Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er mars 2006 et confirmée par courrier du
3 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la
SARL dont le siège est 3 rue de la Chocolaterie à Marcq-en-Baroeul (59700), représentée par Me Loeuille, liquidateur judiciaire, par Me Van den Schrieck ; la SARL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0304402-0304761-0401825 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er août 1998 au 31 mars 2001, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la comptabilité n'est pas irrégulière ; que les premiers juges auraient dû prendre en compte la pièce comptable produite par la société qui montre que la saisie des écritures est à la date même et que le système informatique traite les débits avant les crédits et qu'il suffit d'inverser la saisie pour faire apparaître l'absence totale de caisse créditrice ;
- que la société a payé des factures en apparence régulières pour un service qui lui a été rendu et que la charge contestée est bien déductible de ses résultats même si la société qui a eu une durée de vie d'un an ne s'est pas fait connaître des services fiscaux ;
- que l'article 1763 A ne peut lui être appliqué dans la mesure où la page correspondant à la notification de l'article 117 ne lui a pas été transmise et qu'elle n'a donc pu y répondre dans le délai de trente jours ; que l'amende ne figurait par ailleurs pas dans le récapitulatif des redressements ;
- que la société n'ayant pas commis sciemment de détournements de chiffre d'affaires, sa bonne foi doit être reconnue ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2006, présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ;
le ministre soutient :
- que la requête qui se borne à reprendre l'argumentation de première instance, n'est pas recevable ; qu'au demeurant, la société ne critique plus la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des commissions sur ventes ni les rehaussements relatifs aux minorations de recettes ;
- que lors du contrôle sur place, un procès-verbal a été établi constatant une absence de brouillard de caisse retraçant au jour le jour les mouvements en espèces pour les exercices clos en 1999 et 2000 et un brouillard de caisse tenu au crayon de bois pour la période du 22 janvier au 28 mars 2001 ; que le document reconstitué après le contrôle ne peut être probant pour contester les anomalies et erreurs comptables constituées par le solde créditeur du compte caisse et la comptabilisation globale des recettes ; que cette analyse a été confirmée par la commission départementale des impôts directs ;
- que le service vérificateur a relevé que, pour les deux premiers exercices vérifiés, des factures de commissions pour démarchage téléphonique, émanant du fournisseur « Club des Grands Vins de Bordeaux » étaient systématiquement payées en espèces, que le numéro RCS du fournisseur était invalide et que la société n'existait pas à l'adresse indiquée par les factures au cours de la période vérifiée ; que les explications confuses de la requérante sur une prétendue existence de cette société n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité des prestations facturées ;
- que les pénalités de mauvaise foi sont justifiées, d'une part, par la minoration intentionnelle des recettes imposables non déclarées et révélées et par les soldes créditeurs du compte caisse, d'autre part, par le paiement en espèces de commissions justifiées par des factures émanant d'un fournisseur inexistant dont la réalité des prestations n'est pas établie ; que par ailleurs, les explications données au cours de la procédure sont totalement erronées ce qui confirme la volonté manifeste d'égarer le service dans ses investigations ; que la société ne pouvait ignorer que l'entreprise à laquelle elle versait les commissions n'existait pas, s'agissant d'une entreprise située dans la même région et exerçant dans le même milieu socioprofessionnel ; que le paiement en espèces renforce la volonté délibérée de dissimuler l'identité du bénéficiaire réel desdites sommes ;
- que la notification de redressement du 28 juin 2002 invitait la société à identifier les bénéficiaires des distributions correspondant aux minorations de recettes et aux factures de commissions sur ventes, précisant qu'en l'absence de réponse une pénalité de 100 % des sommes distribuées était encourue ; que la société n'a pas communiqué ces informations dans sa réponse à l'administration ; que la circonstance qu'elle invoque de ne pas avoir reçu les pages de la notification de redressement comportant ces informations ne peut être retenue dès lors que cette anomalie n'a pas été signalée dans la réponse à la notification ;
