Vu le recours, enregistré le 26 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; il demande à la Cour :
11) d'annuler l'ordonnance n° 0507626, en date du 30 mars 2006, par laquelle le
vice-président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Fayçal X et sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé la décision par laquelle il a « invalidé son permis de conduire » et, par voie de conséquence, a enjoint l'administration de restituer douze points au permis de conduire de M. X, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 50 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
Il soutient que l'ordonnance est entachée d'une erreur de droit ; que la demande d'annulation de sa décision ne relève pas d'une série au sens du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'à titre principal, la demande n'était pas accompagnée de la production des décisions attaquées en application des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative ; qu'elle était tardive ; qu'à titre subsidiaire, M. X a bénéficié, lors des infractions commises, de l'information préalable prévue par les articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que la circonstance qu'il n'aurait pas, pour des raisons contingentes, reçu notification des décisions individuelles antérieures est sans influence sur leur légalité ; que la décision récapitulative a été régulièrement notifiée et reçue par l'intéressé ; que l'administration apporte la preuve de l'accomplissement de la formalité exigée par les dispositions précitées ; qu'il lui était loisible d'exercer à tout moment auprès des services préfectoraux en application de l'article L. 225-5 du code de la route, son droit d'accès à son dossier et de bénéficier de son droit à la communication du relevé intégral de son capital de points ; qu'il lui appartenait de suivre un stage dans les conditions prévues à l'article R. 223-8 II du code de la route ; qu'il ne peut, par suite, se prévaloir de son ignorance pour prétendre qu'il devrait bénéficier de la reconstitution intégrale de son capital de points ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu l'ordonnance en date du 6 juin 2006 portant clôture de l'instruction au 6 septembre 2006 ;
Vu l'ordonnance en date du 22 novembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 5 janvier 2007, présenté pour M. Fayçal X, demeurant ..., par la SELARL Vivaldi Avocats ; il demande à la Cour, à titre principal, de rejeter le recours du ministre et, à titre subsidiaire, d'annuler les décisions portant retraits de points ou, à défaut, en constater l'illégalité, d'annuler la décision du préfet lui enjoignant de restituer son permis de conduire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le ministre n'établit pas lui avoir envoyé la lettre référencée 48 S sur la base du simple accusé de réception qui a été produit ; qu'au demeurant, la lettre 48 S n'est pas produite aux débats ; qu'en outre, les dispositions des articles L. 223-3 et R. 233-3 du code de la route ne prévoient nullement l'existence de la lettre référencée 48 S ; que, par suite, les retraits de points doivent faire l'objet de lettres individuelles et non d'une lettre récapitulative ; que cette pratique est illégale car elle ne permet pas au conducteur de se prémunir contre les conséquences de l'épuisement de son capital notamment en accomplissant un stage ; que, par suite, sa requête doit être regardée comme étant dirigée tout à la fois contre la lettre 48 S qui, en droit, n'a pas d'existence légale que contre chacune des décisions portant retrait de points dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'intéressé ; qu'il ne peut pas au demeurant produire une lettre qu'il n'a pas reçue ; que sa requête était, par suite, recevable ; que si le ministre produisait la lettre 48 S, ses conclusions devraient être regardées comme dirigées contre chacune des décisions de retraits de points qui n'ont jamais été portées à sa connaissance ; qu'en outre, il n'échappera pas à la Cour qu'il a saisi le Tribunal d'une demande dirigée non pas contre la lettre 48 S mais contre la lettre du préfet du Nord référencée 49 ; que sa requête ayant été présentée dans le délai de recours contentieux à l'encontre de l'injonction préfectorale de restitution du permis, il était recevable à exciper de l'illégalité de la lettre 48 S et de l'ensemble des autres décisions individuelles ; que sa demande s'intégrait effectivement dans une série au sens du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, eu égard à l'existence d'un jugement n° 04-4367 « tête de série » en date du 2 décembre 2004 passé en force de chose jugée ; que cette nouvelle affaire n'appelait pas de nouvelle appréciation par le juge ; que, sur le fond, le ministre ne rapporte pas la preuve que ses différents retraits de points auraient été portés à sa connaissance ; que le ministre procède par voie d'affirmation ; que la notification de la lettre récapitulative 48 S n'est pas, en outre, établie ; que cette lettre n'est pas prévue par les dispositions en vigueur ; que les pièces produites devant la Cour ne permettent pas de vérifier que l'intéressé a bénéficié d'une information complète ; qu'il en va notamment ainsi du nombre de points susceptibles d'être retirés ; que l'addition du nombre de points est égale à onze et non pas à douze ; que, par suite, c'est à tort que le ministre a considéré que son permis était nul et a demandé au préfet de lui enjoindre de le restituer ; que l'exécution de l'arrêt implique nécessairement le rétablissement des points retirés dans un délai raisonnable ;
