La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2007 | FRANCE | N°06DA00816

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 mai 2007, 06DA00816


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Michel X, demeurant ..., par Mes Laurant et Hong-Rocca ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404634 du 6 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'art

icle L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la somme versée pa...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Michel X, demeurant ..., par Mes Laurant et Hong-Rocca ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404634 du 6 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la somme versée par la Mutuelle de retraite de la fonction publique aux cotisants qui ont choisi de la quitter au moment où ses contrats étaient transférés à l'Union mutualiste retraite présente la nature d'une indemnité couvrant partiellement la perte de droits acquis au 8 décembre 2001 et non le caractère d'un gain imposable ; que l'imposition dérogatoire de cette somme par l'article 163-0 A bis du code général des impôts conduit à méconnaître l'article 3-g) du traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 relatif à la libre concurrence dans la mesure où l'imposition a conduit à créer une clientèle captive au bénéfice de l'Union mutualiste retraite et une aide d'Etat au bénéfice de cette dernière ; que ce dispositif fiscal ayant pour effet de bloquer le capital constitué par les cotisants dans la caisse de l'Union mutualiste retraite, il porte atteinte à la liberté de circulation des capitaux garantie par l'article 56 du même traité ; qu'à titre subsidiaire, la part d'indemnité correspondant aux cotisations alimentant la caisse de capitalisation de la Mutuelle de retraite est exonérée ; que l'article 163-0 A bis du code général des impôts, issu de l'article 46 de la loi n° 2002-1576 du

30 décembre 2002 n'était pas en vigueur et ne s'appliquait pas aux revenus en litige, perçus en 2002 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que les cotisations au régime de retraite ont été admises en déduction des revenus et que, corrélativement, les sommes perçues lors du rachat s'analysent comme le versement anticipé de prestations viagères que le contribuable aurait perçues si le contrat était allé à son terme ; que ces sommes, assimilables à des pensions, sont imposables ; que l'article 163-0 A bis du code général des impôts ne constitue qu'une modalité d'imposition et ne constitue pas une aide d'Etat ; que l'imposition en litige n'affecte pas la liberté de circulation des capitaux dès lors que le droit communautaire ne s'oppose pas à une taxation et que le contribuable est libre de réinvestir ses capitaux où il le souhaite ; que l'article 80 decies du code général des impôts n'est pas applicable au requérant ; qu'aucune perte de patrimoine n'est établie dès lors que le requérant a récupéré la totalité des sommes investies dans la caisse de capitalisation, qu'il a pu déduire de ses revenus par ailleurs ; que si l'entrée en vigueur de l'article 163-0 A bis du code général des impôts est postérieure au 31 décembre 2002 l'imposition devrait être supérieure à celle contestée dès lors que ce texte instaure un mécanisme d'allègement par le système du quotient ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

Vu le décret du 5 novembre 1870 ;

Vu le décret n° 2002-1474 du 20 décembre 2002 ;

Vu l'arrêté du 23 décembre 2002 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la mutualité ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : « L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. » ; qu'aux termes de l'article 163-0 A bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 46 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 : « Pour l'imposition des prestations mentionnées à l'article 80 decies, le montant total versé est divisé par le nombre d'années ayant donné lieu à la déduction des cotisations. Le résultat est ajouté au revenu global net de l'année du paiement. L'impôt correspondant est égal au produit de la cotisation supplémentaire ainsi obtenue par le nombre d'années utilisé pour déterminer le quotient. (…) Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux sommes versées aux sociétaires du régime de retraite complémentaire institué par l'Union nationale des mutuelles retraite des instituteurs et des fonctionnaires de l'éducation nationale et de la fonction publique qui, dans le cadre de la conversion de ce régime au 8 décembre 2001, ont démissionné de leur qualité de membre participant en exerçant leurs facultés statutaires de rachat dans les conditions alors en vigueur. Toutefois, leur montant est divisé par le nombre d'années ayant donné lieu à déduction de cotisations, retenu dans la limite de dix années. » ;

