Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005 au greffe de la Cour administrative
d'appel de Douai, régularisée le 15 mars 2005, présentée pour Mme Maria Pia X, demeurant ..., par Mes Pinguet et Lefebvre ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203517 du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 avril 2001 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la vérification de comptabilité a excédé la durée prévue par l'article
L. 52 du livre des procédures fiscales ; que la prolongation de la durée des vérifications sur place entraîne la nullité des impositions selon la réponse ministérielle Durieux du 28 janvier 1970 et la documentation administrative n° 13-L-1314 § n° 13 ; qu'elle apporte la preuve du caractère exagéré de l'évaluation du chiffre d'affaires reconstitué au titre des années 1998 et 1999 ; qu'en particulier, une somme totale de 188 440 francs a été facturée par ses soins en 1997, ce qui réduit de 32 188 francs la taxe rappelée au titre de l'année 1998 ; qu'elle est en droit de déduire pour les années 1998, 1999 et 2000 la taxe grevant les nombreuses acquisitions nécessitées par l'exploitation de l'entreprise et, notamment les dépenses de contentieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2005, et le certificat de dégrèvement, enregistré le 21 décembre 2005, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus de la requête ; il soutient que le dégrèvement prononcé rend sans objet le moyen tiré de l'existence d'une double vérification sur la même période ; que, faute de documents relatifs à la livraison de meubles à des clients en 1997, la taxe a été regardée comme due au titre de l'année suivante ; que la preuve du caractère nécessaire à l'exploitation des dépenses engagées n'est pas rapportée, ce qui fait obstacle à la déductibilité de la taxe ;
Vu l'ordonnance en date du 2 mars 2006 fixant la clôture d'instruction au 3 avril 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2006, présenté pour Mme X ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, à l'exception de la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, portée à 4 000 euros, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le dégrèvement prononcé au titre de l'année 2000 devait être total eu égard à l'atteinte portée à la règle de la durée des vérifications prévue par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; que la vérification des années 1998 et 1999 s'est également prolongée au-delà de la durée légale, ainsi qu'il ressort des documents réclamés par le vérificateur avant et après le
27 février 2001 ; que cette irrégularité doit entraîner la nullité des impositions ainsi que le prévoit la documentation administrative n° 13-L-1318 ; qu'elle apporte de nouveaux éléments de preuve de livraisons en 1997 ; qu'elle fait de même pour la justification des dépenses ayant engendré de la taxe déductible ;
Vu l'ordonnance du 6 juillet 2006 rouvrant l'instruction ;
Vu l'ordonnance en date du 8 décembre 2006 fixant la clôture d'instruction au
15 janvier 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 15 janvier 2007 et confirmé par la production de l'original le 16 mai 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les documents demandés après la dernière intervention sur place ne sont pas des documents comptables, seuls de nature à caractériser la poursuite de la vérification de comptabilité, mais de simples demandes de renseignements ; qu'eu égard aux mentions incomplètes et contradictoires portées sur les factures, bons de commandes et de livraison produits, le montant de la taxe omise ne peut être revu à la baisse ; que, s'agissant de la taxe déductible, le caractère nécessaire des dépenses à l'exploitation n'est pas établi par les pièces produites ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 14 décembre 2005, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Pas-de-Calais a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 33 472 euros, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamé à Mme X au titre de la période de janvier 1998 à avril 2001 ; que les conclusions de la requête de Mme X relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (…) Toutefois, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification. Elle ne l'est pas non plus pour l'examen, en vertu de l'article L. 12, des comptes financiers utilisés à titre privé et professionnel, ni pour la vérification, en vertu de l'article L. 13, des comptes utilisés pour l'exercice d'activités distinctes. (…) Les dispositions des trois premiers alinéas sont valables dans les cas où un même vérificateur contrôle à la fois l'assiette de plusieurs catégories différentes d'impôts ou de taxes. » ;
Considérant que, par deux avis de vérification des 31 octobre 2000 et 18 mai 2001,
Mme X a été informée qu'elle ferait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, d'une part, sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 et, d'autre part, sur la période du 1er janvier 2000 au 30 avril 2001 ; qu'il résulte des mentions, non contestées sur ce point, de la notification de redressement du 20 juillet 2001 que les opérations de contrôle sur place, pour les deux périodes susmentionnées, ont respectivement débuté le 4 décembre 2000 et le