- que la demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'est pas justifiée et ne peut être accueillie compte tenu du caractère infondé de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de Me Van den Schrieck, pour la SARL ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne le caractère non probant de la comptabilité :
Considérant que la SARL , qui a pour activité l'achat et la vente de vins en bouteilles par démarchage téléphonique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les exercices clos en 1999, 2000 et 2001 ; qu'il résulte de l'instruction que lors du contrôle sur place, le vérificateur a constaté l'absence de brouillard de caisse retraçant au jour le jour les opérations en espèces pour les exercices clos en 1999 et 2000 et que pour l'exercice clos en 2001, seul un brouillard de caisse tenu au crayon de papier lui a été présenté pour la période du 22 janvier au 28 mars 2001, anomalies qui ont été consignées dans un procès-verbal dressé le 25 avril 2002 que le gérant de ladite société a signé ; qu'il a été également constaté que pour l'exercice clos le 31 mars 2000, les recettes en espèces étaient comptabilisées globalement sans qu'il soit possible de les rattacher à des ventes précises ni de distinguer les règlements complets des règlements partiels ou des acomptes ; qu'ainsi, chacun des exercices est affecté par des irrégularités qui sont suffisantes à elles seules pour priver la comptabilité de son caractère probant ; que si la société fait valoir que les crédits du compte caisse, constatés par ailleurs par l'administration, seraient dus à une erreur informatique, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à permettre de considérer, compte tenu des autres irrégularités constatées, que la comptabilité examinée lors de la vérification serait probante ;
En ce qui concerne les commissions sur vente :
Considérant que la SARL a comptabilisé en charge au titre des exercices clos en 1999 et 2000 des commissions sur ventes, d'un montant respectif, toutes charges comprises, de 90 000 francs et 291 200 francs, acquittées en espèces au profit d'une société dénommée Club des Grands vins de Bordeaux ; que l'administration a rejeté ces charges au motif que la société bénéficiaire n'existait pas et que la réalité des prestations n'était pas établie ;
Considérant qu'en appel, la SARL , à laquelle il appartient d'apporter quelle que soit la procédure suivie la preuve des charges qu'elle a déduit de ses résultats, n'établit pas la réalité du versement en espèces des sommes en cause qui ne peut être établie par la référence à ses écritures comptables, compte tenu de leur caractère irrégulier, ni la réalité des prestations qui auraient été effectuées par la société Club des Grands vins de Bordeaux ; que, dès lors, la circonstance qu'elle aurait réglé des factures en apparence régulières et qu'elle n'aurait eu qu'une connaissance tardive de la disparition de la société est sans incidence sur le bien-fondé des redressements ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti (…) d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ;
Considérant que l'administration en faisant valoir que la SARL a déduit de ses résultats des commissions, ne correspondant à aucune prestation établie, acquittées en espèces et reposant sur des factures établies par une société qui n'existait pas alors qu'elle aurait oeuvré dans le même secteur géographique et la même branche d'activité établit la mauvaise foi de la société ;
Sur l'amende de l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant qu'il est constant que la SARL n'a pas communiqué à l'administration, dans le délai de 30 jours suivant la notification de redressement le nom des bénéficiaires des sommes correspondant aux minorations de recettes et au rejet des factures de commissions sur ventes ; que si la société soutient qu'elle n'a pas reçu la demande de l'administration de produire de tels renseignements dans la mesure où la page de la notification de redressement comportant ces indications ne lui aurait pas été adressée, il est constant qu'elle a répondu à la notification de redressement sans signaler aucune anomalie alors au surplus que la page précédant celle qui ne lui aurait pas été adressée renvoyait à des tableaux mettant ainsi clairement en évidence l'importance de la page qu'elle soutient ne pas avoir reçue ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'Etat, que la SARL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la SARL demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL , représentée par Me Loeuille, son liquidateur et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA00340