Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL FERNFELL, dont le siège est situé n° 1613 rue Saint Antoine à Ruminghem (62370), représentée par son gérant en exercice, par la SCP Lestarquit, Shakeshaft ; la SARL FERNFELL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0401503-0402054 en date du 19 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant, premièrement, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er septembre 1997 au 31 décembre 1999 ainsi que des pénalités y afférentes et, deuxièmement, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998 et 1999 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le Tribunal n'a pas respecté le principe du contradictoire ; que, pendant les opérations de vérifications, il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire à la fin des opérations de vérification ainsi que le préconise la charte du contribuable ; qu'en ce qui concerne les documents, seules n'ont pu être présentées les bandes de caisse enregistreuse détruites à l'occasion d'une effraction du « club house » ; qu'il existe un registre des immobilisations et des amortissements dont le vérificateur n'a pas voulu tenir compte ; que s'il y avait quelques irrégularités, elles n'étaient pas suffisamment graves pour considérer la comptabilité comme non probante ; qu'un expert indépendant pourrait peut-être donner un avis neutre sur ce point ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante a répondu au-delà d'un délai de trente jours à la notification de redressement et doit supporter de ce seul fait la charge de la preuve, étant donné qu'elle a accepté de manière expresse la reconstitution de recettes 1999 et les rehaussements en matière de taxe à la valeur ajoutée déductible ; que les rehaussements ont été notifiés d'office pour ce qui concerne la taxe à la valeur ajoutée 1999 et l'impôt sur les sociétés en 1998 et 1999, la charge de la preuve incombe de ce fait également à la requérante pour ces impôts et périodes ; que le principe du contradictoire a bien été respecté ; que les observations du contribuable ont été analysées attentivement et une réponse a été faite en admettant certains des arguments du contribuable ; que le débat contradictoire, prévu par la charte, a pu se nouer pendant toute la durée du contrôle qui s'est déroulé au siège de l'entreprise puis, à la demande du contribuable, chez son comptable ; que, la vérification s'étant déroulée dans les locaux de l'entreprise, il appartient au contribuable qui soutient avoir été privé d'un débat oral et contradictoire d'en apporter la preuve ; que le vérificateur a examiné tous les documents présentés et a tiré la conclusion, de ses constatations, que la comptabilité présentée était irrégulière et non probante et a en conséquence reconstitué le chiffre d'affaires ; que la requérante n'apporte aucun élément sur les points ayant permis de considérer la comptabilité comme non probante, à savoir les dépenses privées de ses dirigeants payées par la société, les acquisitions effectuées par la société et non enregistrées en comptabilité et l'omission des recettes ; que la requérante n'apporte pas la preuve qui lui échoit d'une quelconque majoration abusive de la reconstitution opérée sur 1998 pour les seules recettes « bar » ; que, s'agissant du compte courant de la société Maltworld, il incombe à la société requérante de justifier des écritures portées sur un compte de tiers ; que, s'agissant des amortissements, il n'est pas établi qu'ils ont été comptabilisés avant l'échéance des délais de déclaration ; que, s'agissant des travaux de remise en état du golf, les dépenses ne peuvent être déduites immédiatement du résultat mais doivent être immobilisées dès lors qu'elles ont le caractère de véritables travaux immobiliers préalables à la mise en service de l'exploitation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 novembre 2006 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 6 novembre 2006, présenté pour la SARL FERNFELL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la reconstitution de recettes opérée montre que pour l'année 1999 les chiffres de la comptabilité étaient corrects, que les documents présentés étaient parfaitement exploitables ;
Vu le mémoire en duplique, enregistré le 28 novembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en triplique, enregistré le 8 mars 2007 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 9 mars 2007, présenté pour la SARL FERNFELL qui conclut au mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la reconstitution de recettes opérée montre que pour l'année 1999 les chiffres de la comptabilité étaient corrects, que les documents présentés étaient parfaitement exploitables ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la SARL FERNFELL n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie devant le tribunal administratif aurait été irrégulière du fait qu'elle n'a pas reçu communication du dernier mémoire de l'administration, dès lors que ce mémoire ne contenait aucun fait ou moyen nouveau ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 8 juin 2000, la SARL FERNFELL qui exploite un club de golf sur la commune de Ruminghem (Pas-de-Calais) a été destinataire d'un premier avis de vérification, puis d'un nouvel avis le 11 juillet 2000 remis en mains propres le même jour ; que la vérification s'est déroulée au siège de la société, puis à la demande du gérant, chez son comptable ; que, dans ces conditions, alors que la société requérante se borne à alléguer que le vérificateur n'aurait pas examiné des documents non cotés et paraphés et n'aurait pas entendu les explications du gérant, il ne résulte d'aucun élément que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues lors de ces interventions ;
