Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2007 par télécopie et son original enregistré le
9 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Dassayew X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0700546, en date du 29 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2007 par lequel le préfet du Nord a prononcé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le Brésil comme pays de destination ;
2°) d'annuler lesdites décisions en date du 25 janvier 2007 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et ce, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'il n'a pas été convoqué à l'audience devant le tribunal administratif de Lille alors qu'il avait pris soin d'indiquer sur son recours l'adresse où il résiderait dans l'attente de cette audience ; qu'à défaut d'une telle convocation, le jugement attaqué est irrégulier ; qu'il appartiendra à l'administration de justifier de ce que le signataire de la reconduite à la frontière avait valablement reçu délégation de signature à cette fin ; que l'arrêté attaqué ne comporte, s'agissant de la situation privée et familiale du requérant en France et dans son pays d'origine, qu'une motivation totalement stéréotypée et impersonnelle ; qu'il est bien fondé à invoquer le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; qu'il réside habituellement et continuellement en France depuis le 28 novembre 1998, date de son arrivée par la voie du regroupement familial et qu'il y a poursuivi sa scolarité ; que son père réside en France et sa mère est décédée ; que l'épouse de son père, son demi-frère, tous deux de nationalité française, ainsi que sa tante résident régulièrement en France ; qu'il est dépourvu d'attaches au Brésil où il n'est jamais retourné depuis 1998 ; qu'il entretient une relation amoureuse stable depuis un an et demi avec une ressortissante française, qui est enceinte ; que la date des fiançailles était fixée au 25 juillet 2007 soit avant la prise de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ; qu'il a développé des relations amicales et sociales en France ; qu'il est francophone et est parfaitement intégré à la société française ; que, dès sa majorité, il a demandé et obtenu la délivrance d'un titre de séjour renouvelé à plusieurs reprises ; que, dès la fin de sa scolarité, il n'a eu de cesse que de travailler ; que l'arrêté porte ainsi une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 15 mars 2007 portant clôture de l'instruction au
13 avril 2007 à 16 h 30 ;
Vu l'ordonnance en date du 17 avril 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- les observations de Me Berthe, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France en 1998, à l'âge de quinze ans, et a résidé jusque récemment chez son père, qui y vit régulièrement depuis 20 ans ; qu'il y a suivi une scolarité régulière jusqu'en 2005 et a pu exercer à plusieurs reprises une activité professionnelle, qu'il est francophone, qu'il a fait connaissance depuis plus d'un an d'une ressortissante française, qu'il a résidé en situation régulière sur le territoire français jusqu'au 6 juillet 2005 ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée de séjour en France de M. X et bien que l'intéressé ne soit pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine et nonobstant le caractère irrégulier de son séjour en France depuis le 7 juillet 2005, l'arrêté de reconduite à la frontière, en date du
25 janvier 2007, du préfet du Nord a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, M. X est fondé à demander, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, l'annulation du jugement attaqué, l'annulation de la reconduite à la frontière du 25 janvier 2007 et, par voie de conséquence, de l'arrêté du 25 janvier 2007 fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'apparaît pas nécessaire de faire droit à la demande d'astreinte sollicitée ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700546 du 29 janvier 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière de M. X en date du
25 janvier 2007 et l'arrêté du même jour fixant le Brésil comme pays de destination sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. CARVALHO
DA SILVA dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Dassayew X, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°07DA00357 2