15 juin 2001 ; qu'il résulte des mentions de la même notification de redressement que les opérations de contrôle sur place relatives à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 se sont achevées le 27 février 2001 ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des mentions de la notification de redressement mentionnée ci-dessus que, pour les besoins du contrôle des éléments comptables relatifs au chiffre d'affaires réalisé au titre de la période couvrant les années 1998 à 2000, le vérificateur a demandé, par lettres des 12 mars 2001 et 20 juin 2001, postérieures à la date d'achèvement des opérations de vérification, des informations relatives à des sommes provenant de l'activité professionnelle de Mme X encaissées sur des comptes bancaires de tiers et notamment ceux de sa fille ; que la nature comptable des documents demandés et exploités par le service pour le contrôle de ces sommes est avérée par un bordereau dit d'accusé de production-restitution de relevés du 2 mai 2001 produit par la contribuable, portant sa signature et celle du vérificateur, qui indique que 50 relevés correspondant à 5 comptes bancaires à usage mixte ouverts au nom de Mlle X retraçant des opérations intervenues entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1998 ont été fournis par Mme X avant de lui être restitués ; que l'administration, qui n'apporte aucune précision sur la teneur et l'utilisation des pièces mentionnées sur ce bordereau, ne fait pas valoir que les comptes bancaires mixtes produits par Mme X, qui faisait l'objet d'une vérification de comptabilité et non d'un examen de situation fiscale personnelle, étaient utilisés pour l'exercice d'activités distinctes ; qu'eu égard aux mentions, tant de la notification de redressement que dudit bordereau, la requérante établit que le service s'est livré à l'exploitation de documents comptables concernant la période couvrant l'année 1998 au-delà du délai de trois mois imparti par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la doctrine administrative invoquée, ni sur la nature des autres documents exploités par l'administration avant et après l'achèvement des opérations de contrôle, Mme X est fondée à demander la décharge de l'ensemble des droits de taxe sur la valeur ajoutée, afférents à la période du
1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 encore en litige ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales qu'un vérificateur habilité à contrôler l'assiette de plusieurs impôts ou taxes, et qui peut effectuer ces contrôles simultanément ou successivement, ne peut, en tout cas, lorsque le redevable est de ceux que visent lesdites dispositions, poursuivre l'examen sur place de ses livres et documents comptables relatifs aux mêmes années ou périodes d'imposition après l'expiration de la durée de trois mois courant de la date à laquelle il entreprend ses opérations ; que les deux opérations de contrôle sur place successivement engagées, respectivement, à compter du 4 décembre 2000 et du 15 juin 2001, ont eu pour effet de poursuivre l'examen des livres et documents comptables relatifs à la période du 1er janvier 2000 au 30 septembre 2000
au-delà du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédure fiscales ; que, pour tirer les conséquences de cette irrégularité, l'administration a prononcé, par la décision du 14 décembre 2005 précitée, le dégrèvement des droits supplémentaires de taxe dus au titre de la période correspondant aux 9 premiers mois de l'année 2000 ; que Mme X ne soutient pas que la période postérieure au 30 septembre 2000 a fait l'objet d'un autre examen sur place que celui entrepris du 15 juin 2001 au 5 juillet 2001, annoncé par l'avis de vérification du 18 mai 2001 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les impositions supplémentaires mises en recouvrement au titre de la période couvrant l'ensemble de l'année 2000 devaient faire l'objet d'un dégrèvement ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (…) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; b) Celle qui est perçue à l'importation ; c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287.
2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. (…) » ;
Considérant que si Mme X revendique le droit de déduire un montant de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 43 917 francs, elle n'apporte au dossier aucune facture de fournisseur ni aucune déclaration faisant apparaître un tel montant afférent à des opérations dont elle ne précise au demeurant pas la nature ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à demander que le rappel de taxe afférent à la période encore en litige d'octobre 2000 à avril 2001 soit diminué de cette somme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée encore en litige, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 33 472 euros, en ce qui concerne les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels Mme Maria Pia X a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2000 au 30 septembre 2000, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Mme Maria Pia X est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1998 au
30 décembre 1999, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le jugement n° 0203517 du Tribunal administratif de Lille en date du
9 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme Maria Pia X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Maria Pia X est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Pia Maria X et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°05DA00229