Sur la charge de la preuve et le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant, que, pour rejeter comme dénuée de valeur probante la comptabilité de la
SARL FERNFELL et procéder à l'évaluation d'office de son chiffre, le vérificateur a constaté, lors du contrôle, qu'il n'y avait pas de justificatif de recettes, que le journal des ventes, le journal des achats, le journal de banque et le grand livre présentés comportaient des blancs, des surcharges et des ratures ; que des dépenses privées des dirigeants avaient été payées par la société ; qu'il y avait absence de relevé détaillé des amortissements, d'inventaire détaillé des stocks en fin d'exercice 1998 et 1999 et acquisition d'un véhicule de tourisme non comptabilisée ; que la circonstance que les bandes de caisses enregistreuses auraient été détruites à la suite d'une intrusion par effraction dans les locaux du club est sans incidence sur l'absence de ces autres documents comptables ; qu'eu égard à l'ensemble de ces irrégularités et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, le service a pu à bon droit écarter la comptabilité de la SARL FERNFELL comme dénuée de valeur probante ; que les impositions ayant été partiellement mises en recouvrement à la suite de la mise en oeuvre de la procédure de la taxation d'office et alors que le contribuable n'a pas répondu dans les trente jours qui suivent la notification de redressement, il appartient à la société requérante, en vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération des impositions qu'elle conteste ;
En ce qui concerne les redressements :
Considérant, en premier lieu, que si la SARL FERNFELL soutient que le tarif utilisé par l'administration pour opérer la reconstitution de son chiffre d'affaires « bar » ne serait pas probant, au motif que celle-ci aurait utilisé un tarif de 1999 non daté rédigé en français et rejeté le tarif de 1998 du fait qu'il était établi en anglais, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve qu'elle aurait remis ce tarif à l'administration lors des opérations de contrôle ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société n'établit pas, par la seule production d'une attestation non datée d'un expert comptable, que les écritures relatives aux amortissements aient été inscrites avant l'échéance des délais de déclaration conformément aux règles de la comptabilité générale ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1690 du code civil : « Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. » ;
Considérant que l'administration a constaté qu'au 31 décembre 1998 le compte d'associé Maltworld présentait un solde créditeur ; qu'elle a estimé en conséquence que la société Maltworld avait consenti un abandon de créance au profit de la SARL FERNFELL, dès lors que celle-ci ne justifiait d'une cession de créance respectant les formalités précitées de l'article 1690 du code civil sans que la société requérante justifie de cette dette ; que, d'une part, l'existence d'une cession de créance n'est pas justifiée par un acte authentique ; que, d'autre part, si la requérante a produit, postérieurement à la saisine du Tribunal administratif de Lille, un contrat signé le
21 septembre 1997 qui n'a pas date certaine, par lequel la société Maltworld, associée de la
SARL FERNFELL s'engageait à prendre en charge les frais de mise à disposition de personnel qualifié afin de remettre en état le terrain de golf, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe que l'existence d'un montant de 116 933 livres sterling, soit environ 1 100 000 francs, au poste « débiteurs et paiement d'avance » de la société Maltworld justifie l'écriture passée le
31 décembre 1998 constatant la reprise globale des fournisseurs pour un montant de
1 511 354,19 francs ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 209 du même code : « (…) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (…) » ; qu'aux termes de l'article 39 D du même code : « L'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément. (…) » ;
Considérant que la SARL FERNFELL fait valoir qu'elle a réalisé des travaux de remise en état du terrain du golf de Ruminghem et qu'elle a engagé à cette fin des frais pour un montant de 601 785 francs sur l'exercice 1997-1998 et de 224 617 francs sur 1999 ; que, dans le but de lui offrir une aide, la société de droit britannique Maltworld aurait mis à disposition du personnel ayant pour mission d'initier le personnel français à maintenir le parcours de golf en état de fonctionnement pendant toute cette période ; que, toutefois, l'administration a estimé, que, par leur consistance et leur importance, ces travaux, qui ont permis la réalisation d'agencements de nature immobilière, notamment la réalisation d'un parc de stationnement et d'une terrasse en béton, de même que l'aménagement d'un hangar pris en location, avaient eu pour conséquence d'augmenter la valeur de l'actif de la société ; que la société requérante n'apporte aucune justification de nature à remettre en cause cette appréciation de fait ; qu'ainsi ces dépenses ont eu pour contrepartie une augmentation de valeur des éléments corporels de l'actif immobilisé, laquelle pouvait seulement faire l'objet d'amortissements dans les conditions prévues à l'article 39 D du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL FERNFELL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL FERNFELL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL FERNFELL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL FERNFELL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
N°06DA00428 2