Considérant que, par arrêté interministériel du 23 décembre 2002, a été approuvé le transfert, dans les conditions prévues à l'article L. 212-11 du code de la mutualité, avec ses droits et obligations, de l'ensemble du portefeuille de contrats de l'Union nationale des mutuelles retraite des instituteurs de l'éducation nationale et de la fonction publique, dite Mutuelle retraite de la fonction publique à l'Union mutualiste retraite ; qu'en application des dispositions combinées du 1° bis de l'article 83 du code général des impôts et du 6 de l'article 158 du même code ainsi que de l'article 38 septdecies de l'annexe III audit code alors applicable, les cotisations versées depuis le 1er janvier 1989 à la Mutuelle retraite de la fonction publique étaient déductibles des revenus de ses adhérents ; qu'en vertu de l'article 38 septdecies de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1474 du

20 décembre 2002, les cotisations versées à l'Union mutualiste retraite qui a succédé à la Mutuelle retraite de la fonction publique demeurent déductibles des revenus des adhérents dans les mêmes conditions ; qu'en application des dispositions susmentionnées, les arrérages servis en exécution des contrats souscrits auprès de la Mutuelle retraite de la fonction publique, lorsque les cotisations correspondantes n'étaient pas admises en déduction des revenus, étaient soumis au régime des rentes viagères constituées à titre onéreux ; que les mêmes arrérages, une fois que les cotisations correspondantes ont été admises en déduction des revenus, ont été soumis au régime fiscal des pensions ;

Considérant que les adhérents refusant la reconversion du régime de retraite géré par la Mutuelle retraite de la fonction publique ont disposé d'un droit de retrait qui a consisté à exercer leurs facultés statutaires de rachat aux conditions en vigueur avant le transfert des contrats à l'Union mutualiste retraite ; qu'en contrepartie de l'exercice de leur droit de retrait, les adhérents de la Mutuelle retraite de la fonction publique ont perçu en une seule fois, sous déduction des pénalités et frais de gestion, les sommes correspondant aux droits viagers qu'ils auraient pu faire valoir en cas d'exécution de leur contrat ; qu'en vertu du 1° bis de l'article 83 du code général des impôts et du 6 de l'article 158 du même code ainsi que de l'article 38 septdecies de l'annexe III audit code, ces sommes présentent, non pas la nature d'une indemnité réparant un préjudice mais le caractère d'un revenu imposable dès lors qu'elles ont été versées en exécution de stipulations contractuelles et statutaires ; qu'aucun texte n'exonère ces sommes de l'impôt, qu'elles proviennent de la caisse de répartition ou de la caisse de capitalisation alimentée par les cotisations des adhérents et gérées par la Mutuelle retraite de la fonction publique ; que, par suite, M. X ne peut utilement se prévaloir de ce que l'article 46 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 publiée au Journal officiel du

31 décembre 2002 n'était pas en vigueur à la date à laquelle il a perçu, en 2002, les montants en litige dès lors que le principe de leur assujettissement à l'impôt sur le revenu ne procède pas de l'article 163-0 A bis du code général des impôts qui se borne à étendre à ces revenus le régime d'imposition exceptionnel selon la méthode du quotient instituée en faveur des prestations servies par le régime de prévoyance des footballeurs professionnels ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne : « 1. Aux fins énoncées à l'article 2, l'action de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité : (…) g) un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur, (…) » et qu'aux termes de l'article 87 du même traité : « 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (…) » ;

Considérant que ces stipulations sont dépourvues d'effet direct dès lors qu'elles ne créent pas pour les particuliers de droits dont ils peuvent se prévaloir devant une juridiction nationale ; que, par suite, M. X, qui n'invoque pas d'autres stipulations que celles précitées des articles 3 et 87 du traité du 25 mars 1957, ne peut utilement invoquer l'incompatibilité des textes de droit interne sur lesquels sont fondées les impositions en litige avec ces stipulations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 56 du même traité : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. (…) » ;

Considérant, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que le principe de l'assujettissement des arrérages en litige à l'impôt sur le revenu ne procède pas de l'article 163-0 A bis du code général des impôts ; que, par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'incompatibilité de ce texte avec les stipulations précitées de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Jean-Michel X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°06DA00816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00816
Date de la décision : 09/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CABINET DOMINIQUE LAURANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-09;06da00816 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award