Vu l'ordonnance en date du 26 janvier 2007 portant clôture de l'instruction au 2 mars 2007 et celle du 27 février 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu la mesure d'instruction et sa réponse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant que selon l'article L. 3 du code de justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi » ; que l'article L. 222-1 du même code dispose que : « Les jugements des tribunaux administratifs (…) sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger » ; que l'article R. 222-1 du même code, dans sa rédaction applicable issue du décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 entré en vigueur le 1er septembre 2005, énonce : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : / (…) / 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 » ; qu'aux termes de l'article R. 742-2 du même code : « Dans le cas prévu au 6° des articles R. 122-1 et R. 222-1, l'ordonnance vise la décision ou l'avis par lequel ont été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête présente à juger » ;
Considérant qu'en annulant la décision susmentionnée du ministre de l'intérieur prise à l'encontre de M. X, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a entendu faire application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 précité ; que, toutefois, l'ordonnance attaquée du 30 mars 2006, qui vise deux avis du Conseil d'Etat examinant séparément des questions distinctes et non pas, conformément aux exigences des articles R. 222-1 6° et R. 742-2 précités, une décision ou un avis tranchant ou examinant ensemble les questions identiques à celles que la demande présentait à juger, ne permet aucunement de vérifier que le premier juge a statué sur une requête relevant d'une série au sens du 6° de l'article R. 222-1 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que le
vice-président du Tribunal administratif de Lille a entaché son ordonnance d'irrégularité en faisant, dans ces conditions, application desdites dispositions ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;
Considérant que, devant le Tribunal administratif de Lille, M. X a demandé l'annulation de la décision, en date du 8 octobre 2004, référencée 49 par laquelle le préfet du Nord lui a enjoint de restituer son titre de conduite dont le capital de points était devenu nul en se prévalant notamment, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision ministérielle récapitulative de ses retraits de points successifs, référencée 48 S, ainsi que des décisions individuelles intervenues à l'occasion de chacun des retraits de points, en prétendant n'avoir jamais reçu aucune de ces décisions ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception qui, d'une part, mentionne comme expéditeur le service centralisé du ministère de l'intérieur dénommé « Fichier national du permis de conduire » , en abrégé, « FNPC », chargé de notifier les décisions de retraits de points et, d'autre part, reprend comme numéro d'identification du courrier celui correspondant au numéro de permis de conduire de M. X, a été signé par ce dernier le 18 septembre 2004 ; que ce n'est, par ailleurs, que le 8 octobre 2004 que le préfet du Nord tirant les conséquences de la perte de validité du permis de conduire de M. X du fait de la réduction à zéro du capital de points de l'intéressé à la suite des retraits de points successifs intervenus, lui a enjoint de restituer son titre de conduite en utilisant la lettre type référencée 49 qui reproduit également le même numéro de permis de conduire ; que, par suite, compte tenu de ces éléments concordants, l'accusé de réception produit en cause d'appel par l'administration doit être regardé comme établissant de manière suffisamment certaine le retrait par M. X du pli contenant la lettre du ministre de l'intérieur référencée 48 S récapitulant les retraits de points successifs qui est la seule à faire l'objet d'un envoi en recommandé avec accusé de réception contrairement aux décisions individuelles de retraits de points, objet d'un envoi simple ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur ne pourrait pas produire un nouvel exemplaire de cette décision ne fait pas obstacle à ce que la notification de ladite lettre soit regardée comme effective ; que, dès lors, la décision ministérielle récapitulative des retraits de points concernant M. X, référencée 48 S qui ne présente pas un caractère irrégulier, lui ayant été notifiée le 18 septembre 2004, était devenue définitive lorsque sa demande dirigée contre la lettre préfectorale du 8 octobre 2004 a été enregistrée le 23 décembre 2004 au greffe du Tribunal ; qu'il n'est donc pas recevable à exciper de son illégalité ; qu'en outre, la lettre récapitulative reprenant chacune des décisions individuelles de retraits de points opposées à M. X, ce dernier n'est pas davantage recevable à exciper de l'illégalité de ces décisions individuelles ; que s'il a également fait valoir que la décision préfectorale émanait d'une autorité incompétente et était insuffisamment motivée, de tels moyens présentent, en tout état de cause, un caractère inopérant dès lors que le préfet du Nord était tenu d'enjoindre à l'intéressé de lui restituer son titre de conduite devenu invalidé faute de points, les retraits de points consécutifs correspondant à un total de treize points ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision préfectorale attaquée et à ce que, par voie de conséquence, il lui soit restitué douze points à son titre de conduite ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 0507626, en date 30 mars 2006, du vice-président du Tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La demande de M. X ainsi que ses conclusions d'appel présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Fayçal X.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
N°06DA00688 2