le territoire français comme de vie commune avec sa compagne, et nonobstant la circonstance que l'intéressé ait un projet de mariage avec celle-ci, l'arrêté du 7 janvier 2007 ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 janvier 2007, par lequel le préfet de l'Eure a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de renvoi ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 600 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Omar X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°07DA00208